La FFC regagne des routiers mais perd de la jeunesse

Crédit photo Nicolas Mabyle - DirectVelo

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La saison est déjà largement entamée et on peut se pencher sur l'état du nombre de licenciés de cette année 2024. La FFC le surveille régulièrement et cherche à l'analyser et pas seulement par ses chiffres bruts. Le bilan final sera fait au 30 septembre, date retenue pour clôturer les comptes. Au 31 mai 2024, le nombre de licences dépassait à peine celui de 2023 à la même date : +0,09 % en douze mois. Mais les chiffres sont volatiles. Après un départ en flèche (+4,77%) au 31 janvier, la courbe s'est donc adoucie.

LA FÉMINISATION PROGRESSE

Le comité Auvergne-Rhône-Alpes, premier comité de France, est en croissance continue : + 2,26% au 15 juin. En métropole seuls le Grand Est (+2,05%), l'Occitanie (+0,23%) et la Nouvelle Aquitaine (+0,17%) présentent aussi une balance positive. Outre-Mer, la Guyane (+7,1%), la Réunion (5,67%), la Martinique (+3,58%) et les Iles de la Guadeloupe (+1,49%) voient leurs effectifs à la hausse. Tous les autres comités affichent des chiffres à la baisse.

Mais à l'intérieur de ces chiffres, il y a évidemment des disparités. Les licenciées progressent en valeur absolue et en proportion. Elles étaient, au 31 mai, 13 313 contre 12 927 en mai 2023 (+2,98%). Le gain est même de 7% par rapport à mai 2022. En mai 2019, le nombre de femmes à la FFC augmentait de 12 unités en un an, soit 0,1% à l'époque. Le plan de féminisation de la FFC porte ses fruits. Il a d'ailleurs valu une rallonge de 1% dans l'enveloppe allouée à la FFC des subventions territoriales de l'Agence nationale du sport. Les femmes représentent 12,60% des licenciés, c'était 10,7% en 2019.

LA ROUTE DANS LE VERT

Depuis la réforme des licences de 2023, les pratiquants sont divisés en plusieurs blocs. La compétition (pour les Elites, les Open et les Access) et le "sport" (les cyclo, le loisir) sont en hausse : +5,99% pour le premier bloc, +8,26% pour le second. En valeur absolue, les effectifs au 31 mai sont même supérieurs à ceux du 30 septembre 2023.

Parmi les trois grandes disciplines, le cyclisme traditionnel (route, piste, cyclo-cross mais aussi gravel) est le seul à allumer la lumière verte avec +1,89% en douze mois. La route gagne 670 licenciés après en avoir perdu 190 la saison dernière. En revanche les deux autres disciplines, VTT et BMX, poursuivent leur chute entamée l'année dernière après avoir bien rebondi après le Covid. En cette année 2024, ces disciplines olympiques souffrent. Le cross-country perd 661 licenciés depuis mai 2023, le BMX Race presqu'autant. Le free style fait un saut en arrière de 116 licenciés, alors qu'il en avait gagné 245 entre 2022 et 2023. Mais les volumes de pratiquants du free style sont tellement faibles (711, et +52% au 30 septembre 2023) que la moindre variation donne un pourcentage élevé. Avec le recul de ces disciplines plus récentes, la part du cyclisme traditionnel repart de l'avant : 51,5% en 2022 et 52% en 2023. Une vraie majorité.

MOINS D'ENCADREMENT ET MOINS DE JEUNES

Mais pour afficher un total en baisse au 15 juin, c'est bien que la FFC perd des licenciés. C'est le cas dans la catégorie "Staff". Elle regroupe tous ceux qui sont indispensables à la vie des clubs et des organisations : encadrement, animateurs, arbitres, assistance organisation. La perte entre mai 2023 et mai 2024 est de 995 licences soit un recul de 6,04%. Le nombre de licences "assistance organisation" diminue de 194 unités alors que c'était en progression après les deux années Covid. En revanche, la FFC enregistre 514 titres temporaires "Pass assistance organisation", valables 15 jours, et qui concernent les chauffeurs de l'échelon course.

L'autre point noir à force d'être rouge écarlate, c'est la jeunesse, de 0 à 16 ans. La FFC n'arrive pas à enrayer cette chute. Pourtant les effectifs des jeunes avaient connu un beau rebond après 2020. Dès 2021, les effectifs retrouvaient les niveaux de 2019 (année de forte baisse chez les jeunes) avant de connaître un pic en 2022. Mais l'an dernier, la baisse était de 3%. Au mois de mai 2024, la perte est encore de 4,45 %.

« CHUTE ABYSSALE TOUTES FÉDÉRATIONS CONFONDUES »

La FFC tente de profiter du Savoir Rouler à Vélo pour toucher de nouveaux licenciés à l'école. Ce dispositif profite déjà aux clubs et aux comités par la création de 120 emplois en trois ans. À la rentrée prochaine, les clubs pourront offrir un Pass Accueil Jeunes aux titulaires d'une licence UNSS 2023-2024 ou aux élèves qui ont suivi un cycle de Savoir Rouler à Vélo. Ce Pass est valable un mois. Au 31 mai 2024, il y avait 322 Pass Accueil Jeunes enregistrés, donc sans rapport avec l'offre de la rentrée. La FFC avait d'abord imaginé offrir une licence mais les finances actuelles de la fédération ne permettent pas une telle largesse.

Mais la FFC n'est pas la seule touchée par cette hémorragie de sang neuf dans ses rangs. Guillaume Dietsch, enseignant de sociologie, histoire et didactique en Staps à l'université de Créteil, analyse ce phénomène dans son livre "Les Jeunes et le Sport. Penser la société de demain" aux Editions De Boeck Supérieur. L'universitaire résume la situation dans une interview au magazine de l'UFOLEP "En Jeu une autre idée du sport". Il parle de la "chute abyssale des licenciés entre 15 et 20 ans, toutes fédérations confondues". Guillaume Dietsch pointe "le modèle sportif fondé sur des championnats et des compétitions [qui] ne correspond plus à ce que recherchent majoritairement les jeunes". Ce constat rejoint d'ailleurs l'analyse du questionnaire effectué par la FFC elle-même en 2019 après une grosse perte chez les jeunes licenciés qui évoquait l'esprit de compétition dans les clubs qui ne correspondait pas à la pratique de loisir qu'ils recherchaient. Le coût de la pratique ne venait pas dans les premiers motifs pour ne pas reprendre une licence. "Les clubs doivent d'abord prendre en compte les aspirations et les motivations exprimées majoritairement : santé, plaisir, convivialité, défoulement. La compétition n'arrive souvent qu'en 7e ou 8e position", confirme Guillaume Dietsch qui note aussi un autre phénomène. "L'évolution forte la plus récente consiste dans la part croissante des jeunes parmi le public des salles privées autour de pratiques de musculation ou à forte intensité, et avec une motivation qui tient beaucoup du besoin de se défouler".

La volatilité des licenciés est aussi un problème. La fédération observe des chiffres relatifs à la fidélisation et au recrutement de nouveaux licenciés, en baisse. Mais la FFC enregistre aussi des retours d'anciens licenciés mais qui ne l'étaient plus en 2023. Ces "revenants" étaient au nombre de 1 287 parmi les licences jeunesse au 31 mai 2024. Ils étaient 3 263 pour la compétition, 1 292 pour le "sport" et 901 pour le "staff". Tous les départs ne sont pas définitifs.

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