Clara Copponi : « J’étais pétrifiée »
Elle a déboîté sur la droite dans les cent derniers mètres. En force, assise sur sa selle. Après s’être fait terriblement violence tant physiquement que psychologiquement, après être également passée entre les gouttes et les chutes, Clara Copponi a décroché, ce lundi, sa première victoire professionnelle sur les routes du Tour de Grande-Bretagne (voir classement), en WorldTour, là même où elle s’était montrée régulière et avait, déjà, porté le maillot de leader l’automne dernier. Dans la continuité d'un début de saison extrêmement solide - six Top 10 en autant de (grands) rendez-vous -, la Provençale de 23 ans se voit récompensée de sa régularité et de sa ténacité.
Ce succès de prestige est aussi l’occasion de chasser des démons qui l’ont tourmentée et lui ont fait vivre "un véritable cauchemar", ces derniers jours, toujours en terres britanniques, elle qui est de retour de blessure (lire ici). Clara Copponi passe ainsi des larmes de peur et de stress aux larmes de joie, le tout dans un espace temps d’une semaine. DirectVelo s’est entretenu avec celle qui ne fait qu’embellir un peu plus encore le beau CV de sa formation FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope en cet exercice annuel 2022.
DirectVelo : Tu décroches ta première victoire professionnelle sur le Tour de Grande-Bretagne, là-même où tu avais d’ores-et-déjà passé un gros cap l’an passé ?
Clara Copponi : Cette victoire, je l’attendais depuis le début de la saison ! C’est une épreuve qui avait été marquante pour moi l’an dernier et elle le sera plus encore cette année. Une première victoire à ce niveau, c’est forcément très important, et ça l’est d’autant plus que j’ai vécu des moments extrêmement compliqués, ces derniers jours sur la RideLondon Classique.
Que s’est-il passé ?
J’ai fait d’énormes crises d’angoisse sur le vélo. Le simple fait d’être dans le peloton, au milieu des autres filles, a été une horreur pour moi. Je ne faisais que re-visualiser ma dernière chute. J’avais peur dans ce peloton, tout simplement. Pourtant, lorsque je suis remontée sur le vélo, à l’entraînement, je n’ai pas eu de soucis. J’ai fait un bon stage à Font-Romeu et je me sentais bien. Quand j’ai chuté, je n’étais pas au fond du trou non plus… J’ai vite accepté la situation. Les blessures font partie du métier de cycliste. Je me suis dit que ça allait me faire une coupure de dix jours et donc, en quelque sorte, que ça allait être un mal pour un bien. Je me suis dit que j’allais avoir de la fraîcheur pour les prochaines courses. Et je savais que j’étais en grande forme lorsque je suis tombée. Il n’y avait donc pas de raison que ça ne revienne pas très vite. Mais il y a eu cette mauvaise surprise en reprenant la compétition.
« J’AI PLEURÉ PENDANT DIX MINUTES SUR LE VÉLO »
C’est donc quelque chose qui t’a pris sur l’étape inaugurale de la RideLondon, dès les premiers kilomètres ?
Exactement. J’étais pétrifiée. Il y a eu une chute à côté de moi et je me suis retrouvée en panique totale. Même chose le lendemain, quand il y a encore eu une grosse gamelle. Le deuxième jour, après qu’il y a eu cette chute à côté de moi, j’ai pleuré pendant dix minutes sur le vélo. J’étais vraiment mal. Après l’étape, je crois que les mécanos de l’équipe ont dû changer les plaquettes de freins de mon vélo car j’ai tiré dessus toute la journée (sourire).
Comment es-tu parvenue à passer outre cet état de stress important ?
Ma préparatrice mentale m’a directement accompagnée pour tenter de stopper ces crises d’angoisse, comme mon entraîneur qui a également été précieux. Je me suis concentrée sur des éléments positifs pour passer à autre chose et pour m’ôter cette vision de l’esprit. C’était indispensable pour espérer être compétitive, à nouveau, et jouer la victoire ici. Finalement, sur cette première étape du Women’s Tour, je me sentais super bien dès le début. Je n’ai plus eu la moindre appréhension et j’ai même pu l’emporter. C’est génial. Je voulais vraiment cette première victoire. J’aurais même espéré qu’elle arrive plus tôt, pourquoi pas sur les courses bretonnes que je n’ai pas pu disputer à cause de ma blessure. En tout cas, maintenant, c’est chose faite !
« ÇA ARRIVE À UN BON MOMENT »
Comment as-tu construit ce succès dans le dernier kilomètre ?
C’était un final dangereux, je trouve, encore une fois. C’était encore une étape particulière car il y a eu un accident sérieux avec des spectateurs et la course a été arrêtée pendant 45 minutes. On ne savait pas si on allait repartir. D’ailleurs, de nombreuses équipes souhaitaient mettre fin à l’étape mais finalement, on y est retournées, comme si de rien n’était. Les filles ont fait un gros travail pour moi puis je me suis débrouillée dans le final. Je me suis retrouvée mal placée, loin dans la file, et j’ai dû faire l’effort plusieurs fois pour remonter. Dans le dernier virage, tout le train du Team DSM est tombé… Ça m'a permis de me retrouver en troisième position puis j’ai fait l’effort aux 100 mètres et j’ai su que ça allait le faire.
Après ce que tu as vécu ces derniers jours, et à la suite de tes gros résultats du début de saison, c’est forcément un moment particulièrement important et marquant que tu viens de vivre !
Oui, bien sûr, ça arrive à un très bon moment. Ça va me faire beaucoup de bien car je la voulais énormément, je l’attendais ! Et puis, disons que ça arrive à un moment de la saison intéressant (sourire).
« MONTRER QUE J’AI MA PLACE POUR LE TOUR »
Car tu penses au Tour de France…
Forcément. Il y a déjà quatre filles sélectionnées depuis l’hiver dernier, dans l’équipe. Il n’y a donc plus que deux places en jeu et c’est la guerre, sportivement parlant, pour aller chercher ces deux dernières places, même si l’ambiance est super bonne dans le groupe. J’ai envie de prouver des choses, de montrer que j’ai ma place pour le Tour. Je pense l’avoir fait tout au long du printemps mais gagner ici, et maintenant, c’est encore autre chose. L’équipe sait de quoi je suis capable. Je peux faire de gros résultats au sprint mais je suis aussi capable de me sacrifier et de me mettre à la planche pour nos leaders du classement général sur les étapes les plus dures de la course. J’espère vraiment être sur le Tour, c’est un très gros objectif.
En attendant, le Tour de Grande-Bretagne va se poursuivre toute la semaine et tu porteras le maillot jaune ce mardi à l’occasion de la deuxième étape !
Je vais essayer de garder ce maillot le plus longtemps possible. Demain (mardi), il faudra voir ce qu’il est possible de faire sur cette étape. Les étapes suivantes seront, ensuite, plus dures. Il y aura notamment une arrivée au sommet donc je pense qu’il ne faudra pas trop compter sur moi pour la victoire finale (sourire). Dans tous les cas, je vais me battre pour défendre ce beau maillot jaune.