Perrine Clauzel : « Dans le vif du sujet »

Crédit photo St-Michel-Auber 93

Crédit photo St-Michel-Auber 93

Le vélo de cyclo-cross est rangé depuis plusieurs semaines, mais contrairement aux années précédentes, ce n’est pas le VTT que va sortir Perrine Clauzel au retour des beaux jours. En cette année 2022, celle qui s’exprime l’hiver dans les sous-bois s’est mise à la route, directement par la case UCI. C’est avec la Continentale St-Michel-Auber 93 qu’elle découvre les pelotons professionnels, bien qu’elle a déjà quelques rares courses à son actif. Mais mieux encore, après avoir fait sa rentrée en Belgique la semaine dernière, l’aînée des sœurs Clauzel s’apprête à découvrir le plus haut niveau… sur Paris-Roubaix. Un presque baptême qu’elle évoque auprès de DirectVelo, ainsi que ses choix de mettre le VTT plutôt de côté, pour se consacrer à ses objectifs sur le bitume.

DirectVelo : Tu vas découvrir Paris Roubaix, comment te sens-tu à l'approche du départ ?
Perrine Clauzel : Ça va, impatiente, mais un peu stressée. Ce sera ma première course à ce niveau-là, c’est une fierté de participer à ce monument. Pour ma première année chez les pros, je ne m'attendais pas forcément à faire ça. Mais venant du cross, en regardant la liste, je vois qu’il y en a beaucoup qui sont comme moi. Donc je suis contente d'y participer. Ce sera ma deuxième course avec l'équipe. C'est vrai que j'ai encore pas mal de choses à apprendre. Ce samedi, c'est la course où il y a tout le monde, c'est le plus haut niveau. Mais c'est encore mieux, je vais vraiment être dans le vif du sujet. 

Comment tu appréhendes les pavés ?
La première fois, à la reco il y a un mois, j'étais toute excitée de découvrir, je n'en fais jamais, et on a fait deux jours de reco. C'était sec. Mais ce vendredi matin, on a refait les trois premiers secteurs et je me suis dit « en fait ça secoue quand même beaucoup » (rires). Je pense que quand j'ai fait la reco la première fois, j’étais tellement impatiente que tu avales les pavés comme ça, sans te poser de questions. Mais là, je me suis dit qu’ils étaient vraiment défoncés. Les deux premiers sont longs et très durs, le troisième un peu plus lissé au début et défoncé sur la fin. Mais moi venant du cross, je n'hésite pas forcément à aller dans les bas-côtés, en étant prudente. 

« ÇA ME SORT DE MON TRAIN-TRAIN QUOTIDIEN »

Ton bagage de cyclo-cross et VTT t'est donc utile ?
Franchement oui, je le vois bien même au sein de l'équipe. On voit celles qui ne sont pas à l'aise, même dans les virages celles qui virent moins bien, qui sont moins agiles, ça se remarque. J'appréhende aussi, parce que si j'ai entièrement confiance en mes qualités, que je sais ce dont je suis capable, j'ai peur des chutes et des filles qui peuvent faire des erreurs sur un circuit comme ça. On va quand même vite sur les pavés. On en discutait ce matin (vendredi), on se disait que le circuit du début va être nerveux, il va falloir faire super gaffe. On passe à Denain, il y a quelques vire-vire, il faudra vraiment être prudente. Une fois rentré sur les secteurs ça va être la guerre au placement. J'ai du travail là-dessus, donc je vais m'amuser (sourire).  

Justement ce sont tes débuts sur route, ou presque. Pourquoi t'es-tu tournée vers cette discipline ?
Parce que j'ai quand même fait 20 ans en VTT, je trouvais que le niveau en VTT a fort augmenté, et je n'arrivais pas forcément à retrouver un niveau comme avant les Jeux en 2016. J'ai eu du mal à retrouver mon niveau, et en voyant les filles qui poussent, les jeunes, je ne trouvais plus trop ma place, j'avais l'impression d’avoir vu pas mal de choses. Je me spécialisais plus dans le cross, on voit bien qu'il faut de la puissance, et je ne l'ai pas. Je ne la trouverai pas en VTT, donc en discutant avec mon entraineur, on s'est dit pourquoi pas aller sur route. Et c'est chose faite. Ça me fait découvrir une autre ambiance, une autre équipe et de nouvelles personnes. Ça me sort de mon train-train quotidien et de ma zone de confort. En VTT tu connais tout le monde, tu as ta routine, tu sais presque tout faire. Être sur route, c'est une grosse nouveauté, à 28 ans ça me permet d'apprendre encore, je suis vraiment contente. Je ne m'attendais pas du tout à avoir un contrat pro, c'est la cerise sur le gâteau.  

« C'ÉTAIT DUR DE PERFORMER »

Comment as-tu justement signé ce contrat pro chez St-Michel ?
J'ai envoyé mes CV à plusieurs équipes, notamment françaises, les Contis et même des N1. Dans l'équipe St-Michel ils cherchaient une dernière fille pour compléter l’effectif, j'ai retenu leur attention. On a discuté avec Charlotte (Bravard, la directrice sportive, NDLR) et ça s'est fait.

Du coup qu'en est-il du VTT ?
Pour le moment, je suis à fond route. Quant au VTT, je suis toujours dans l'équipe AS Bike Racing comme ma sœur, mais je ne vais pas faire grand chose. Je ne connais pas encore mon calendrier. Là, j'ai commencé la semaine dernière, donc je ne pense pas à un événement national de VTT tout de suite, ça dépendra de mon calendrier. En fonction des courses avec St-Michel, je referai peut-être une course de VTT par ci par là. J'aimerais bien faire le Championnat de France, fin juin-début juillet, ça pourrait se faire.

Pensais-tu à bifurquer sur la route depuis longtemps ?
Non pas du tout, c'était mon niveau qui se dégradait en VTT, c'était dur de performer. En cross, l'année d'avant, j'avais fait une très bonne saison, tout le monde me disait que pour titiller encore devant, il fallait avoir de la puissance. Or je ne l'avais pas, et il n’y avait qu’en allant sur route que je pouvais en prendre. Du coup, j'avais dans l'optique avec l'AS Bike de faire du VTT en prolongement, ils avaient imaginé de continuer avec les deux sœurs Clauzel. On s'était dit avec Hélène qu'on n’allait pas resigner un contrat avec une autre équipe VTT après avoir quitté la nôtre, mais on va signer avec AS Bike Racing (l’équipe de cyclo-cross s’est mise au VTT cette année, NDLR). Ça s'est fait comme ça. En fait, c'était le moment. Tu redémarres avec une équipe VTT, alors pourquoi pas démarrer sur route. Je devais en faire beaucoup plus l'année dernière, mais avec les deux coudes cassés en juillet, ça m'a mis dedans. Mais j'ai donc quand même postulé auprès des équipes.

« LE TOUR DE FRANCE EST DANS LA TÊTE DE TOUT LE MONDE »

Comment tu as digéré l'hiver et la transition avec le cross ?
J'ai coupé mi-février deux semaines, après il fallait reprendre assez rapidement l'entrainement. On avait vite décidé que j'allais disputer Paris-Roubaix, ça fait un moment que je le savais. Et au pire, même si je n'étais pas prise, c'était du travail de fait. Il faut de l’entrainement, avoir du fond. J'ai repris début mars, ça me faisait un mois et demi avant l'échéance. Ça s'est bien passé, je m'y suis bien faite. C’est aussi un nouveau vélo, j'ai dû prendre en main le Cannondale, ça a pris du temps. Et puis les beaux jours sont arrivés, j'ai pu faire de bonnes séances, et arriver jusqu'ici, donc ça n’est pas très long finalement. 

As-tu des objectifs précis sur la route ?
J'ai envie de bien faire. Je vais participer au Tour de Bretagne, j’ai envie d'apprendre, et puis dans un coin de ma tête, pourquoi ne pas participer au Tour de France pour la première édition. C'est dans l'esprit de tout le monde. Ça pourrait être un objectif que je peux me fixer, mais je vais voir ce que je vaux, de quoi je suis capable. Ce n'est pas la première année que je fais de la route, les filles avec qui je suis, j'ai déjà roulé avec elles sur la Coupe de France. À Chambéry, j'avais bien marché avec pas mal de dénivelé, ça ne me fait pas peur d'être dans un peloton. La question, c'est plus comment prendre une échappée, comment ça se produit… C’est ce que je veux découvrir et apprendre.

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