Julien Thollet : « Voir des coureurs avec la banane »
L'an passé, l'Equipe de France Juniors a remporté la Coupe des Nations grâce la génération Bouhanni, Paret-Peintre, Touzé, Ermenault ou encore Idjouadiene. Alors que débute la Coupe des Nations dimanche sur Paris-Roubaix, Julien Thollet reconnaît avoir une "liste très large" après un gros mois de compétition. Le sélectionneur national fait le point pour DirectVelo.com.
DirectVelo.com : Qu'as-tu noté du début de saison Juniors ?
Julien Thollet : J'ai l'impression qu'il n'y a pas depuis le début de saison des coureurs qui se détachent vraiment. Je m'aperçois en posant des noms sur le papier que j'ai une liste très large. Je ne vois clairement pas des coureurs qui sont supérieurs au reste du peloton. C'est toujours l'interrogation par rapport au niveau international. C'est la particularité des Juniors car nous repartons de zéro. Nous commençons à avoir des tendances. J'étais présent le week-end dernier sur le Tour Nivernais Morvan. Le Norvégien Foss a écrasé la course. C'était pour lui la balade. Mais ça reste une course fédérale dans le Nivernais. Il faudra le voir dans un contexte international. Écrasera-t-il dimanche Paris-Roubaix ? Peut-être qu'il fera le même numéro et qu'il sera le Junior qui explosera tout cette année. Mais nous n'en savons rien. Je suis encore en phase d'observation, et impatient d'être dimanche pour voir où se situent nos Juniors. Clément Betouigt-Suire a fait un très bon week-end en Belgique. Il a gagné une étape du Ster Van Zuid-Limburg, il a été très actif. Il y avait plusieurs équipes nationales qui préparaient Paris-Roubaix. Dans un contexte très relevé, il a tiré son épingle du jeu. C'est encourageant mais nous sommes encore dans le flou. A Roubaix, 100 % des Français vont découvrir la Coupe des Nations.
Comment as-tu établi la sélection pour Paris-Roubaix ?
C'est une des rares courses où j'annonce tardivement la sélection. Je n'aime pas trop le faire mais je n'ai pas tellement le choix. J'ai opté pour des coureurs qui sont en forme actuellement. Le temps de préparation est très court. On mise sur ceux qui sont déjà à l'avant des courses. J'ai côtoyé les coureurs lors d'un stage en février, ça donne des renseignements. Le côté technique, j'en tiens bien sûr compte. Nous avons besoin de coureurs qui savent frotter, rouler sur le pavé sans reculer. On peut imaginer qu'il y a de quoi faire avec un Tanguy Turgis au niveau de l'habilité sur le vélo. Il sort d'une saison de cyclo-cross. A l'inverse, j'avais débriefé avec Théo Nicolas qui avait participé en J1 l'an passé. Nous l'avions mis pour qu'il prenne de l'expérience. Il l'avoue aussi, les pavés ce n'est pas simple pour lui. Il a gagné le Trophée Louison-Bobet, il est fort mais pêche sur les pavés. Ça n'a donc pas basculé en sa faveur.
« IL Y AURA CERTAINEMENT PLUS DE J1 CETTE ANNEE »
En 2014, tu avais retenu peu de Juniors 1ère année tout au long de la saison. On peut penser que la donne va changer...
Il y avait en effet peu de J1. Nous avions une très bonne génération de J2 l'an passé. Certains d'ailleurs pointent déjà le bout de leur nez chez les Elites en ce début de saison. Nous l'avons encore vu le week-end dernier avec Defaye à Vougy, Rochas ou Paret-Peintre en Italie. Nous avions certainement des très bons l'an passé ! Les J1 ont donc été dans leur ombre, je n'avais pas pu en faire rentrer beaucoup. Cette année, il y en aura certainement plus. Les J1 chatouillent déjà les J2, c'est une bonne chose. La prise d’expérience est importante à cet âge-là, ils découvrent le niveau international. J'ai eu Clément Betouigt-Suire au téléphone. Il a été impressionné par la manière dont ça frottait le week-end dernier en Belgique dans le peloton. Il m'a dit que les mecs étaient complètement fous. C'est ce qui ressort à chaque fois quand on débriefe une première expérience internationale, dès qu'ils franchissent la ligne. Ça s'estompe au fil de la saison. Ils s'habituent à ça, le niveau international et l'exigence du haut-niveau c'est ça.
Quels sont les objectifs de l'Equipe de France en 2015 ?
L'objectif est de permettre aux coureurs d'être performants aux Championnats du Monde et d'Europe. Le classement de la Coupe des Nations est symbolique mais montre la bonne santé d'une Nation. J'ai la chance d'être dans une catégorie où nous sommes là pour faire de la formation. Le but est de leur apporter différents outils. Le maître-mot est que le coureur se fasse plaisir. Je veux des coureurs avec la banane sur le vélo. Ils doivent bien vivre ensemble, se rendre compte qu'ils peuvent obtenir leur résultat individuel grâce au groupe. C'est l'état d'esprit que j'essaie d'inculquer, même si bien sûr nous sommes là pour avoir des résultats. L'an passé, j'ai eu 25 coureurs. Ils ne passeront pas tous le cap. On parie sur l'avenir. Plus j'aurai de coureurs en Equipe de France et mieux ça sera pour le cyclisme français. Nous avons plein de coureurs qui goûtent à ça et qui se rendent compte du travail encore à accomplir. Parfois, ils se mettent beaucoup de pression. Il y en a plein qui veulent venir en Equipe de France. Ils se paralysent avec ça. Le meilleur exemple est Alan Riou. Il tournait autour depuis le début de saison, il était placé, il était fort dans la course mais n'arrivait pas à gagner. C'est peut-être le hasard mais je lui annonce sa sélection la semaine dernière, et dimanche il remporte une étape du Grand Prix Fernand Durel. Tu sens que ça libère les coureurs, ça leur fait passer un cap. Ils gagnent en assurance.
Crédit photo : Thomas Maheux - thomasmaheux.photodeck.com