Faut-il interdire les équipes réserve en Coupe des Nations ?

Crédit photo Freddy Guérin / DirectVelo

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La Coupe des Nations doit-elle rester - ou plus exactement redevenir - la chasse gardée des sélections nationales ? Au sein du peloton Juniors, la question se pose. Et pour cause : la semaine passée, Aubin Sparfel a remporté la dernière étape du Tour du Pays de Vaud sous le maillot de Decathlon AG2R La Mondiale tandis qu’une semaine plus tôt, le collectif de la Groupama-FDJ a brillé lors du Trophée Centre Morbihan. Et à l’image d’autres formations comme les Allemands de GRENKE-Auto Eder, il est de plus en plus courant de voir des équipes de marque, réserves officielles ou non d'équipes pro, jouer les premiers rôles sur ces épreuves. Est-ce une bonne chose ? Faut-il, à l’inverse, interdire ces structures en Coupe des Nations ?

ONZE ÉQUIPES AUTRES QUE NATIONALES À L’EROICA  

“Avec autant de courses, forcément, il se passe ce genre de choses. Pour moi, l’idéal, c’est moins de courses et seulement des nations, avec acceptation d’une équipe locale ou régionale”, répond le sélectionneur danois, Michael Berling. Ce dernier est consterné de voir de plus en plus d'équipes de marque sur les manches de Coupe des Nations. “Lors de Paris-Roubaix, il y avait pas moins de cinq équipes de développement. C’est trop !”, considère-t-il. Point de vue identique du côté de son homologue slovène, Nace Korosec. “Une Coupe des Nations doit rester avec des équipes nationales. C’est le principe même de cette compétition, non ? Mais avec tant de courses et si peu de candidats, il faut bien remplir le peloton. Le nerf de la guerre, c’est de faire en sorte que toutes les grandes nations soient là. Et la question ne se posera plus”.

Thomas Scheurer, le technicien suisse, veut laisser de la porte entrouverte pour quelques exceptions, mais pas plus. “Pour moi, les équipes régionales ont leur place en Coupe des Nations. Un club qui ne viendrait pas de trop loin, comme Decathlon AG2R (qui est une équipe mixte, NDLR) ici en Suisse, pourquoi pas. Mais je ne trouve pas normal que l’on élargisse plus que ça”. Pour beaucoup, le trop grand nombre de manches au calendrier de la Coupe des Nations, et plus spécifiquement en ce printemps (lire ici), amène à cette situation. “On peut toujours ouvrir à deux équipes, trois maximum. Mais à l’Eroica, c’était une dizaine ! Ça ne rime plus à rien”, peste le sélectionneur allemand, Wolfgang Ruser.

DES IMPASSES QUI PROFITENT AUX ÉQUIPES DE MARQUE

Une autre donnée importante est tout de même à prendre en compte : celle des organisateurs. Ainsi, du côté du Trophée Centre Morbihan, on ne boude pas son plaisir de voir le maillot de la Groupama-FDJ briller aux avant-postes. Le maillot fait rêver les gamins et attise la curiosité des passants, plus qu’avec le maillot de certaines sélections nationales. Alain Witz, l’organisateur du Tour du Pays de Vaud depuis 1998, résume la situation ainsi : “Idéalement, on préférerait avoir toutes les plus grandes nations sur notre course. Mais il faut faire avec. Le calendrier est chargé et on comprend les sélections qui ne peuvent pas aller partout. Avoir une équipe comme Decathlon AG2R, dans le fond, c’est bien pour nous. C’est une équipe quasi professionnelle, ça ramène du monde, ça permet au speaker de parler de grands noms”. Pour autant, Alain Witz et tous les organisateurs de manches de la Coupe des Nations ont, comme le Suisse le rappelle, obligation d’inviter les 25 meilleures sélections nationales. “Mais comme beaucoup font l’impasse, ça laisse de la place pour des sélections régionales et aux équipes de marque”.

La présence de ces formations peut également poser une question d’équité sportive. En effet, certains coureurs sont adversaires sur une manche de Coupe des Nations d'une équipe où ils évoluent une partie de la saison. Au Pays de Vaud par exemple, Paul Seixas et Louis Chaleil portaient le maillot des Bleus et affrontaient l’équipe Decathlon AG2R La Mondiale. Est-ce un problème ? “Ce ne sont pas deux équipes en une. On a six coureurs concernés par l’équipe de France et rien d’autre. C’est difficile mais c’est notre rôle de savoir fédérer dans ce sens-là”, assure Frédéric Macaudière, qui a dirigé les Bleus sur les routes suisses.

DE VRAIS FAUX ÉQUIPIERS

Kévin Fouache, directeur sportif des coureurs de Decathlon AG2R la semaine passée, est moins catégorique. “Les mecs se connaissent et suivant le scénario de la course, ça peut parfois jouer. Il peut se passer des choses. Ils roulent toute l’année sous le même maillot, des liens se créent. Mais moi ici au départ, je ne connais pas le briefing de l’équipe et de France et inversement”, tempère-t-il tout de même. Ce type de situation ne donne pas le sourire à Michael Berling. “Sur la Course de la Paix, il y avait douze athlètes du même club”, lâche le Danois en évoquant les coureurs liés à l’équipe Cannibal-Victorious. “Je considère que ça peut fausser la course”. La situation se retrouve également en Coupe des Nations Espoirs quand les membres d'une Conti réserve sont répartis dans plusieurs sélections nationales (lire ici).

“L’important, c’est au moins que l’on travaille main dans la main. On l’a toujours très bien fait avec AG2R, quand on avait Ilian (Barhoumi) et Alexandre (Binggeli) chez eux l’an dernier”, se félicite le sélectionneur suisse, Thomas Scheurer. “Par contre, d’autres que je ne citerai pas se prennent pour les rois du Monde car ils ont le maillot d’une WorldTeam. Il faut respecter le travail des sélections, surtout quand on est sur des manches initialement réservées à ces sélections-là”. Voilà encore, un sujet bien épineux pour les instances.


 

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