Grégory Baugé : « Être honnête avec soi-même »
Grégory Baugé a choisi le jour et l'heure de l'annonce de sa fin de carrière sur le vélo. "C'est ma décision", précise-t-il. Dimanche soir, dans l'émission Stade 2, le coureur de bientôt 36 ans renonce à participer à ses quatrièmes Jeux olympiques, à Tokyo, en août 2021 (lire ici). Le sociétaire de l'US Créteil ne sera donc jamais Champion olympique, mais en trois participations, il est revenu à chaque fois avec au moins une médaille, et avec quatre breloques en tout.
Dès sa première année Espoirs il est retenu pour le Championnat du Monde de Melbourne en 2004. L'année suivante, à Los Angeles, il fait partie pour la première fois du trio de la vitesse par équipes, avec Mickaël Bourgain et Arnaud Tournant, qui ne récolte que la 4e place. Quinze ans plus tard, il est encore là à Berlin, pour une nouvelle 4e place, pour ce qui reste sa dernière course. Dès 2006, à Bordeaux, il revêt son premier maillot arc-en-ciel chez les Elites avec la vitesse par équipes. En 2015, c'est encore en France, à Saint-Quentin-en-Yvelines, qu'il endosse ses deux dernières tuniques irisées, en vitesse par équipes et individuelle (lire ici). Au total, ce sont neuf titres de Champion du Monde pour « Le Tigre ».
C'est donc un des plus beaux palmarès et un personnage charismatique de la piste française qui s'en va. Grégory Baugé revient pour DirectVelo sur ce qui l'a amené à décider de raccrocher.
DirectVelo : Quand as-tu pris ta décision ?
Grégory Baugé : Un peu avant les vacances de Noël, ce que je ressentais commençait à m'interpeller. Après les vacances, je me suis posé les bonnes questions. J'ai fait le constat que ça ne tournait pas rond comme d'habitude. Pourtant, je ne ressentais pas le besoin de couper, j'avais toujours la motivation.
« C'EST ARRIVÉ COMME ÇA »
Qu'est-ce qui ne tournait pas rond ?
Je n'arrivais pas à donner tout ce que je pouvais, surtout pour préparer les JO. Ce n'est pas ma façon de voir les choses. C'est comme une voiture qui ne répond pas aussi bien qu'avant quand tu accélères. La voiture, on peut l'amener au garage mais pas nous ! Je me suis toujours fié au ressenti. Pourtant, après le premier confinement, j'ai pris un second souffle en Guadeloupe. J'étais vraiment bien au retour, les entraîneurs l'ont constaté également. Je m'étais organisé avec eux pour aller plus souvent à l'INSEP pour faire moins de route pour aller m'entraîner.
Quand t'es-tu rendu compte de ces sensations ?
C'est arrivé comme ça, je ne m'y attendais pas. J'en ai parlé avec Florian Rousseau et Ladji Doucouré (ancien champion du monde du 110m haies). Ce sont des symptômes qu'on peut ressentir du jour au lendemain. Tu sens que t'es bridé. Le plus important, c'est d'être honnête avec soi-même.
As-tu le regret de ne pas avoir disputé ta dernière course en sachant que c'était la dernière ?
Dans ma tête, Berlin était déjà mon dernier Championnat du Monde mais ce n'est pas comme ça que j'imaginais ma fin de carrière. On prévoit des choses mais il y a ce virus qui est là. Ce n'est pas un grand regret.
« AVEC FLORIAN, IL SUFFISAIT DE LE VOIR FAIRE »
Tu as insisté sur l'importance de Dominique Sioul (1) dans Stade 2. Quel est son rôle dans ta carrière ?
C'est le premier qui est venu dire à mon père de me mettre sur piste. À l'époque, de la piste, je ne connaissais que les JO. C'est lui qui m'a vu courir à l'INSEP dans une compétition hivernale. Dominique, c'est le premier qui m'a conseillé d'aller dans cette voie-là. Il a conseillé beaucoup de coureurs. Ensuite, Gérard Quintyn a été mon premier entraîneur national. C'est avec lui que j'ai connu la dureté du sport de haut niveau. Avant d'entrer à l'INSEP, je m'entraînais deux fois par semaine. Je suis passé d'un coup à deux entraînements par jour du lundi au vendredi et encore un entraînement le week-end. Si tu n'as pas les crocs, tu ne les auras jamais ! Benoît Vêtu m'a entraîné chez les jeunes. Mon premier titre de Champion du Monde Juniors, c'est avec lui.
À l'INSEP tu as aussi côtoyé les champions en place…
Il y avait encore Florian Rousseau et Arnaud Tournant. Leur travail était énorme. J'ai beaucoup parlé avec Arnaud. Avec Florian, il n'y avait pas besoin qu'il te parle beaucoup, il suffisait de le voir faire. Florian, j'ai eu mes plus beaux titres avec lui. Il m'a aidé à m'épanouir, je l'ai aussi aidé à s'épanouir dans son travail d'entraîneur.
Et maintenant, vas-tu transmettre ton expérience ?
J'ai mon brevet d'état premier degré et un brevet professionnel d'activité pour tous, je peux entraîner. D'ailleurs j'entraîne déjà au sein de l'US Créteil un coureur qui participera aux Jeux paralympiques. J'ai connu plusieurs entraîneurs, ça fait partie de mon expérience et c'est ce vers quoi je me dirige.
(1) Dans les années 80, sous le maillot du CSM Puteaux JPS, Dominique Sioul était un des meilleurs sprinters de la piste parisienne. Il est ensuite devenu Champion de France Masters sur piste.