Enrico Della Casa : « Il ne faut pas paniquer »
Samedi après-midi dernier à Anadia, à l’arrivée de la course Juniors Hommes du Championnat d’Europe, Alex van der Meulen, 5e de la course, a toutes les peines du monde à tenir sur le vélo après la ligne. Puis une fois descendu, il titube avant de s’effondrer dans les barrières. Quelques heures plus tôt, chez les Femmes, l’une de ses compatriotes est secourue par les pompiers. En préambule, les coureurs sont réticents à quitter leur veste de glace, et préfèrent la retirer dans les toutes dernières secondes avant le départ. La journée de samedi au Portugal a été étouffante, la plus chaude de la semaine, avec des températures qui ont passé la barre des 40 °C, en plus d’un soleil de plomb et d’une masse d’air irrespirable. Les organismes ont souffert dans toute la bulle course. Deux jours plus tôt, pour les contre-la-montre, les scènes de récupération sont plus violentes qu’à l’accoutumée. L’après-midi, le parking est déserté, toutes et tous cherchent un coin d’ombre, sous les tonnelles, dans les camions et parfois même sous un coffre de voiture. Beaucoup s’étaient alors réfugiés dans le sous-sol climatisé du vélodrome de Sangalhos. Durant ces quatre jours de course, la météo s’est montrée peu clémente pour les plus sensibles à la chaleur, poussant même les organisateurs à retirer un tour à la course Juniors Hommes du samedi après-midi. Alors à l’issue de ce Championnat d’Europe, Enrico Della Casa, président de l’Union Européenne de Cyclisme, a répondu aux questions de DirectVelo quant à ces conditions parfois extrêmes. Vague de chaleur, réchauffement climatique, écologie et la question de l’avenir, l’Italien a fait l’état des lieux.
DirectVelo : Quel bilan faites-vous de ce Championnat d’Europe ?
Enrico Della Casa : Un premier bilan très positif avec le VTT, avec plus de 250 participants et beaucoup de nations. La route s'est tout aussi bien passée, beaucoup de participants aussi. Effectivement il y a eu un peu de chaleur ce samedi... Mais avec les médecins de la course, et certains médecins d'équipes nationales, la situation a très bien été gérée. On a décidé d'un commun accord de retirer un tour à la course Juniors car la chaleur était très intense. Mais je suis content de ces deux tiers de Championnat, en attendant la piste. Où il y aura encore du monde pour porter un total à 1000 participants environ. Au niveau du développement du cyclisme en Europe, le centre d'Anadia est très important, c'est un centre continental du Centre Mondial du Cyclisme, qui fait beaucoup d'efforts pour le développement.
« LE RÈGLEMENT NOUS DONNE LA POSSIBILITÉ D’ÊTRE TRÈS FLEXIBLES »
Est-ce que des coureurs ou des équipes ont porté quelques réserves quant aux conditions météo ?
Finalement, samedi était la journée la plus chaude, mais nous n'avons pas eu de retours particuliers. On a seulement eu une remarque du médecin de l'équipe de Belgique, qui nous a demandé de vérifier la situation. Avec lui, nous avons décidé d'enlever ce tour à la course Juniors comme dit précédemment. Autrement, il n'y a pas eu de remarques. C'est l'été, le mois de juillet. Je pense que les coureurs du Tour de France ont aussi ces conditions atmosphériques. Nous étions hier à Dessel en Belgique (au Championnat d'Europe de BMX, NDLR), et là la température était en effet différente (sourire). Mais là nous sommes au sud de l'Europe, en été, donc il n'y a pas de mesures particulières à prendre. Et finalement c'est un peu ventilé, ce n'est pas à l'extrême.
Est-ce qu'une semaine comme celle-là, et une décision comme celle de samedi, peut faire réfléchir à de nouveaux protocoles ?
Il existe en effet des réglementations UCI en ce qui concerne les conditions extrêmes de course. À mon avis, ces protocoles sont bien. Il faudra peut-être les développer un peu plus. À savoir qu'il faudrait commencer à indiquer la température, le taux d'humidité, le vent etc. Insérer quelques détails plus techniques. Mais je pense que le règlement nous donne la possibilité d'être très flexibles dans nos décisions. Ensemble, avec le jury, car tout se fait avec eux, les médecins, le comité d'organisation etc, on a pas mal de possibilités. C'est bien comme ça, je pense.
« À NOTRE ÉPOQUE, IL FAISAIT AUSSI CHAUD EN ÉTÉ »
Est-ce qu'adapter les horaires a été envisagé ou pourrait être envisagé ?
C'est toujours un peu délicat. On doit fermer des routes. Il y a des autorisations réservées et bloquées très en avance par les autorités locales, la police, qui n'est pas à notre disposition toute la journée. Effectivement, quand on met des horaires, on bloque tout un tas de choses, comme les assistances sanitaires, les ambulances, les médecins... C'est difficile de changer d'horaire à la dernière minute. Alors qu'en fait on pouvait s'attendre à des journées dites normales. Il y a simplement eu une exception hier, qui a très bien été gérée. Ces adaptations d'horaires sont délicates pour toutes ces raisons. La route, c'est complexe. Une épreuve de VTT est différente car le circuit est permanent, on peut jouer avec les horaires sans problèmes, mais pas pour la route.
La chaleur, qui va de paire avec le réchauffement climatique, est-elle inquiétante pour les années futures ?
On a été nous-mêmes coureurs, quasiment tous les dirigeants. Et à notre époque, il faisait aussi chaud en été. Donc ce n'est pas un sujet qui nous inquiète. Bien sûr, le cyclisme durable nous inquiète. Là oui on doit faire des efforts, pour limiter le nombre de véhicules, de papiers pour les communiqués, on essaye de faire de plus en plus attention. Il y a quelques jours, le comité directeur de l'UEC a lancé une initiative, qui est le "UEC Forest". Nous allons donner à chaque organisateur, chaque ville qui reçoit un Championnat d'Europe, un arbre ou deux. Il y en aura trois à Anadia. C'est un petit geste, mais on a voulu marquer le fait qu'il faut être attentif à l'environnement, aux émissions de pollution, avec toutes ces voitures. C'est délicat, parce que le vélo est un sport qui devrait être vert, mais nous n'avons pas encore les véhicules nécessaires pour suivre les courses avec des voitures électriques. Une bonne partie des nations commencent à avoir des hybrides, ce qui est bien, mais on doit faire beaucoup d'efforts pour avoir un maximum de véhicules électriques.
« POUR L’INSTANT, NOUS NE SOMMES PAS TROP INQUIETS »
Est-ce que ces efforts sont suffisants ?
Les réflexions, on en fait. C'est plutôt au niveau des voitures à disposition qui ne sont pas adaptées. Il faut une autonomie pour les épreuves majeures, mais on y arrive, et on va y arriver. Pour le VTT, la moto qui ouvre est une moto électrique par exemple. Ce sont des petits gestes qui montrent qu'on est attentif au sujet. Ça prendra du temps mais on va y arriver.
Si dans quelques années la chaleur devient trop présente, est-on prêt à s'adapter ?
Il ne faut pas paniquer non plus. Je pense qu'il faut d'abord regarder dans notre jardin, voir ce que l'on fait. Les panneaux publicitaires ici sont tous des panneaux recyclés par exemple. Les banderoles, même chose. On fait au mieux avec du matériel recyclé. Et globalement on fait le maximum. Et si la température n'est pas gérable... On ne sait pas comment ça ira ces prochaines années. Pour l'instant nous ne sommes pas trop inquiets, on essaye de faire beaucoup d'efforts en ce qui concerne la protection de l'environnement, et ensuite on verra. Mais on est très attentifs à ça, bien sûr.