Pierre-Luc Périchon : « Le duo crédibilise le projet »

Crédit photo DR

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Sa carrière professionnelle arrivée à son terme, Pierre-Luc Périchon avait fait savoir en décembre dernier son désir de créer une équipe professionnelle (relire son interview). En prenant connaissance des ambitions de l’ancien coureur de Cofidis, l'entrepreneur lyonnais et président du club de Hexagone-Corbas Lyon Métropole Raphaël Taieb a choisi de le contacter pour s’associer. Les deux hommes, qui souhaitent lancer deux équipes professionnelles, hommes et femmes, en 2026, font le point pour DirectVelo.

DirectVelo : Pierre-Luc, tu as finalement reçu du renfort dans ton désir de créer une équipe pro…
Pierre-Luc Périchon : Nous avions tous les deux de notre côté le projet de créer une équipe pro. On s’est rencontré en janvier à la suite de l’interview sur DirectVelo.

Raphaël Taieb : Je l’ai appelé avant Noël en lui disant qu’il ne devait pas me connaître, je lui ai dit que j’avais envie de faire quelque chose dans le monde pro, et de le faire moi aussi différemment. C’est ça qui a capté mon attention dans l’article. Pierre-Luc avait un discours orienté sur l'innovation, sur le fait de résoudre des dysfonctionnements dans le vélo… Il y a un côté humain. Il évoquait Zwift, l’unité de lieu… Tout ça me parle beaucoup. Depuis notre première rencontre, on a appris à se connaître, on se voit désormais de manière régulière, pas tous les jours mais presque. Il y a une dynamique qui est top entre nous. C’est très motivant.

Pierre-Luc, tu avais discuté au départ avec le SCO Dijon mais au final, tu n’avais pas plutôt prévu de faire ce projet "seul" ?
Pierre-Luc Périchon : Je ne voulais plus me rattacher à une structure existante mais je me suis douté que je n’allais pas y arriver seul. Raphaël a une vision entrepreneuriale, stratégique et économique qui est vraiment novatrice. Il a une expérience qui parle pour lui. C’est plus fun de le faire à plusieurs. On se rend compte que le duo crédibilise le projet. J'amène de la crédibilité sur le côté sportif, Raphaël sur le côté économique et stratégique. Ceux à qui on a présenté notre projet ont été emballés.

Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Raphaël Taieb : Le projet est pour 2026 et aujourd’hui, ça avance bien. On a du boulot mais encore un peu de temps. À l’inverse du schéma habituel où on communique quand on a le sponsor, on a pris le parti de communiquer assez tôt. Notre envie est de raconter l’histoire, on veut embarquer les fans de vélo avec nous. On a des discussions entamées avec des sponsors potentiels, à savoir des grandes entreprises et a minima des grandes PME françaises. On a aussi des discussions avec des investisseurs. On développe ce projet comme une vraie entreprise. Je l’ai déjà fait avec lelivrescolaire.fr, une start-up peut être amenée à faire des levées de fonds, des augmentations de capital pour financer la prise de risque. Et nous on se dit qu’on fait une start-up dans le vélo.

« ON MET LA BARRE ASSEZ HAUT »

Quels sont les premiers retours ?
On comprend qu’il y a du monde qui est intéressé pour investir dans le vélo. Ceux qui investissent dans le foot ou la Formule 1 regardent le vélo sans y aller pour le moment car ils ont un problème avec le modèle. C’est un milieu où il y a de l’entre-soi. Moi, j'apporte de l’assurance avec mon côté chef d'entreprise, mon expérience d'entrepreneur… Et grâce à Pierre-Luc, on parle de notre projet avec des coureurs, hommes et femmes, qui sont dans le Top 10 français, et les retours sont très bons. Il y a une attente de voir quelque chose de différent proposé. Nos idées vont plaire à du monde mais le plus dur reste à faire. À un moment donné, il faut trouver l’argent et comme on veut commencer par une ProTeam et avoir une équipe pro chez les hommes et chez les femmes, on met la barre assez haut. On parle de millions, il y a du boulot qui nous attend.

Vous parlez d’avoir plusieurs sponsors plutôt qu’un gros, mais les marques aiment bien avoir leur nom dans l'appellation d’une équipe. Est-ce vraiment possible qu’on vous donne de l’argent sans que le nom du partenaire n’apparaisse dans l’identité de l’équipe ?
Pierre-Luc Périchon : C’est impossible mais nous, on va le faire (sourire).

Et comment ?
Philippe Raimbaud (agent de coureurs, NDLR) dit toujours que ce n'est pas parce que c’est impossible qu’on ne le fait pas, mais parce qu’on ne le fait pas que c’est impossible. Il y a des sponsors qui mettent des millions dans le foot et il n’y a pas le naming. Ils ont leur nom sur le maillot mais l'équipe s’appelle l’Olympique Lyonnais ou l’Olympique de Marseille. Il y a un problème de modèle dans le vélo. La phrase qui revient souvent, c’est que ça fait 40 ans que c’est comme ça et qu’on ne va pas changer aujourd’hui. C’est sûr que Decathlon, FDJ ou Cofidis ne viendront pas avec nous car ça ne les intéresse pas mais il y a des sponsors qui ne peuvent pas verser 10 ou 15 millions et eux seraient ravis de participer au Tour, et ça on va leur permettre.

Raphaël Taieb : On peut facilement nous opposer que le foot est un OVNI dans le monde du sport, avec des enjeux économiques stratosphériques. Mais ça marche dans d’autres domaines comme le e-sport. Sur League of Legends (un jeu vidéo, NDLR), il y a des équipes avec un budget similaire à une WorldTour. Elles ont réussi à fédérer des sponsors de premier plan, comme Adidas, Tezos, Orange… On a l’information que le sponsoring d’une marque peut dépasser le million d’euros et ce n’est pas du foot… Si ton projet a du contenu, du sens, des valeurs et raconte une histoire, les sponsors ont tout intérêt à te soutenir plutôt que de faire une campagne publicitaire basique. On bosse beaucoup sur l'éditorial, avec un projet qui soit riche de sens, sur le sportif et l’extra-sportif. Je suis convaincu qu'on trouvera des marques qui adorent notre histoire. Quand Nivea est sponsor du PSG et fait une pub à la TV, c’est Nivea sponsor et soutien du PSG. Idem avec les marques qui sponsorisent l’équipe de France et disent on est avec les Bleus. Ce n’est pas une idée révolutionnaire mais elle n’a jamais existé dans le vélo. Quand j’ai créé lelivrescolaire.fr, on me disait que ça ne marcherait jamais et que j’étais fou. On a conscience avec Pierre-Luc Périchon qu’on va devoir beaucoup bosser.

« J'ÉTAIS UN PEU RÊVEUR »

Où en êtes-vous dans vos rendez-vous ?
On en a quelques-uns, et ça va s’accentuer avec le Tour de France qui arrive, c’est le moment où tous les yeux sont rivés sur le vélo.

Au final, qu’est-ce que vous vendez à de potentiels partenaires ?
À ce jour, on ne veut pas détailler ça dans notre communication publique. Il y aura des choses nouvelles, d’autres qui existent déjà comme la présence sur un maillot. Mais ça sera forcément différent.

Pierre-Luc, tu es là où tu imaginais être en lançant ce projet ?
Pierre-Luc Périchon : Mon projet initial était novateur sur pas mal de points mais je n’avais pas vocation à revoir le modèle économique aussi largement. Je n'avais pas imaginé avoir à trouver dix à quinze sponsors entre 500 000 et 1,5 million. Ça prend forcément plus de temps. Je ne vais pas dire que je pensais ça plus facile mais j’imaginais que le cyclisme avait plus besoin de changer que ça. Je pensais que les articles sortis en décembre allaient potentiellement plus attirer les sponsors ou les investisseurs, j’étais un peu rêveur, je sortais de ma carrière de coureur, ça me paraissait facile… Tu vois 50 sponsors sur les paddocks, tu te dis que des boîtes il y en a plein mais ce n’est pas du tout le cas. J’ai eu une prise de conscience en janvier-février. Aujourd’hui, je pense que je suis plus avancé que j’imaginais l’être à cette période. J'ai mis des projets personnels de côté car je n'avais plus le temps de m’en occuper.

Vous vous êtes donné une date limite ou des temps de passage à respecter ?
J’ai 18 mois maximum, depuis le 1er janvier, sans aller taper dans les économies. À l'été 2025, on saura si le projet est viable financièrement pour la saison 2026. Si ce n’est pas le cas, ça ne veut pas dire qu’on jettera l’éponge mais que personnellement, je vais devoir avoir un travail à côté, mais ça dépendra où en sera le projet. On aimerait faire une annonce fin 2024, constituer l’équipe et le staff en 2025 et courir en 2026. L’objectif avoué est d’être au Tour de France le plus vite possible, 2027 idéalement, 2028 au maximum. Au-delà de ça, les sponsors vont se lasser, ça risquerait de décrédibiliser le projet.

« PAS POUR ME FAIRE UN KIFF »

Raphaël, tu as réussi professionnellement, n’as-tu pas l’impression de prendre un risque avec ce projet ?
Raphaël Taieb : J’y vais avec la même énergie que quand j’ai créé lelivrescolaire.fr il y a quinze ans. Je veux créer une entreprise, car ça en est une, qui soit pérenne, qui existe toujours dans 20 ans. Je n’y vais pas pour me faire un kiff pendant trois ans et ensuite mettre la clé sous la porte. Ce n’est pas une “danseuse” pour moi. Si c’était juste pour kiffer, je mettrais mon argent. Là, j’en mets un peu, comme Pierre-Luc, car il faut mettre au pot pour démarrer mais l'objectif est de trouver un modèle économique qui tienne la route. Je ne veux pas faire une équipe de vélo pour m’amuser. Si c’était ça, on pourrait le faire d’une façon plus facile. Ce qu’on veut faire, ça ne sera pas simple et ce challenge m'excite. Est-ce que c’est un risque ? C’est sûr que le temps que je passe pour ça, je ne l’ai pas pour d’autres projets alors que j’en ai plein, et pas que dans le vélo.

Comment ce projet a été perçu du côté du club de Corbas que tu présides ?
Les adhérents savent depuis longtemps que j’ai l’ambition de créer une équipe professionnelle à terme. Au début, ils devaient me prendre pour un fou et là ils se disent que je vais peut-être le faire pour de vrai. Pierre-Luc a rencontré le comité directeur il y a deux mois, il a vu les sportifs aussi, les filles et les hommes. Les réactions sont très bonnes, c’est une fierté pour eux de voir que ce club pourrait aller plus loin. On a 250 licenciés, c’est un record. Ils sont contents de la trajectoire que prend le club. On leur garantit aussi que le club continuera, il y aura toujours une école de vélo, une N1 etc. Tout ce qui fait l’association existera encore, l’équipe pro est un nouveau projet.

Pierre-Luc Périchon : Ce n’est pas Corbas qui monterait chez les pros, c’est une équipe pro qui se crée. Ce que Raphaël a fait à Corbas donne de la crédibilité devant les sponsors mais ce sont deux structures séparées, l'équipe sera affiliée au club de Corbas mais ça sera le seul lien. L’équipe pro ne prendra pas dans les caisses du club, et si le projet s'écroule, le club restera stable de son côté.

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