La Grande Interview : Pierre-Henri Lecuisinier
Voilà un transfert qui n'est pas passé inaperçu ! Après deux années passées au sein du Vendée U, Pierre-Henri Lecuisinier devait logiquement rejoindre le Team Europcar en 2014. C’est en tout cas ce qu’avait annoncé le manager général de l’équipe, Jean-René Bernaudeau, début août, sur www.directvelo.com. Or le Champion du Monde Juniors 2011 était en contact avec d'autres équipes et il a finalement opté pour la FDJ.fr. "Un choix sportif totalement assumé", selon lui. "Une trahison" pour Bernaudeau. Avant de préparer sa saison 2014, qui débutera au Tour Down Under, Lecuisinier a accepté de répondre aux questions de DirectVélo. Il revient sur son bilan sportif, ses attentes de néo-professionnel et bien sûr son départ mouvementé du Vendée U.
DirectVélo : Le 3 août, Jean-René Bernaudeau annonçait sur notre site ta signature chez Europcar pour 2014 (lire ici), mais tu t’es finalement engagé pour la FDJ. Que s’est-il passé ?
Pierre-Henri Lecuisinier : Au moment où cette information vous a été donnée, je n’avais pas encore pris ma décision et je ne m’étais officiellement engagé avec aucune équipe.
Quand as-tu commencé à envisager d’autres pistes qu’Europcar pour ton passage chez les pros ?
Rejoindre le Team Europcar était l’une de mes priorités. Mais je ne voulais me fermer aucune porte. Ainsi, j’étais en contact avec Europcar, la FDJ et d’autres équipes comme Etixx-iHNed.
Pourquoi avoir choisi la FDJ plutôt qu’Europcar ?
Il vaut mieux courir dans une équipe WorldTour. Par ailleurs, la FDJ est vraiment la formation qui monte depuis quelques saisons maintenant. C’est même l’équipe de référence en France selon moi. Il y a beaucoup de jeunes talents français dans cette formation et je pense qu’il est important de pouvoir faire partie de cette base-là. Apprendre aux côtés de cette belle génération de jeunes coureurs sera un privilège et un plaisir.
Comment se sont établis les contacts avec la FDJ ?
Depuis que je suis en Junior, je suis en contact chaque hiver pour faire le point sur ma situation. A une certaine époque, il avait d’ailleurs été question que je rejoigne la Fondation FDJ. Cette année, les responsables de l’équipe voulaient savoir s’il existait une possibilité de travailler ensemble et comment je voyais la suite de ma carrière. Mais je n’ai pas eu de contacts réguliers avec eux pour autant, parce que je restais un coureur du Vendée U à 100%, concentré sur ma fin de saison. Ce n’est même qu’en septembre que j’ai pris mon courage à deux mains et que j’ai décidé de leur faire part de mon intention de rejoindre le projet. Ils m’ont répondu favorablement deux semaines plus tard.
« J’AI PESE LE POUR ET LE CONTRE »
Suite à la confirmation de ce transfert, le Team Europcar t’a privé de Tour de Vendée la veille du départ, alors que tu devais courir en tant que stagiaire. Est-ce que cette exclusion t’a vexé ?
Non pas du tout ! J’étais même plutôt surpris d’avoir été sélectionné pour cette épreuve. Je comprends que Jean-René Bernaudeau soit déçu et je me mets à la place du staff : c’est à ma connaissance la première fois qu’un coureur qui a passé deux ans au Vendée U et qui se voit proposer un contrat chez Europcar signe dans une autre équipe. D’un autre côté, il faut aussi que les dirigeants respectent ma décision. J’ai pesé le pour et le contre et c’est un choix sportif totalement assumé.
Te penses-tu condamné à entretenir de mauvaises relations avec le Vendée U et Europcar ?
Il faut que l’on reste dans le domaine du sport. Certains des coureurs du Vendée U sont des amis. Dans nos relations de tous les jours, nous passons outre toute cette histoire. Désormais, j’espère pouvoir faire une bonne saison 2014 pour prouver que j’ai fait le bon choix. Ça s’arrête là.
Il existe de bons souvenirs de ces deux années au Vendée U ?
Oui, évidemment. En 2011, mes parents et moi avons emménagé du côté de Laval. Le Vendée U était le gros club de l’Ouest de la France. C’est grâce à lui que j’ai pu découvrir toutes les plus grandes courses du calendrier amateur. Au club, j’ai rencontré des personnes très intéressantes et j’ai passé deux très belles années Espoirs. Je n’ai aucun regret.
« JE ME DONNE DEUX ANS DE DECOUVERTE »
Comment imagines-tu ta saison de néo-professionnel ?
Dans un premier temps, je vais essayer de m’intégrer au mieux à l’équipe, d’autant que je serai le seul néo-pro de l’effectif (Olivier Le Gac rejoindra la FDJ l’été prochain, NDLR). Je vais me consacrer à rouler pour les autres jusqu’au mois de juin, en écoutant au maximum les conseils de mes équipiers. Après le Championnat de France, je vais essayer de décrocher quelques résultats, notamment sur les contre-la-montres.
Quel pourrait être ton registre chez les pros ?
Je me donne deux ans de découverte. Certainement que je pourrais être à l’aise sur des courses par étapes d’une semaine qui proposent un contre-la-montre, dans le genre de l’Eneco Tour du Benelux. J’aime bien aussi les courses d’un jour en Belgique, j’y trouve de bons terrains d’expression comme le Grand Prix de Wallonie, que j’ai déjà eu l’occasion de disputer à deux reprises en tant que stagiaire professionnel (24e cette année, NDLR). J’aime les épreuves sélectives mais sans trop de relief.
L’an passé, tu avais marqué les esprits en remportant la Ronde de l’Isard. Est-ce que tu pourrais persévérer en haute montagne ?
La Ronde de l’Isard est une épreuve de référence chez les amateurs mais bien éloignée du monde du cyclisme professionnel. Malgré cette victoire, je ne me suis pas mis en tête de travailler spécifiquement dans les cols. Ce terrain-là ne m’a jamais attiré et quand je regardais le Tour de France à la télé, des gars comme Marco Pantani ou Richard Virenque ne me faisaient pas rêver. Je ne serai jamais un grand grimpeur. J’ai toujours été davantage attiré par un Tour des Flandres ou un Paris-Roubaix que par un Tour de France.
« J’AURAIS PREFERE BRILLER EN AVRIL OU EN SEPTEMBRE »
Cette saison, es-tu satisfait de tes résultats ?
Je suis content de ma période entre mai et juillet. Au sortir du Tour de Bretagne, j’ai réussi à enchaîner des victoires sur le Loire-Atlantique Espoirs et les Boucles de la Marne (classement général + une étape à chaque fois, NDLR). J’ai poursuivi sur ma lancée en gagnant le prologue des Boucles de la Mayenne et le Tour de Dordogne. En réalité, j’aurais préféré briller au mois d’avril ou de septembre. Mais j’avais sans doute plus de fraîcheur pendant l’été.
Est-ce à dire que tu es déçu de ta campagne de classiques ?
J’aurais pu faire mieux (9e du Tour des Flandres Espoirs, 30e de Liège-Bastogne-Liège Espoirs, NDLR). Je n’ai pas assez pesé sur ces courses. Plus largement, je suis déçu de l’ensemble de mes performances avec l’Equipe de France cette année. Je suis souvent arrivé émoussé sur les courses de niveau international, suite à un gros programme de course avec le Vendée U. J’ai sans doute eu du mal à gérer correctement mon programme. Et je pense qu’il était nécessaire d’avoir un calendrier solide pour arriver chez les pros avec assez de volume et d’expérience.
De façon générale, tu as bien progressé en 2013 ?
Oui. Lorsque j’étais en Espoir 1ère année, je ne me serais jamais vu terminer une course comme le Tour de Bretagne ou le Tour de l’Ain. J’arrive chez les pros avec plus de confiance. Le fait de participer à plusieurs épreuves de classe 2 m’a permis de côtoyer une première fois les professionnels. Une transition quasi obligatoire. Mais il faut relativiser : je vais courir l’an prochain dans une équipe WorldTour, certaines courses seront bien plus longues et intenses. Il reste du travail à accomplir.
Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com