Arnaud Jouffroy a expliqué aux Bleus comment « dompter le sable »
Bien qu’il ait tourné la page du plus haut niveau en cyclo-cross, Arnaud Jouffroy est loin d’avoir complètement refermé le livre. Encore très actif, notamment aux côtés des Bleus, l’ancien porteur de deux maillots arc-en-ciel de la spécialité - un en Junior, un en Espoir - a participé au stage de préparation au Championnat du Monde d’Ostende. Il a ainsi pu accompagner l’Équipe de France et délivrer de précieux conseils pour briller sur le sable, lui qui s’avère être fin connaisseur de ce terrain. Pour DirectVelo, Arnaud Jouffroy donne les clés de la réussite sur le sable, et fait part de ses impressions sur la semaine de stage à Saint-Hilaire-de-Riez (Vendée).
DirectVelo : Quel est le secret pour être efficace sur le sable ?
Arnaud Jouffroy : Ce qui est très dur, c'est au niveau de la position sur le vélo. Il faut se mettre plus à l'arrière pour éviter de planter la roue avant. Dès qu'on sort des ornières créées par les autres coureurs devant, on risque de planter et perdre la vitesse. Il faut être souple au niveau du pilotage. Ne pas forcer sur les bras et laisser aller. C’est l'inverse de l'herbe où on tire et on relance. Quand on rentre dans le sable, il faut être beaucoup plus souple et être plus en arrière. Pour ce faire, certains relèvent les manettes ou inclinent le guidon. Ça ne sert à rien d’aller dans le mou, il faut aller dans les ornières. Et puis… dès qu'on perd un peu de vitesse, il faut courir (rires) !
Tu appréciais ce terrain ?
J'aimais bien ça. Si on arrive à passer à vélo là où personne ne passe, on prend de l'avance. Ça a un côté très fun et plaisant. Il faut le travailler bien sûr. Si on n’en a jamais fait, c'est très compliqué. Rouler dans le sable est un exercice hyper dur, donc quand on y arrive, ce n’est que du plaisir. J'aimais bien ça car j'essayais de bien m'appliquer. C’est un très bon moyen de bien distancer les adversaires.
« LES COUREURS POSAIENT BEAUCOUP DE QUESTIONS »
Tu as participé au stage de l'Équipe de France en Vendée. Quels conseils as-tu pu donner ?
On a commencé par des petits ateliers avec pleins de petites astuces, techniques notamment. Sans faire trop de physique. Sur la force, ils sont en forme, il n’y a pas de soucis. Mais je voulais leur montrer qu'on pouvait y arriver par la technique. On a appris à rouler dans les ornières, faire un demi-tour dans le sable, etc. Puis on a proposé des exercices de plus en plus durs. Quand ils avaient bien pigé on leur faisait des intensités dans le sable. Au début on passait doucement, en s’appliquant sur la gestuelle. Et ensuite, quand on arrivait à bloc, il fallait appliquer tout ça. Donc on a essayé de faire de l'entraînement à haute vitesse.
Les coureurs en ont-ils profité pour te poser des questions ?
Oui, ils posaient beaucoup de questions. Pendant les entraînements et en dehors. On avait un petit débriefing après et on échangeait. Je leur expliquais avec mes mots comment dompter le sable, et puis eux avaient leurs ressentis. Je donnais d'autres petits tuyaux et on essayait d'améliorer des choses. Certains voulaient changer leur position, en étant moins agressif vers l'avant. Je leur disais que ce n’était pas comme partir avec un vélo de ville, il ne faut pas se mettre en mode chrono. Steve Chainel s'était donné comme objectif de relever son guidon. On a eu vraiment beaucoup d'échanges. Ça reste du sable, rouler dedans est très physique, on doit pédaler. Les coureurs avaient des temps de pause. Ils faisaient un passage puis attendaient pour récupérer, et on en profitait pour échanger. Je les regardais et les conseillais sur leur position, la souplesse, les trajectoires...
« ÇA RESTE INTENSIF COMME EXERCICE »
Selon toi, est-ce que quelques entraînements et un stage sont suffisants pour briller sur le sable ?
Ils ont les bases pour ceux qui n’en avaient jamais fait. Mais pas mal connaissaient. Certains n'avaient jamais vraiment trop entraîné cet aspect. Ça dépend où on est en France. Si on n’est pas vers la mer, le long des étangs, ce n’est pas le même sable. Le stage a été hyper bénéfique. S'ils avaient couru encore un peu plus, ils seraient davantage habitués. Mais après ils sont allés à Mol donc c'était vraiment bien. Si on avait refait un stage, on pourrait être encore mieux. Mais on ne peut pas non plus trop en faire avant un Mondial. Ça reste intensif comme exercice. On l'a fait une fois que la sélection était tombée, les meilleurs étaient pris. Au final, on a fait du mieux qu’on pouvait pour les aider.
Comment en es-tu arrivé à prendre part à ce stage ?
Depuis le début de saison, François (Trarieux) voulait m'intégrer au staff en tant qu’entraîneur. S’il y avait eu un Championnat d'Europe pour les jeunes, j'aurais dû intégrer leur stage à ce moment-là. Moi, là où j’ai le plus d’utilité, c'est dans la préparation. Le jour des courses je suis moins utile. François m'a proposé de venir en renfort sur tous les stages qu'il y aurait cette saison. En plus, c’est une année de sable, au Championnat d'Europe et au Mondial (sourire). C'est là où j'étais le meilleur en fin de carrière, donc je pouvais être utile. François était intervenant dans ma formation du DEJEPS. Il attendait que je valide le diplôme. J’ai réussi puisque j’ai eu les félicitations. Donc il m'a recontacté pour les aider au niveau de l'Équipe de France.
« SE POSER UNE OU DEUX SECONDES AVANT ET SE CONCENTRER »
Tu as vu des bonnes choses chez les Bleus ?
Chez les femmes j'ai vu Perrine (Clauzel) qui découvrait, elle était très motivée et ça lui plaisait. Elle arrivait très vite, elle n’a pas peur. Le sable peut faire peur, mais elle arrivait à bloc et elle passait bien. Anaïs Morichon passe très bien aussi. Sur une journée, elle passait même le mieux hommes et femmes confondus. Mais la course à pied était son point faible, elle courait moins vite. Chez les hommes, c'était assez homogène. Joshua Dubau passait bien, il était très à l'écoute des conseils. C’est l’un de ceux avec qui j'ai le plus discuté. Yan Gras a bien progressé car ce n'était pas trop ça. Il ne passait pas trop sur la technique mais ça allait mieux à la fin. Et celui qui avait l'habitude, c'était Steve Chainel. Avec toute son expérience, après deux ou trois passages il était en mode sable et ça passait.
Quel est le bon profil pour tirer son épingle du jeu sur le sable ?
Il faut allier quelque chose de super technique en plus d’être à bloc. On est en plein effort lorsqu’on relance dans l'herbe et on arrive dans le sable. Je leur ai dit qu’avant d’entrer dans le sable, il faut se poser une ou deux secondes avant et se concentrer. Il faut être prêt à changer sa façon de rouler pour se mettre en mode « ok, j’arrive dans le sable ». Allier technique et lucidité, tout en étant à bloc et en mettant beaucoup de force. À la sortie du sable on est toujours plus à bloc car quand on court à pied le cardio est plus haut. Le circuit ne présente pas beaucoup de dénivelé à part la passerelle à plus de 20%. Ce qui va être très dur, c’est de revenir de la plage et prendre la passerelle. C’est ce qui va faire des écarts. Sinon c'est de la prairie avec quelques virages, ça ne fera pas énormément de différences. Mais à l'usure, avec cet enchainement et la répétition de la plage et la passerelle, le circuit sera rendu dur.