Troyes sans public mais pas sans idées
Dès l’entrée sur le site de Troyes, situé au sein du complexe sportif, il n’y a qu’un groupe de bénévoles, reconnaissables à leur tenue rouge et leur bonnet cousu aux couleurs de l’événement, qui traîne aux abords de la ligne. Quelques coureurs ne manquent pas de prendre leurs derniers repères avant que les Juniors n’ouvrent le bal. Alternant avec des allers-retours au parking, tout au fond du circuit, presque à l’écart. La voix du speaker Jean-Michel Quéré vient interrompre la musique par moment, censée réchauffer l’atmosphère grisâtre alors que le thermomètre dépasse péniblement les 1°C. Le long des barrières en filet, Geoffrey Corniau, membre de l’équipe d’organisation, effectue les derniers réglages. Dans une saison de cyclo-cross où la France a toutes les peines à proposer des courses, Troyes a montré la voie.
"Ça a été compliqué dès le début. Dès le mois de mars, on pensait déjà à notre course de janvier. On comptait les mois qui défilaient. Surtout à partir des mesures en octobre. Mais on est une bande de huit jeunes dirigeants, on a été coureurs, on a toujours eu cette lumière pour organiser", admet Geoffrey Corniau. Une décision pour les coureurs, qui ont largement répondu présent à l’appel de l’Aube. "On pense à eux qui n’ont pas de courses l’hiver. C’était possible avec des concessions comme le huis clos. Se priver de 5000 personnes, ce n’est pas rien. Baisser les bras aurait été la facilité". Une fois soulagé, après que tout se soit passé correctement, l’organisation se réjouit du respect des règles. "Honnêtement, n’importe qui qui voulait rentrer aurait pu. On ne pouvait pas mettre de postes partout, mais je constate qu’il n’y avait pas de non-accrédités sur le circuit".
UN SYSTÈME DE BULLES
Qui dit absence de public, dit absence de recettes, notamment en buvette, populaire dans l’univers du cyclo-cross. "Il y a une recette qui est moins importante. Mais on fait des concessions ailleurs pour limiter nos dépenses. Peut-être qu’on mettra plus de choses en place l’année prochaine, qu’on n’a pas pu faire cette année". Quant à l’aspect sportif, l’organisation décompte 450 personnes dans la bulle, environ 100 à 150 pour les bénévoles, et une trentaine de médias. Avec chacune un espace dédié. De plus, les catégories des épreuves sont séparées, de manière à ce que les coureurs ne se mélangent pas. "Chacun ne peut accéder au circuit que pour son épreuve et son entrainement", détaille Geoffrey Corniau. Une décision prise après avoir envisagé tous les protocoles possibles avec la préfecture, début décembre.
À la suite des mesures du dernier confinement, les coureurs sont donc catégorisés entre prioritaires et non-prioritaires. Les premiers cités étant ceux de haut-niveau. Pour organiser, ils doivent représenter 50% de l’épreuve. Pas de problème pour Troyes. "On a 55 prioritaires sur 95 engagés chez les Elites hommes. Chez les Femmes et Juniors c’est plus compliqué à définir, mais ils sont considérés comme athlète de haut-niveau. Grosso modo, on est tout juste à 50% pour ces deux catégories". Et cela a facilité le travail de l’organisation, qui s’est évitée des problèmes de sélection. "J’avais peur de devoir faire une sélection. Si on n’avait pas eu le choix, on l’aurait faite, mais on est rassuré là-dessus, c’était une vraie angoisse. Un 3e catégorie bon en cross peut battre un 1re catégorie route moins à l’aise… c’est compliqué".
EN ATTENDANT LA SUITE…
Ainsi, il n’a jamais été non plus question de passer les Juniors à la trappe, par exemple. Une catégorie qui souffre particulièrement des mesures. "La préfecture nous a demandé de supprimer les épreuves fédérales comme les Cadets, école de cyclisme, etc. Mais les Juniors, il n’y avait aucun problème avec la jauge et si on a le compte de haut-niveau. On ne pouvait pas leur demander de ne pas venir". À une semaine de Pontchâteau, Troyes admet "ne pas avoir maintenu la course pour le Championnat de France, mais pour que les coureurs aient des courses, malgré l'aspect répétition générale". Et après quatre éditions désormais, pourquoi ne pas prétendre à encore plus, après être passé de C2 à C1 cette année. "On ne veut pas de one-shot, on veut rester une grosse course qui de temps en temps prétend à une Coupe de France ou du Monde". Son pari de 2021 est déjà gagné. Et alors que les camions désertent un à un le site plongé dans la nuit, la lumière des phares laisse deviner des sourires sur les visages masqués. Troyes a réussi son coup.