Annemiek Van Vleuten : « Stupide », puis « épique »
C’est un moment dont elle se souviendra toute sa vie. Déjà double Championne du Monde du contre-la-montre en 2017 et 2018, Annemiek Van Vleuten a conquis son premier titre de la course en ligne, à 36 ans, ce samedi, dans les rues d’Harrogate (voir classement). La Néerlandaise s’est imposée après un invraisemblable numéro en solitaire de cent kilomètres. “J’ai peut-être écrit un petit bout d’histoire”, se réjouissait la lauréate après l’arrivée. DirectVelo était présent à la conférence de presse de la Championne du Monde.
DirectVelo : Que t'es-t-il passé par la tête pour sortir toute seule à cent kilomètres de l’arrivée ?
Annemiek Van Vleuten : On voulait mettre la pression sur les autres filles dans cette grande ascension. L’idée était de faire souffrir tout le monde et voir les forces en présence. Mais de là à ce qu'il n'y ait plus qu'un petit groupe comme ça, si vite, je ne m'y attendais pas. Et je me suis vite retrouvée toute seule à l’avant…
« JE PENSAIS QU’ELLES ALLAIENT FINIR PAR RENTRER »
Il semblait presque inimaginable, à ce moment-là, que tu ailles au bout en solitaire !
Toute la journée, je me disais que c'était stupide, que j’allais me faire reprendre et que j’allais gaspiller beaucoup de forces pour rien. Je me suis dit que je ruinais mes chances, de si loin... Lorsque la coach est montée à ma hauteur une première fois, je me suis dit qu’elle allait me demander de me relever, que c’était, justement, stupide. Mais non, au contraire ! Elle m’a dit que c'était une super situation pour l’équipe, car Anna (Van der Breggen) n’avait plus à rouler dans le groupe de contre. Alors j'ai continué.
Et tu es toujours parvenue à conserver un rythme soutenu...
Je pensais qu'elles allaient finir par rentrer, en réalité. Surtout quand c'est resté longtemps à 50". Je n'y suis pas allée à fond car je préparais la suite de la course. Mais l’écart s’est mis à croître à nouveau. Et là, j’ai commencé à me dire qu’il était peut-être en train de se passer quelque chose de spécial.
Chloé Dygert a fini par sortir seule en contre-attaque. Comment as-tu vécu cette situation ?
Je savais qu'elle était plus fraîche que moi. Je suis devenue vraiment nerveuse à ce moment-là. J'ai commencé à douter. Mais après, c'est resté à 2'00", et je me sentais toujours bien dans les parties montantes, alors j'ai commencé à y croire à nouveau.
« JE ME DISAIS QUE SI C'ÉTAIT POSSIBLE, ALORS CE SERAIT ÉPIQUE »
Y’a-t-il un moment précis lors duquel tu as réalisé que tu ne serais plus rejointe ?
Je me suis forcée à rester concentrée sur la course, tout le long. Il fallait être vigilante dans les parties techniques. Il fallait bien boire, bien manger… Jusqu’aux cinq derniers kilomètres, je suis restée dans cette optique-là, à fond dans mon truc. Puis à quatre-cinq bornes de l’arrivée, j’ai compris que ça allait le faire.
Après l’arrivée, certains médias commençaient à comparer cet exploit en solitaire à ceux des plus grands, à l’image d’un Eddy Merckx dans ces plus grandes heures…
Si on compare avec ce genre d'événements et de coureurs, ça me rend vraiment très fière. Je pensais que ce n'était pas possible, quand je suis sortie si loin, mais je l’ai fait. Tout le long, je me suis répétée que je n'allais pas y arriver. Et en même temps, je me disais quand même que si c’était possible, alors ce serait épique. Et ça l’a été.
Plusieurs filles ont dit en rigolant, après l’arrivée, que tu avais un brin de folie en toi, et qu’il fallait être un peu folle pour tenter un tel numéro !
Toutes les filles me décrivent un peu comme ça (sourires)... La réalité, au-delà de cette “folie”, c’est surtout que je travaille beaucoup sur le vélo, à l'entraînement. Si je suis capable de faire cent bornes seule devant, c'est aussi parce que je fais tout ce travail, tous les camps d'entraînement que j'organise moi-même, etc. Au final, j'ai peut-être écrit un bout d'histoire sur ce Mondial.