Evaldas Siskevicius, un dimanche sans Paris-Roubaix

Crédit photo Nicolas Mabyle / DirectVelo

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Cuges-les-Pins, au coeur du parc naturel régional de la Sainte-Baume. C’est ici, à une trentaine de kilomètres à l’est de Marseille, que réside Evaldas Siskevicius depuis l’an passé. Il s’y est en effet acheté une maison avec sa compagne. “C’est une vraie chance d’avoir déménagé récemment car je me retrouve avec plein de trucs à faire, comme de la peinture ou autre… Jeudi dernier par exemple, j’ai passé un long moment à tailler les arbres du jardin”, s’amuse-t-il auprès de DirectVelo en faisant référence à l’actuelle période de confinement qui l’oblige à rester à la maison.

« 300 BORNES SUR HOME TRAINER (...) JE NE VOIS PAS TROP L'INTÉRÊT »

En Lituanie, pays de près de trois millions d'habitants où 24 personnes sont mortes du coronavirus à ce jour, un confinement est également en vigueur, mais il reste moins stricte qu’en France. Il est par exemple toujours possible d’aller y faire des sorties à vélo. Pas de quoi faire hésiter « Siske » pour autant. “J’avais plusieurs raisons de rester en France : ma femme travaille ici, même si elle est actuellement en télétravail, et notre récent déménagement nous a poussés à ne pas bouger. Il y a plein de choses à gérer”, insiste celui qui n’aurait, de toute façon, pas trouvé un réel bénéfice à s’entraîner sur les routes lituaniennes. “Cela n’aurait aucun sens. Pourquoi vouloir à tout prix enchaîner les kilomètres alors qu’on ne sait même pas quand on va reprendre la compétition ? Je vois des coureurs faire 300 bornes sur home trainer… C'est peut-être une façon de se défouler (sourires). Mais dans le fond, je ne vois pas trop l’intérêt”, admet le Balte avec son franc-parler habituel. “Il faut garder une certaine forme physique, bien sûr, mais aussi rester calme et ne pas forcer le destin. On en a sûrement encore pour un moment, alors faisons preuve de raison”.

Le discours d’Evaldas Siskevicius est posé. Pour autant, le solide gaillard d’1m83 pour 80 kilos a généralement plutôt tendance à ne pas tenir en place. “C’est sûr que si le confinement dure encore deux mois, ça va vraiment devenir dur pour moi, mais il faudra faire avec et trouver encore d’autres occupations. Mais je vais finir par être limité, surtout que les magasins de bricolage sont fermés”. Pas du genre à se plaindre, l’athlète de 31 ans est prêt à s’adapter, encore et toujours. Et à patienter aussi longtemps qu’il le faudra pour retrouver un mode de vie plus ordinaire. “Le plus important est de rester en vie et de tout faire pour sortir de cette situation à la fois rapidement et correctement. Le but n’est pas de se retrouver avec une deuxième vague encore plus forte dans quelques mois. J’ai la chance de vivre dans un petit village de campagne et je me sens privilégié, mais je pense aussi à tous ceux qui sont en appartement, en ville. Je comprends que ce soit plus difficile à gérer. Mais il faut aussi comprendre que l’on ne peut pas jouer avec la santé des gens. Peut-être que certains ne réalisent toujours pas la gravité de la situation”. Pas question d’accabler le comportement de certains pour autant. Evaldas Siskevicius ne souhaite d’ailleurs pas se lancer dans une comparaison éventuellement hasardeuse entre le comportement général des Français et ce qui pourrait se faire en Lituanie. “On parle souvent de la rigueur des pays du Nord mais je crois aussi que le monde change. On peut maintenant retrouver le même type de comportements un peu partout. Il n’y a qu’à voir ce qu’il se passe aux États-Unis”.

« JE COMPTAIS LES JOURS QU’IL RESTAIT JUSQU'À PARIS-ROUBAIX »

Au-delà de cette crise sanitaire, l’ancien lauréat du Grand Prix de la Somme ou du Circuit des Ardennes tente tout de même de garder le cap et de se tenir prêt pour un futur retour à la compétition. Après dix jours de coupure à la suite de Paris-Nice, il alterne désormais les séances de course à pied et de home trainer. Ce dimanche matin, c’est d’ailleurs au moment de se lancer dans un énième jogging qu’il a réalisé qu’il aurait dû - en d’autres circonstances - être en train de batailler sur les pavés de Paris-Roubaix. La course qui le fascine depuis l’adolescence, celle qui l’a révélé aux yeux du grand public ces deux dernières saisons ; d’abord grâce à sa persévérance en 2018 (lire ici), puis grâce à un beau Top 10 l’an passé (voir classement). “Deux merveilleux souvenirs dont on me parle encore aujourd’hui”, résume-t-il avec émotion. “J’avais tout fait dans les moindres détails pour être au top de ma forme ce dimanche. Depuis Paris-Nice, je comptais les jours qu’il restait jusqu’à Paris-Roubaix. C’était mon plus gros objectif de l’année. Je misais beaucoup dessus. Après ce qu’il s’était passé ces deux dernières années, j’y étais attendu et j’en avais conscience”.

De quoi avoir un pincement au coeur, forcément. “Je me sentais capable de faire quelque chose de grand. Ne pas disputer cette course est dur à encaisser. Mais on ne peut rien y faire, c’est comme ça”. Surtout, Evaldas Siskevicius ne désespère pas de pouvoir affronter une nouvelle fois « l’Enfer du Nord » plus tard dans la saison, dans le cas d’un éventuel report. “Il faut l’espérer. Les portes ne sont pas totalement fermées”, glisse-t-il avec malice, comme un clin d’oeil à ces portes du vélodrome roubaisien qu’il a fallu ré-ouvrir, il y a deux ans, pour le laisser aller au bout de la Classique de ses rêves.

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