Papa Evenepoel, fier mais les pieds sur terre
Patrick Evenepoel était ému, ce vendredi matin, sur les hauteurs du lac de Brno. Sur les terres tchèques, il a vu son fils, Remco, être sacré Champion d’Europe Juniors du contre-la-montre, devant de nombreux membres de sa famille, sa petite amie, et autres proches. Une victoire de plus pour un coureur qui a, notamment, remporté Kuurne-Bruxelles-Kuurne, la Course de la Paix, le Trophée Centre Morbihan ou le GP Général Patton depuis le début de saison. “Décidément, ça n’arrête pas ! On savait qu’il était favori, mais mettre encore une trentaine de secondes à son premier rival, son coéquipier Ilan (Van Wilder), c’est surprenant. Tant mieux, je suis content !”, souriait son père après l’arrivée.
« QU’IL SE RENDE COMPTE QUE CA POURRAIT AUSSI ALLER VITE DANS L’AUTRE SENS »
Ce dernier ne semble plus vraiment surpris des performances de son fils, qui réalise une saison absolument hors-normes. “Il a toujours été au-dessus des autres, en terme de physique. Il était très fort au football mais même déjà à l’école, lors qu’il faisait de l’athlétisme par exemple… Il courait déjà plus vite que les autres. Il était très fort dans tous les sports qui demandaient du physique”. D’ailleurs, Remco Evenepoel aurait très bien pu faire carrière dans le monde du football. “Mais il a eu des problèmes au club d’Anderlecht , où on l’a mis de côté, alors il s’est mis au vélo !”, rigole aujourd’hui Patrick.
Pour autant, Patrick veille à ce que Remco reste le même, malgré cet enchaînement de succès. Et il a bien conscience que tout peut aller très vite dans le sport de haut-niveau. “J’essaie de faire en sorte que tout le monde garde les pieds sur terre dans la famille. Pour l’instant, ce que fait mon fils est très bien, mais nous n’avons pas la garantie qu’il fasse carrière”, prévient-il. “On a déjà vu assez d’exemples par le passé… J’essaie souvent de dire à Remco de relativiser. Je veux qu’il se rende compte que ça pourrait aussi aller vite dans l’autre sens, et que ça pourrait être fini un jour, et pas forcément dans longtemps. Cette année, il tombe sur des parcours qui lui conviennent, mais ce ne sera peut-être pas toujours le cas”.
« C’EST BIEN, MAIS IL FAUT FAIRE ATTENTION »
Il faut dire qu’en dominant de la tête et des épaules pratiquement toutes les courses auxquelles il participe, Remco Evenepoel pourrait vite se lasser. D’ailleurs, le Junior 2e année avait demandé à rejoindre les rangs Espoirs dès cet été. Requête refusée. “On a fait la demande, pour qu’il passe Espoirs au premier août, chez Axel Merckx (dans la formation Hagens Bermans Axeon, NDLR), mais l’UCI a refusé. Ils ont peur que d’autres veuillent faire la même chose par la suite, je crois. Tant pis, Remco s’est fait une raison”. En attendant, le garçon continue de martyriser ses adversaires sur toutes les courses du calendrier Juniors, sous les yeux de ses proches, floqués de T-Shirt et de casquettes “R.EV”, or sur noir. Un contexte qui ne réjouit pas totalement Patrick Evenepoel. “L’euphorie de la famille, l’histoire des T-Shirt… C’est bien, mais il faut faire attention ! Il faut garder les pieds sur terre, vraiment”.
Surtout, dans le clan Evenepoel, on souhaite s’assurer que la nouvelle pépite du cyclisme belge s’épanouisse. “On veut qu’il s’amuse, mais aussi qu’il réalise qu’il y a d’autres choses que le vélo dans la vie. Il faut savoir qu’il est très strict : il s’inflige une grande discipline, il est extrêmement sérieux. Il fait attention à tous ses entraînements, à ce qu’il mange… presque comme un professionnel. Mais on ne lui demande rien, ce sont ses choix personnels. A côté de ça, il doit essayer de prendre quand même beaucoup de plaisir”. Car si certains suiveurs imaginent Remco réaliser une très grande carrière, d’autres ne seraient pas surpris de le voir disparaître de la circulation dans les années à venir. “On n’a pas une boule de cristal, mais c’est possible. On sait que tout peut se passer. J’ai moi-même roulé et je sais ce qu’il peut se passer. Je fais tout pour qu’il ne prenne pas la grosse tête ou le mauvais chemin”.