Steve Chainel : « Au tout début de l’histoire »

Crédit photo Cross Team Legendre

Crédit photo Cross Team Legendre

Présent dimanche dernier à Rosmalen avec le maillot de l’équipe de France, Steve Chainel a décroché une anecdotique 18e place (voir classement). Mais en dehors des compétitions internationales, l’ancien Champion de France continue de développer son projet avec la structure qu’il a créée en 2015, le Team Chazal-Canyon devenu cette saison le Cross Team Legendre. Après avoir cédé des responsabilités à Rodolphe Beyer (lire ici), le coureur de 37 ans peut désormais partager les tâches dans le développement de sa formation professionnelle… et profiter de ses dernières années de coureur. Championnat d'Europe, présent, et avenir du Cross Team Legendre, Steve Chainel fait le point avec DirectVelo, alors que la saison de cyclo-cross ne fait que commencer.

DirectVelo : Comment juges-tu ta course à Rosmalen ?
Steve Chainel : Plutôt moyen, moyen plus. Si je devais mettre une note, je mettrais un petit 12. 80% de la course était conditionnée par un gros départ, surtout sur ce genre de parcours. C'est comme le GP de Monaco en F1, si t’es un très bon pilote mais que tu pars en septième ligne, tu ne pourras pas doubler. J'ai pris un très mauvais départ, j’ai essayé de remonter pendant deux tours. J’ai eu le besoin de souffler aussi. Je n’étais pas dans un jour exceptionnel. J'étais bien, mais sans plus. Ça faisait trois week-ends que je n’avais pas couru, donc je manque un peu de rythme. Il y avait cinq ultras favoris : Iserbyt, Aerts, Vanthourenhout, van der Haar et van Kessel, voire Hermans. Les autres avaient la possibilité de faire entre 6 et 25. Et ce n’est pas de la super performance.

Pourquoi cette période sans courses en pleine saison ?
J'ai été cas contact au covid. J’ai dû suivre une période de quarantaine. Puis il y a eu l’annulation de Vittel. Ça m'a mis un gros coup derrière la tête, par rapport à l'ambition qu'on s'était fixée avec mon frère. C'était compliqué à gérer. C'est difficile dans cette période de covid de trouver des courses, aussi. On a pris l'option d'aller en Belgique pour se confronter au très haut niveau, où le cyclo-cross est considéré comme un sport pro (Ce mercredi, il a terminé 24e à Niel, NDLR). On a l'occasion d’y aller, on ne va pas se priver. Même si on sait très bien que jouer la gagne sera très difficile. Alors qu'en Suède, où j’ai gagné, on sait ben que la concurrence est moins importante.

« ÊTRE AUSSI BIEN QU’UN ALPECIN-FENIX »

Comment vis-tu cette nouvelle période compliquée, avec le calendrier français qui saute ?
C'est rageant. Mais de mon côté, depuis juin, je m'entraine pour cette période hivernale. Ça peut paraitre kitsch comme discours, mais ce n’est que du vélo. Je suis impacté, il y a certaines courses où j'avais un billet à prendre etc. La situation fait qu'on a envie d'être partout, afficher les sponsors, montrer qu'on est une équipe qui veut être numéro un... mais c'est comme ça, il n’y a rien à faire. C'est la santé qui prime sur le sport bien sûr. En général, je suis dégoûté cinq minutes et je passe à autre chose.

Malgré tout, grâce à ton projet, il y a dix coureurs qui sont salariés, qui ont une situation stable et un environnement favorable…
Clairement oui, j'ai de la fierté. Celui qui n'est pas content d'être au Cross Team, il s'en va. Au delà de ce que j’ai pu faire pour ce projet qui prend de l'ampleur, je ne suis pas tout seul sur le bateau. C'est aussi mon petit frère, Raymond, Rodolphe Beyer, des sponsors, Vincent Legendre… Si à côté de ça on ne comprend pas l'exigence et le sérieux qu'on doit apporter, c'est qu'on n'a rien à faire dans l'équipe. C'est en train de payer tout doucement, et j'espère que dans 2-3 ans on sera l'équipe numéro un. C’est hyper important d'être aussi bien qu'un Alpecin-Fenix. Au départ, l'équipe BKCP-Powerplus de Niels Albert, l'ambition n'est pas d'aller sur le Tour. Maintenant ils ont trouvé leur pilote avec Van der Poel. Mais nous ce sera peut-être la même dans quatre ans. On ne se fixe pas de limite.

L’équipe a l’air d’avoir déjà franchi un cap en 2020, avec davantage de coureurs et de jeunes talents…
Passer de six à neuf montre qu'on est dans le vrai, on veut donner la chance aux talents qui émergent du cross. Je me rappelle de mes années espoirs où je rêvais d'être dans une équipe pro avec des gars qui me guident. C'est ce que j'ai vécu en équipe de France, déjà. Aujourd'hui, on le fait et c'est déjà énorme de pouvoir le faire dans ce cadre. Expliquer comment ça fonctionne aux jeunes, apporter ma touche, ce que j'aurais dû améliorer dans ma carrière, échanger avec eux pour qu'ils se sentent bien, pour qu'ils soient épanouis... De plus, c’est malheureux mais le fait d’être pro nous oblige à faire les choses en grand, avec un programme adapté pour l’hiver. Du coup on ne peut pas agir comme une petite structure avec une seule féminine, comme l'an dernier avec Amandine (Fouquenet). Si on en prend, ce sera plusieurs, mais on n’a pas le budget ni le staff.

« PAS ENVIE D’ÊTRE UN LEADER AVEC QUI TU DOIS LA FERMER ET OBÉIR »

Tu as laissé les clés à Rodolphe Beyer cette saison, tu es soulagé de ne plus multiplier les casquettes ?
Le boulot reste le même mais maintenant j'ai la facilité de dire « il faut voir avec Rodolphe ». Je n’hésite pas à lui renvoyer la balle. J'ai un besoin de progresser en management, parce que je n'ai pas fait d'études dans ce domaine. Je suis un simple coureur qui veut partager son expérience et qui a un peu compris comment ça fonctionnait. Mais je fais à ma sauce. Ça s'apprend et Rodolphe est la personne idéale pour m'apprendre tout ça. Il manage Canyon, on connait leur réussite. Et c'est mon ami, il m'apporte énormément dans la vie de tous les jours. Quand ma carrière s'arrêtera, je serai un sportif comblé et un homme prêt à prendre les rênes de cette fantastique équipe.

Comment définis-tu ton rôle désormais ?
Un peu le capitaine de route. Par moment les autres n’osent pas me dire des choses parce qu'ils savent que j'ai contact avec Rodolphe en permanence. Mais je prends ce rôle néanmoins, le grand frère, celui à qui tu peux exposer tes malheurs, ce qui se passe dans ta vie, etc. Je n’ai pas envie d'être considéré comme un leader avec qui tu dois la fermer et obéir. Je suis dans le bien-être, le coureur doit se sentir bien. Je suis un peu leur pote aussi. Il y a une belle bande de jeunes, le Cross Team a cette image assez familiale, mais ce n’est pas pour autant qu'on n’est pas ambitieux. On a des comptes à rendre et c’est avec les résultats, pas juste par le sourire.

« ÇA PASSE PAR UNE PREMIÈRE SAISON ROUTE »

Comment faire franchir de nouveaux caps au Team désormais ?
On va pouvoir avoir un planning de courses adapté en vue de l'hiver. De part notre statut, on va pouvoir avoir accès a un nombre incalculable de courses sur lesquelles on va choisir d'aller, pour prendre du volume et de la caisse. On est au tout début de l'histoire, ça passe par une première saison route, qui sera un apprentissage pour beaucoup. Mais le planning n’est pas encore à l’ordre du jour. L’idée est de faire des gros mois de mai-juin-juillet-août. À l’image de ce que fait Pauwels-Sauzen-Bingoal ou Telenet Lions. Chaque année ils ont les meilleurs et on comprend pourquoi. Le Tour Alsace fait partie des courses dans le coin, ça peut figurer dans notre planning. L'idée est d'aller chercher un maillot à Pontchâteau aussi. C'est évident que ça fait partie des courses les plus importantes, Espoirs comme Elites. On veut battre Venturini s’il est là. Pour l'avoir porté, ce maillot fait rêver. Il faudra faire partie des meilleurs ce jour là.

Et à titre personnel, comment tu imagines la suite…
L'objectif du Team est de me former au métier de manager, Rodolphe notamment. Mais je me fais plaisir sur le vélo, j'aime encore les grosses charges d'entrainement et j'y prends plaisir. J'aime ce que je fais, j'en profite. Je n’ai pas décidé de quand j'allais arrêter, mais je ne ferai pas encore trois, quatre ou cinq saisons. S'arrêter à 40 ans c'est sympa, mais moi il est certain qu'il va falloir que j'y songe. Mon gamin a 12 ans. Et il y a ce rôle de consultant à Eurosport, je ne peux pas le lâcher, j'aime ça. Sans préparation parfaite comme c’est le cas depuis trois ou quatre ans, je vais tout doucement perdre en forme. Il faut que je commence à y réfléchir. Mais ça ne sera pas cette année (sourire).

Mots-clés

En savoir plus

Portrait de Steve CHAINEL