Ligue des Champions : Le sprint grand gagnant

Crédit photo Ucitrackchampionsleague.com

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Ce n'est sans doute pas un hommage au "train bleu", la caste des coureurs qui régentait les Six-Jours, puisque la Ligue des Champions se proclame novatrice et d'avant-garde, mais il y a du bleu partout dans cette nouvelle compétition voulue par l'UCI. Même la balustrade peut se confondre avec la Côte d'Azur. Le groupe Discovery, l'organisateur, mise beaucoup sur la lumière au point d'en faire la signature de l'événement. On ne sait plus dans quel vélodrome les coureurs tournent, mais on sait que c'est la Ligue des Champions.

« ON NE PEUT PAS ENTRER EN SCÈNE SI LA SALLE EST ÉCLAIRÉE »

Chaque vélodrome hôte est rhabillé aux lumières et aux couleurs de la Ligue des Champions. Pour innover, les organisateurs ont repris l'idée déjà utilisée dans les Six-Jours de mettre le public dans le noir. En 1984, pour le retour des Six-Jours à Paris, André Pousse, six-dayman avant de jouer au cinéma, rappelait : "La piste, c'est comme une scène. On ne peut pas entrer en scène si la salle est éclairée".

Cette première édition essuie les plâtres et il y a logiquement des petits couacs, même pour la lumière. Il y a eu une panne d'éclairage dans le premier tour d'un match de vitesse Dames en Lituanie. Imaginez le cas en plein scratch ou en plein emballage de keirin. Il y en a qui ont essayé, comme des critériums sur piste d'après-Tour. Ils ont eu des problèmes. Le règlement UCI exige d'ailleurs un système d'éclairage de secours, indépendant du réseau électrique, capable de fournir de manière instantanée une intensité de 100 Lux pendant cinq minutes.

MAILLOTS RESSEMBLANTS

Le bleu, c'est aussi la couleur des maillots de leaders très réussis de cette UCI Track Champions League. Les autres tuniques ressortent beaucoup moins bien à la télévision. La majorité des combinaisons est blanche. Seule la manche gauche les différencie les uns des autres mais le problème, c'est que les caméras les filment le plus souvent côté corde, celui de la manche droite qui est toute blanche. Les Russes et les Américains portent des maillots rouges très ressemblants, le sénateur McCarthy doit se retourner dans sa tombe. Les Pays-Bas ont de la chance, ils ont droit à un maillot bleu comme une orange, impossible de les confondre.

Les combinaisons sont dotées de pochettes pour glisser les dossards. Ces pochettes tombent en plein sur l'arc-en-ciel des Champions du Monde et gâchent l'emblème dont l'UCI est d'ordinaire très jalouse. Les dossards sont-ils vraiment indispensables dans ce format ? Les Six-Jours, encore eux, proposent des numéros imprimés sur les maillots. Les organisateurs ont choisi de jouer la carte des équipes nationales. Mais pour identifier les coureurs, ils pourraient porter un maillot personnalisé. Il y a 130 ans, les pistards déposaient la couleur et les motifs de leur maillot à l'année et étaient facilement repérés par le public grâce à ces couleurs. Et supprimer enfin les visières teintées aiderait aussi les spectateurs à identifier les coureurs. Il n'y a pas de temps à battre en Ligue des Champions, puisqu'il n'y a pas de chrono, l'aérodynamisme devient secondaire. Qui connaît le visage de Jason Kenny malgré ses sept médailles d'or par exemple ? Usain Bolt aurait-il eu le même charisme avec des lunettes de soleil ?

LE SPRINT TIRE SON ÉPINGLE DU JEU

Les maillots proposent une belle exposition pour les partenaires des coureurs avec un grand placard publicitaire quand le règlement UCI limite à un rectangle de 6 cm de hauteur la place des sponsors des pistards sur les maillots des 6 Jours. Pour les combinaisons des équipes nationales portées en Coupe des Nations et au Championnat du Monde, l'UCI autorise un rectangle de 80cm² pour la publicité principale. Comment justifier à l'avenir auprès des partenaires cette disproportion ?

Mais il n'y a pas que de l'habillage dans cette Ligue des Champions, il y a surtout des compétitions. Entre le sprint et l'endurance, c'est le premier qui tire son épingle du jeu. En vitesse, les matchs à trois apportent des combinaisons tactiques qui n'existent plus dans les duels, surtout avec les grands braquets actuels.

LE KEIRIN MODERNISÉ

La formule du keirin ringardise le format du Championnat du Monde et ses repêchages répétés. Dans la Ligue des Champions, pas d'excuse, si on n'est pas capable de finir dans les deux premiers de sa série, on ne va pas en finale. À son entrée au programme du Championnat du Monde en 1980, le keirin n'était couru que chez les pros avec une finale à 9. Un premier tour et des repêchages qualifiaient ces neuf coureurs. Aujourd'hui, il faut deux tours et toujours des repêchages. La Ligue des Champions devrait donner des idées pour moderniser la formule.

En revanche, l'endurance donne l'impression de servir d'interlude entre deux épreuves de sprint. Si l'élimination assure du spectacle tous les deux tours -ce n'est pas pour rien qu'elle faisait partie du programme des Six-Jours avant celui du Championnat du Monde-, le scratch de 20 tours n'offre pas grand chose. Trop courts et trop rapides pour favoriser les coureurs offensifs, les cinq kilomètres ont plus de chances de se terminer par un sprint massif. Dans les autres épreuves, il ne faut attendre que deux, trois ou cinq tours pour voir un sprint. Le scratch fait tâche dans ce contexte.

REMPLACER LE SCRATCH

Pour remplacer le scratch, il existe d'autres courses en peloton puisque les courses chronométrées sont bannies : la course aux points, même réduite, ou même la course tempo pour faire encore plus court, ou encore une élimination danoise (l'inverse d'une élimination classique) puisque le but est de donner du spectacle. Elles ont l'avantage de proposer des sprints réguliers pour marquer des points (et même tous les tours pour la tempo). Mais les additions de points font peur à la télévision. Ce petit monde pense que le public est aussi mauvais que lui en calcul mental. Pourtant le même public comprend très bien qu'au football l'équipe qui marque le dernier but n'est pas forcément vainqueur du match ou que le club qui gagne le match retour n'est pas toujours qualifié pour le prochain tour. Alors est-ce si compliqué d'afficher en temps réel le classement par points quand on est capable de suspendre 13 tonnes de matériel au-dessus du centre piste ? On pourrait très bien symboliser l'empilement des points pour chaque coureur comme un capital qui profite.

Alors qu'il y a 26 vidéo-projecteurs autour de la piste, la Ligue des Champions n'a pas prévu 18 boîtiers clignotants pour avertir les coureurs éliminés de descendre. La course y perd en fluidité. Mais c'est toute la formule des courses d'endurance qui semble bancale. Les grandes vedettes rattachées à une équipe sur route de haut-niveau sont absentes car la Ligue des Champions tombe en plein dans leur coupure ou leur reprise. Un système d'invitation au coup par coup pourrait dynamiser l'affiche.

Et si les épreuves d'endurance duraient un peu plus, les sprinteurs ne seraient pas mécontents de souffler plus longtemps. D'ailleurs, la réunion prévue au départ pour durer deux heures se termine au bout de trois heures en réalité. Mais encore une fois, cette grosse machinerie ne peut pas être parfaite dès la première année et les organisateurs ne sont pas responsables des deux manches annulées en France et en Israël (lire ici). Et la promesse la plus importante à tenir vis-à-vis des coureurs est celle de la grille des prix qui récompensera les pistards à la hauteur de leur talent.

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