Rétro : Ces organisateurs « morts de faim »…

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

Crédit photo Antoine Pouillard - DirectVelo

L’année 2020 restera dans tous les esprits. Un mot à lui seul pourrait résumer cette saison pas comme les autres : coronavirus. Organisateurs, staff, coureurs, bénévoles ou simples passionnés : toutes et tous ont été grandement impactés par ce violent tremblement de terre dont les premières grosses secousses ont été ressenties début mars, et qui n’a depuis guère laissé de répit. À l’occasion de ces derniers jours de l’année, DirectVelo vous propose de revenir sur quelques-uns des événements marquants de cette année pas comme les autres, afin de comprendre comment les acteurs du monde du cyclisme ont vécu cette période si particulière.
Ce mardi 29 décembre, coup de projecteur sur ces organisateurs qui ont tout fait pour tenter de sauver ce qui pouvait l'être.   


En mars, la Fédération Française de Cyclisme a donné la possibilité d’organiser des courses sur route jusqu’au 29 novembre, soit un bon mois après la date habituelle de l’arrêt de la saison. Certains - rares - clubs amateurs ont rapidement montré un vif intérêt pour cette prolongation (voir ici), pendant que des organisateurs de cyclo-cross commençaient à s’agacer de cette concurrence. Mais, sans grande surprise, alors que la France sortait à peine de son premier confinement, aucune course n’est apparue en novembre quand la FFC a dévoilé son nouveau calendrier. Pire, dans un contexte incertain, peu d’organisateurs ont émis le souhait de reporter leur épreuve entre août et fin septembre alors que des courses organisées en temps normal à ces dates-là s'annulaient régulièrement. Certains week-ends, les équipes ont dû traverser la France ou partir à l’étranger pour courir.

« LES FAIRE RÊVER UNE JOURNÉE »

Il n’y pas besoin de se creuser les méninges pour citer les épreuves reportées en France, aussi bien celles en UCI qu’au calendrier fédéral. Parmi elles, Nantes-Segré, manche de la Coupe de France N1. Prévue en mars puis en juin, l’épreuve organisée par Bernard Pointeau a finalement eu lieu le 18 octobre. “Ces différents reports n’ont pas été simples à gérer, reconnaît l’organisateur. En mars, nous apprenons l’annulation seulement trois jours avant. À ce moment-là, nous nous sommes dit : « il y aura un Nantes-Segré en 2021 ». Le but était avant tout d’organiser, que l’épreuve fasse partie, ou non, de la Coupe de France… Nous n’avons jamais laissé tomber. Nantes-Segré est un événement reconnu dans le Haut-Anjou, et ça aurait été dommage de l’annuler”. Même discours pour Guy Brien. Sa course, Paris-Camembert (1.1), est la seule manche de la Coupe de France pro qui a été reportée, passant d’avril à septembre. “Tous nos partenaires ont maintenu leur soutien. On avait le budget pour la faire. Nous avions l'objectif de faire courir le peloton pro et sortir de cette sinistrose, confie-t-il à DirectVelo. On traverse trois départements. On va à la rencontre des territoires et des gens… On voulait les faire rêver une journée”.

Le SCO Dijon a également tenu à donner un peu de bonheur. Le club bourguignon avait pourtant annoncé l’annulation de ses deux courses d’un jour, mais la Maggioni Classique Châtillon-Dijon et la Classique Rougeot Dijon-Auxonne-Dijon ont finalement bien eu lieu en septembre. Un changement de cap crucial pour l’avenir du club, contraint d’annuler entre-temps le Tour de Côte d’Or. “Ce n’était pas vital. Les partenaires et les collectivités nous ont donné ce qui était prévu, indique Régis Bouchesèche, le président du SCOD. Organiser donnait de la visibilité aux partenaires, et c’était pour faire plaisir aux coureurs et à tout le monde, ça permettait de sortir un peu la tête de l’eau dans une période compliquée”.

Si l’argent reste le nerf de la guerre, ce n’est pas la seule raison qui a poussé les organisateurs à annuler ou reporter. “Même sans organiser, on a touché les subventions qui étaient prévues, fait savoir un organisateur qui a dû annuler sa course par étapes. Les collectivités - la région et les départements - ont rapidement fait savoir qu'elles maintenaient leur effort envers notre course. On tape souvent sur les collectivités, mais là, ce sont elles qui sont venues vers nous sans qu'on soit demandeur. Elles ont tenu à soutenir les associations qui avaient annulé leur évènement". 

DES DIFFICULTÉS DIVERSES

Une fois l’idée de reporter validée, il a fallu travailler dans un contexte pesant. “Pour l'organisation, ça a été le double de boulot qu’en temps normal, estime l’organisation de Paris-Camembert. Nous avions préparé une première mouture, mais à une semaine de la course, deux des départements (Eure et le Calvados, NDLR) sont passés en zone rouge. Cela limitait le nombre de personnes qui pouvaient venir sur la ligne d'arrivée. On est passé d’une jauge de 5000 à 2500 personnes. Il a fallu mettre plus de moyens sur la sécurité, avec notamment des vigiles”. Mais Guy Brien n’a jamais eu l’intention de jeter l’éponge. “Nous sommes d'un naturel optimiste et des morts de faim”. Les accords des préfectures sont arrivés le lundi 21 septembre à 11h, soit la veille de la course et à peine trois heures avant la réunion des directeurs sportifs. Tous les protagonistes étaient déjà arrivés sur place alors que rien ne garantissait la tenue de la course. “On avait une épée de damoclès au-dessus de la tête”, souffle l’organisateur de l’épreuve normande. 

Le SCOD reconnaît également des difficultés mais pour d’autres raisons. “À la Maggioni Classique Châtillon-Dijon, il faisait un temps de cochon, il pleuvait et il faisait froid. Les coureurs étaient dehors à se changer. On n’avait pas le droit de les faire rentrer dans le gymnase. Au bout d’un moment, je les ai quand même fait rentrer, reconnaît le président dijonnais. Je leur ai dit de respecter les gestes barrières, et que chacun se mette dans un coin du gymnase”.

En revanche, Nantes-Segré n’a pas connu de difficultés particulières. “L’organisation n’a finalement pas été trop perturbée, rapporte Bernard Pointeau. Certes, il a fallu faire à plusieurs reprises les démarches auprès des préfectures, mais ce n’est pas si compliqué. Nous avons mis en place une cellule Covid de six personnes, et nous avons dû renforcer la séparation entre les spectateurs et les coureurs, qui étaient sur un parking à part. Davantage de barrières ont été installées, et nous avons également retiré les banderoles des sponsors”. Il peut même se féliciter d’avoir eu une vingtaine de bénévoles supplémentaires par rapport à mars 2019, année où la course était déjà au calendrier de la Coupe de France N1. Le SCOD a lui perdu quelques mains en route. “Quelques-uns des plus âgés ont décidé de se mettre en retrait, mais c’est tout à fait normal. Mais sinon on a des jeunes, tout le monde était partant et satisfait”. 

UNE RÉUSSITE SPORTIVE

Et sportivement, la réussite a été au rendez-vous. “Quand je vois que Dorian Godon gagne et que derrière, il fait une très belle Vuelta... Ce ne sont pas des manchots qui s’imposent à Paris-Camembert. Et quand je vois ce que fait maintenant Benoît Cosnefroy...”, apprécie Guy Brien. “Il y avait du monde au départ”, retient Régis Bouchesèche en se remémorant le plateau des deux épreuves dijonnaises. “D’un point de vue sportif, le bilan est formidable, apprécie Bernard Pointeau. On avait peur que les équipes ne viennent pas. Pour certaines, ça faisait loin. Mais tout le monde était là, nous avons eu nos 156 partants, et un formidable vainqueur (Jason Tesson), qui en plus est un gars de chez nous. Ça a été une énorme satisfaction d’organiser cette épreuve et de pouvoir en faire profiter le public, même restreint (1000 personnes contre environ 4500 les autres années, NDLR)”.

Le maintien de ces épreuves n’a pas mis en danger leur avenir. Nantes-Segré avait prévu 30 000 euros pour organiser l’épreuve, et a pu faire une économie d’un tiers, notamment en se passant de la location d’un écran géant. “La partie restante est déjà allouée à l’édition 2021. Avec ce petit matelas, et les subventions, le budget est déjà quasiment bouclé pour l’année prochaine”, fait savoir Bernard Pointeau. Ça nous a renforcés, et ça nous a aussi permis de voir là où nous étions un peu faibles”. Guy Brien n’est lui pas inquiet quant à la composition de son plateau pour l’édition 2021. “Les équipes savent que l'organisation de Paris-Camembert est fiable et que si on s’engage, on ne va rien lâcher derrière. On a réussi à organiser la course à la force du jarret”. Bernard Pointeau résume : “Je constate que toutes les courses qui se sont tenues après la reprise ont eu beaucoup de succès. Comme quoi, nous avons eu raison”. De quoi donner des regrets à ceux qui ont annulé leur édition 2020 ? Pas vraiment du côté des organisateurs sondés par DirectVelo. “Tant mieux pour ceux qui ont maintenu leur épreuve, mais je n’ai absolument pas de regrets. On avait environ 80% de notre budget quand on a décidé d’annuler mais il y avait trop d’incertitudes”, juge un organisateur de Classe 2. La saison 2020 loin derrière eux, tous continuent de scruter les informations du coin de l'œil tout en préparant la prochaine édition. Prêts à repartir au combat. 

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