David Lappartient : « Il faut qu'on garde une pyramide solide sur ses bases »
La semaine dernière, le Président de l'UCI David Lappartient, accompagné de la Directrice générale Amina Lanaya, a reçu Philippe Raimbaud, le Président de la WARA (World Association of Riders' agents – association mondiale des agents de coureurs lancée il y a quatre mois, avec pour objectif de fédérer les agents sportifs qui œuvrent dans le cyclisme). "Elle (la WARA) est la bienvenue pour standardiser cette profession. On a tout intérêt à fédérer n'importe quelle partie prenante du cyclisme. Les agents sont des acteurs du milieu et c'est bien qu'il y ait des règles de conduite car il y a des agents qui font bien leur travail et d'autres qui sont perfectibles", analyse David Lappartient au micro de DirectVelo.
« C'EST UNE ÉVOLUTION DU TEMPS »
Les agents sont les intermédiaires qui s'impliquent directement dans la négociation des contrats entre les coureurs et les groupes sportifs. Des pourparlers qui débutent de plus en plus tôt dans la saison et qui amènent parfois à la concrétisation de contrats longue durée. Un exemple parmi d'autres, le Finlandais d'origine belge, Kasper Borremans, a un schéma défini sur six ans dans la pyramide Bahrain : deux ans en Juniors chez Cannibal, deux ans en Espoirs au sein du Team Frioul Victorious avant de passer au sein de la WorldTeam Bahrain-Victorious. "Nos fédérations s'émeuvent qu'on puisse déjà avoir une trajectoire comme ça à 17 ans, voire même avant. C'est une évolution du temps. Il faut peut-être arriver à une réflexion sur l'âge auquel on peut signer un contrat", s'interroge le Président de l'UCI.
Ce sujet reviendra vite dans les discussions. "C'est une thématique à aborder avec nos fédérations car elle concerne les catégories d'âge dont elles ont aussi la responsabilité". Elle sera évoquée au prochain Congrès de l'Union Européenne de Cyclisme, prévu début 2024. Le président de la WARA Philippe Raimbaud estime que si les équipes se permettent de recruter au plus jeune âge, il n'y a pas de raison d'interdire à un agent de travailler avec un Junior. D'ailleurs, sa présence est même, selon lui, bénéfique. "À cet âge, ce sont généralement les parents qui sont les premiers interlocuteurs. C'est normal, ce sont les responsables légaux du mineur, mais un agent certifié connait mieux les codes et les règles du milieu". Selon lui, interdire d'avoir un agent n'aurait aucun impact. "On sait très bien que certains trouveront toujours le moyen de négocier des accords secrets. Il vaut mieux que les choses soient claires".
« NE DOIT-ON PAS RAMENER L'ÂGE DE LA CATÉGORIE À 20 ANS ? »
Cet avancement de contrats longue durée a des répercussions sur la constitution des effectifs de Conti de développement. "Quand on voit Tadej Pogacar gagner le Tour de France en étant encore Espoir, on peut se demander si ces équipes ont encore du sens. Ne doit-on pas ramener l'âge de la catégorie (Espoirs) à 20 ans ?", s'interroge David Lappartient sans avoir de réponse claire à la question. "On sent bien une hésitation des équipes à investir dans ces structures de formation alors que, pour certains coureurs, les choses sont ficelées depuis longtemps". Des déclarations qui vont en contradiction avec le fait que les Conti de Développement n'ont jamais été aussi nombreuses. En 2024, Lidl-Trek, Arkéa-B&B Hotels et UAE Team Emirates vont lancer leur structure chez les moins de 23 ans.
David Lappartient en conclut que le cyclisme amateur est également impacté par cette nouvelle tendance. "On en arrive à se dire que si tu n'es pas pro à 19 ans, tu arrêtes ou tu passes au Gravel, au Gran Fondo. Une nouvelle forme de pratique se dessine. La tradition des courses de village se perd. Y-a-t-il encore de la place pour des courses amateurs ? En France, le calendrier fédéral est stable mais au niveau régional, c'est l’effondrement", déplore-t-il. Le président de l'UCI a conscience de l'urgence de la situation. "Il faut qu'on garde une pyramide solide sur ses bases. Il y a une inquiétude de nos fédérations nationales. Il faut qu'on fasse un état des lieux avec les marchés-clés comme la Belgique, la France, l'Espagne, l'Italie et les Pays-Bas". Un son de cloche qui rappelle les propos du président de la FFC Michel Callot qui proposait une refonte du système du cyclisme amateur d'ici 2026 (lire ici). Quand on voit des week-ends sans course régionale en Belgique, cette problématique doit être plus que jamais envisagée à l'échelle européenne.