Arnaud Jouffroy : « J'arrête le vélo »
Il rêvait de relancer sa carrière, il vient finalement de décider d'arrêter le vélo. Ancien Champion du Monde Junior et Espoir de cyclo-cross, Arnaud Jouffroy assume "totalement [son] choix d’arrêter [sa] carrière." Il confie : "Je me sens déjà mieux à l’idée d’avoir arrêté. J’avais déjà envisagé plusieurs fois d’arrêter le cyclisme mais mes résultats de ces dernières semaines ont définitivement faits pencher la balance."
Alors qu'il était annoncé récemment au VC Rouen 76 (lire ici) puis proche du CR4C Roanne et de l'Armée de Terre, Arnaud Jouffroy a finalement décidé de se retirer des pelotons. A 23 ans. S’il n’a pas reçu d’offre à la mesure de ses espérances cet hiver, l'ancien prodige avoue surtout "ne plus avoir la flamme." Pour www.directvelo.com, le coureur de Telenet-Fidea a accepté d’expliquer en détails cette décision, mûrement réfléchie.
DirectVélo : Pourquoi as-tu décidé de raccrocher le vélo comme l'a annoncé ce samedi le Midi Libre ?
Arnaud Jouffroy : J’ai envie d’essayer autre chose. Au fond de moi, j’ai pris conscience que j’étais vraiment moins bien sur le vélo depuis quelques temps. Je ne prends pas le même plaisir qu’auparavant. Et puis, il y a aussi des raisons financières. Je considère que le jeu n’en vaut plus la chandelle. J’aime toujours le cyclisme. Mais je ne suis pas prêt à tout pour être coureur professionnel.
Pourtant, tu nous expliquais encore être très motivé il n’y a pas si longtemps (lire ici)...
C’est vrai. Mais je n’ai pas compris le discours de certaines équipes que j’ai pu démarcher. Je n’aime pas la mentalité qu’il peut y avoir dans le monde du vélo. Non pas que je sois dégoûté, mais ce n’est plus comme avant... En contactant certaines équipes, j’ai réalisé qu’il serait très dur pour moi de me faire une place dans le peloton français. C’est déjà le cas dans certaines formations amateurs, alors je ne parle même pas d’une éventuelle place dans une équipe pro. C’est à peine s’ils ont dû suivre mes résultats. Alors je n’avais pas envie de donner encore un an de ma vie au cyclisme, pour finir dans une petite équipe où l’on survit, financièrement parlant. Le fait de n’avoir aucune garantie pour l’avenir m’a fait beaucoup réfléchir.
« J’ETAIS EMBALLE PAR L’ARMEE DE TERRE »
Le VC Rouen 76 nous avait annoncé ta signature pour 2014. Concrètement, quelles étaient tes options ?
J’étais en contact avancé avec le VC Rouen 76 mais je ne m’étais pas engagé. Je n’avais rien signé. Le CR4C Roanne également m’avait fait une belle proposition. Moi, j’étais surtout emballé par une arrivée dans l’équipe de l’Armée de Terre, mais au final cela n’a pas pu se concrétiser. Quand ils m’ont expliqué qu’ils ne me donneraient pas ma chance, j’ai pris un coup au moral car j’avais un bon feeling avec cette équipe. J’avais fondé de vrais espoirs sur ce projet. A côté de ça, j’étais moyennement motivé par les autres propositions. En fait, le milieu du cyclisme ne me fait plus trop rêver.
On sent que tu as baissé les bras…
Pas vraiment, mais disons que je suis lassé d’en chier tous les jours sur le vélo. Je fais de plus en plus d’efforts, mais j’ai l’impression qu’au plus je m’entraîne dur, et au moins les résultats suivent derrière. J’essaie donc d’être réaliste. Le cyclisme est un sport magnifique et j’ai toujours la passion... mais je pense que sur le vélo, soit on se donne à 100% soit on arrête. Il ne peut pas y avoir de compromis. Pour être professionnel, il faut être prêt à sacrifier beaucoup de choses à côté. Il faut faire des choix difficiles... Moi, je n’ai plus envie de tout sacrifier sans avoir la certitude d’aller chercher des résultats.
« JE N'AI JAMAIS EU LA CULTURE DU VELO »
Comment expliques-tu le fait de n'avoir jamais retrouvé ton meilleur niveau ?
Cela fait plusieurs années que je ne retrouve pas mon meilleur coup de pédale. J’ai sans doute lâché psychologiquement. En fait, lorsque j’ai débuté mon hiver de cyclo-cross, j’étais vraiment très motivé. Mais malgré une cinquième place encourageante sur la première manche du Challenge National, j’ai continué à enchaîner les contre-performances. Le cyclisme ne me fait plus rêver et inconsciemment, cela a dû jouer sur mes performances. Chez les Juniors, lorsque les jambes brûlaient, j’avais encore plus d’adrénaline et l’envie d’arracher les pédales encore plus fort. Désormais je n’ai plus ce type de sensations.
N’as-tu pas la crainte de regretter ton choix dans quelques mois ?
En réalité, j’avais déjà envisagé plusieurs fois d’arrêter le cyclisme mais mes résultats de ces dernières semaines ont définitivement faits pencher la balance. Mentalement, je pense avoir assez donné. Aujourd’hui, j’assume totalement mon choix d’arrêter ma carrière. Je me sens déjà mieux à l’idée d’avoir arrêté. Les bons résultats, j’ai été les chercher dans les catégories de jeunes, lorsqu’il n’était pas encore question de vie professionnelle ou d’argent. A partir du moment où je suis rentré dans ce système professionnel, j’ai un peu décroché. Ce n’est plus la passion qui prime. Moi, ce que j’aime sur le vélo, c’est me faire mal et aller gagner des courses, c’est tout. La culture du vélo, je ne l’ai jamais eu comme les gars qui sont fils de coureur ou autre... Au mois de juillet, je ne regarde pas le Tour de France par exemple ! Il y a d’autres choses plus importantes dans la vie. Alors non, je ne vois pas comment je pourrais avoir de regrets...
« JE GARDERAI DE TRES BONS SOUVENIRS »
Tes soucis ont-ils commencé lorsque tu as décidé de rejoindre la Belgique fin 2009 ?
Partir en Belgique était osé. Je ne regrette pas ce choix car il fallait bien tenter. Mais c’est vrai qu’au bout de trois mois là-bas, j’ai compris que j’avais commis une erreur. Mon plus grand regret, c’est que personne n’ait pu me proposer quoi que ce soit en France à cette période-là. C’est la raison pour laquelle j’avais dû partir en Belgique, un peu par défaut. Même l’an passé, lorsque j’ai disputé ma seule course sur route hexagonale de la saison sur le Championnat de France, je n’ai bâché qu’après 200 kilomètres sur une course pourtant très exigeante. Beaucoup de pros avaient déjà posé pied à terre avant moi. Mais personne n’a essayé de se renseigner sur mes éventuelles envies de faire de la route, ou sur mes capacités ! Quand j’ai vu ça... pff ! Je n’avais déjà que moyennement envie de me vendre, d’aller démarcher des équipes...
Que comptes-tu faire désormais ?
Je vais continuer de rouler pour le plaisir, car je veux bien que l’on comprenne que j’adore la pratique du cyclisme. Je me suis régalé durant pas mal de temps sur le vélo et je garderai de très bons souvenirs de ces années sur deux roues. Pour la suite, j’aimerais devenir pompier. J’envisage aussi de rester dans le monde du cyclisme, mais je ne sais pas encore comment... Actuellement, ma seule certitude est de ne plus vouloir en chier toute ma vie sur le vélo alors que financièrement et sportivement, je ne suis pas satisfait.
Crédit Photo : Freddy Guérin - www.directvelo.com