Thomas Voeckler : « Il nous épatera toujours »
“Ça va les gars ? On vous a fait plaisir au moins ?”. L’humour et la joie de Thomas Voeckler avaient clairement un aspect communicatif et enthousiasmant, au moment où le sélectionneur national s’est présenté devant la presse francophone, ce dimanche en fin d’après-midi. Alors les journalistes lui ont bien rendu, notamment en évoquant ce short de bain que portait l’ancien champion de France au moment de recevoir les Bleus à leur hôtel, il y a quelques jours. Un cliché immortalisé dans les colonnes de l’Equipe. “Tu sais que ça, c’était calculé aussi… Je voulais faire croire que j’arrivais en touriste”, rigole le sélectionneur. Voilà pour la plaisanterie. Pour le reste, le technicien de 42 ans ne peut que se réjouir au moment d’évoquer la formidable course de ses protégés. “L’état d’esprit du groupe, le comportement de chacun… C’est indescriptible !”.
Sur ce Mondial, les Français s’étaient promis une chose : être les plus offensifs de tous et toujours avoir un coup d’avance. Mais surtout, ils voulaient surprendre leurs rivaux en se montrant particulièrement précoces. “Les consignes étaient de lancer la course avant que tout le monde ne le pense, histoire que l’on nous prenne un peu pour des fous. Il s’est passé ce que l’on pensait qu’il allait se passer, avec une course de mouvement pour éviter qu’il y ait trop de monde sur le circuit, en fin de course. On voulait entamer cette course de mouvement avant tout le monde. Et pour tout vous dire, cette course de mouvement, on aurait même dû la lancer encore plus tôt mais Rémi Cavagna a crevé”, concède Thomas Voeckler, alors que les Bleus ont effectivement été omniprésents pendant les dernières heures de course et ont passé leur temps à harceler leurs adversaires. “On voulait toujours avoir un coup d’avance, avec un Benoît Cosnefroy ou un Arnaud Démare, pour avoir un coureur rapide devant et créer du danger. Et on voulait garder Julian et « Sénéch » (Florian Sénéchal, NDLR) pour la fin”.
TOUT ÉTAIT PRÉVU… SAUF LES 17 BORNES EN SOLO
Avec le sentiment que tout s’est déroulé comme prévu, et comme dans un rêve. “C’est vrai que ça s’est passé comme prévu. J’ai simplement eu un peu peur quand Valentin (Madouas) s’est retrouvé dans un groupe de cinq devant, même s’il marchait énormément, comme les autres”. Mis à part à ce moment précis, les Bleus ont toujours été en supériorité et en maîtrise. Jusqu’à ce que Julian Alaphilippe ne surprenne tout le monde, y compris son sélectionneur. “Ce qui n’était pas prévu, par contre, c’était de faire 17 bornes en solo ! Julian m’avait demandé s’il devait lancer le sprint pour Florian Sénéchal mais je lui ai répondu que non, et que « Sénéch » allait se débrouiller. Au dernier moment où j’ai pu parler à Julian, je lui ai dit de suivre les attaques et de contrer. Puis je lui ai dit de finir à l’instinct. Mais finalement, il n’a pas suivi cette consigne, il a attaqué lui-même”.
Un choix finalement payant puisque l’Auvergnat est parvenu à tenir jusqu’au bout, après différentes attaques qu'il a bien maitrisées, sans trop en faire. “Normalement, quand Julian attaque, il prolonge son effort. Mais c’est une erreur. Quand on s’appelle Alaphilippe, soit on part tout de suite, soit on s’arrête et on recommence après. Et ça, je me suis permis de lui ordonner”, détaille Thomas Voeckler, qui a d’abord vu le Champion du Monde en titre conserver une petite quinzaine de secondes d’avance durant plusieurs kilomètres sur le quatuor en contre, avant que son avance ne prenne de l’ampleur dans les toutes dernières minutes de la course. De quoi surprendre le sélectionneur, qui admet que Julian Alaphilippe l’a encore épaté. “Il nous épatera toujours, j’espère !”.
AUCUN PLAN ANTI-BELGIQUE : « C'ÉTAIT HORS DE QUESTION ! »
Avant cet ultime coup de force de Julian Alaphilippe, c’est Sonny Colbrelli qui avait fait la plus belle impression à Thomas Voeckler. Ce dernier a senti assez rapidement que Wout van Aert n’avait sans doute pas des jambes de feu sur ses terres. “On a compris qu’il n’était entre guillemets par le Wout van Aert impérial. On l’a vu à son coup de pédale. En étant franc, je pense que (Jasper) Stuyven était aussi fort que lui. Mais je veux rendre hommage à l’équipe belge. Réussir à construire une équipe homogène comme celle-là, malgré des garçons de caractère et de talent comme Remco et Wout… Il y avait encore beaucoup de doutes - il évoque notamment la presse belge - il y a peu alors il faut féliciter l’équipe de Belgique pour ça”.
En parlant de la sélection belge, justement, Thomas Voeckler assure qu’il n’en avait certainement pas fait une fixation, bien que beaucoup semblaient vouloir déjà offrir le maillot arc-en-ciel à Wout van Aert, comme si c’était fait. Le sport de haut-niveau est heureusement bien moins prévisible que cela. “Quand il y avait cinq coureurs devant avec Remco (Evenepoel) et Valentin Madouas, qui est beaucoup moins fort que lui, il a collaboré. La Belgique était un adversaire comme les autres et la plus grosse erreur que l’on aurait pu faire aurait été de monter un plan anti (Wout) van Aert ou anti-Belgique. Et il y en a sans doute plein qui l’ont fait. Et je ne voulais pas de ça, c’était hors de question ! Au PSG, si tu as trois défenseurs qui vont se focaliser sur (Kylian) Mbappe - avant que (Lionel) Messi n’arrive - eh bien ça ouvre la porte pour le gars à côté. C’était le même principe”. De A à Z, la tactique de l’équipe de France, de son leader et de son sélectionneur aura été la bonne.