Mathis Le Berre : « C’est un équilibre de vie essentiel »

Crédit photo Michaël Gilson / DirectVelo

Crédit photo Michaël Gilson / DirectVelo

Mathis Le Berre trace son chemin. Doucement mais sûrement, il grimpe les marches et peut désormais rêver de passer, un jour, professionnel. “Je me donne deux ans pour y parvenir car je ne compte pas passer ma vie chez les Amateurs, jusqu’à 30 ans. Si ça ne marche pas, j’irai travailler”. Le Costarmoricain - qui a toujours vécu à Saint-Brieuc ou dans la commune voisine de Quintin - se montre en effet particulièrement régulier depuis le début de saison, en témoigne d’ailleurs sa 3e place actuelle au Challenge BBB-DirectVelo Espoirs (voir classement). Le garçon sait où il veut aller, et met tout en œuvre pour y parvenir. Entraînements, nutrition, sommeil, exercices de récupération, analyse des performances de ses adversaires et des différentes tactiques employées en course : avec Mathis Le Berre, tout est analysé, calculé, réfléchi. Rien n’est laissé au hasard. Même lorsqu’il explique ses façons de procéder et de travailler, le ton est calme, les mots sont choisis, pesés, détaillés… Au point que l’on en oublierait presque que le Breton n’a que 20 ans. “Je sais où je veux aller et j’ai conscience qu’il serait impossible d’y arriver si je ne mets pas toutes les chances de mon côté”. Entretien avec celui qui vient de terminer 3e de Manche-Océan après un numéro en solitaire dans le final, signant ainsi son (déjà) treizième Top 10 de la saison. 

DirectVelo : Tu t’es encore une fois montré très solide sur les routes de Manche-Océan, dimanche !
Mathis Le Berre : J’ai fait 50 bornes tout seul… Je pensais que c’était ma seule chance de gagner car on ne m’aurait pas laissé sortir plus tard dans la course. Ils se sont dit que c’était suicidaire de sortir d’aussi loin, c’est la carte que j’ai donc jouée. Et ça aurait pu le faire. J’ai eu le temps d’y croire. Ewen (Costiou) est revenu sur moi puis un trio est rentré à son tour et le sprint à cinq n'a pas été favorable pour nous. Je suis un peu déçu mais on n’a rien à se reprocher. Il vaut mieux courir devant que rester derrière et avoir des regrets si ça ne rentre jamais…

« À 90% TOUT LE TEMPS »

Tu es particulièrement régulier depuis le début de saison…
Il ne me manque que la victoire. Je suis un des plus réguliers, c’est vrai. Je suis assez complet et à l’aise sur pas mal de terrains, mais il y a toujours un mec qui va aller plus vite que moi au sprint… Peut-être aussi que, parfois, j’en fais trop, comme hier (dimanche) sur Manche-Océan. Mais j’espère que je finirai par en gagner une. 

Tu ne sembles pas avoir connu le moindre creux depuis les toutes premières courses de l’année. Comment gères-tu tes pics de forme pour répondre si souvent présent ?
En quelque sorte, on peut dire que je suis à 90% tout le temps. C’est voulu. Ce n’est pas facile d’être à 100% sur un événement comme le Championnat de France, et d’être encore très bien tout le reste de la saison. Il ne faut pas trop en faire non plus car le but n’est pas de se blesser ou de serrer le moteur. Je fais attention. Je pense m’en sortir plutôt bien jusqu’à présent. Je ne débranche pas mais je récupère bien. J’ai l’impression que mon corps s’est bien habitué aux charges de travail et à cette façon de faire. Pour l’instant, ça marche bien.

Chez les Juniors, on t’avait vu te révéler au Valromey, mais tu sembles également à l’aise dans les petites montées sèches voire au sprint. Quel type de coureur penses-tu pouvoir devenir à l’avenir ?
J’ai l’impression que c’est sur les courses dures que je suis le plus à l’aise. Je me vois plutôt comme un puncheur/grimpeur, avec aussi une petite pointe de vitesse dans des groupes de dix mecs, si la course a été usante auparavant. J’ai des qualités d’endurance. Je dois progresser en montagne, ça passera par des stages en altitude. Je n’ai pas eu l’occasion de le faire pour le moment mais ça viendra. Je pense aussi au chrono.

Parce que tu souhaites n’avoir aucun point faible ?
Je veux préparer l’avenir sur le chrono, pour me tester. On peut gagner un classement général grâce au chrono, c’est important. Il ne faut rien laisser de côté : la pointe de vitesse, le punch, les qualités de grimpeur, de rouleur… Bien sûr, on ne peut pas être au top partout, mais il faut être polyvalent. C’est d’ailleurs dans cette optique que je doublerai le chrono et la route lors du Championnat de France de l’Avenir. Ce sera un bon test avant la Ronde de l’Isard, qui me servira cette fois-ci de repère en montagne.

« JE SUIS ASSEZ MANIAQUE ET POINTILLEUX »

Tu es actuellement 15e du Challenge BBB-DirectVelo et, surtout, sur le podium du classement des Espoirs. Qu’est-ce que ça veut dire sur ta première partie de saison 2021 ?
Ce n’est pas anodin. Le classement est révélateur. Il n’y a qu’à voir les noms dans le Top 10 des Espoirs : ce sont les mecs que l’on voit devant tous les week-ends. Avant, je ne connaissais pas grand-chose mais depuis que je suis tout ça de près, c’est beaucoup plus facile. Je regarde tous les classements : je vais jusqu’au 50e voire jusqu’à la fin de chaque classement de course pour ne rien louper. Je regarde aussi les écarts, j’observe tout ça de près pour savoir qui est costaud etc. Et à force, tu connais tout le monde par cœur. Je regarde même les classements de certaines courses de 2ème catégorie. Quand je vois un mec comme Clément Alleno par exemple, “en 2”, ça marche très fort ! Ce sont des éléments qui aident et auxquels je m'intéresse. 

Tu sembles extrêmement attentif à tout ce qu'il se passe dans le monde du vélo !
Je regarde tout, surtout depuis cette année. Je suis souvent sur DirectVelo pour regarder les résultats, l’après-midi après l’entraînement. J’analyse les courses, les tactiques à la télé aussi, chez les pros… Il faut connaître les coureurs pour ne pas être surpris et anticiper des mouvements de course le jour où tu te retrouves face à eux.

C’est le signe de beaucoup de sérieux…
J’essaie d’être appliqué. Je le suis dans tous les domaines. C’est essentiel, me semble-t-il, pour espérer faire une carrière chez les pros. J’ai donc mes routines.

Quels genres de routines ?
Je me lève tous les jours à la même heure, je fais tous les jours attention à mon petit-déjeuner et je pars m’entraîner à 10h, pile-poil, tous les matins. Le soir, je fais mes étirements, les massages… De base, je suis quelqu’un d’assez sérieux, au-delà même du cadre du vélo et du sport. Je suis assez maniaque et pointilleux. Alors depuis que j’ai l’ambition de faire carrière, j’ai encore plus accentué tout ce travail-là. Au niveau du matos, c’est la même chose, je fais très attention. Même si ça peut sembler chiant parfois, c’est un passage obligé. Il n’y a pas de secret. Pour passer pro, il faut mettre toutes les chances de son côté et ne rien négliger, mais je ne suis pas sûr que tout le monde le fasse comme ça. 

« J’AI SENTI QUE J’AVAIS LES MOYENS D’ALLER VOIR PLUS LOIN »

On dit souvent que les coureurs de la nouvelle génération ne prennent plus le temps d’ouvrir les roadbooks. Étant donné que tu as l’air particulièrement minutieux et appliqué, on imagine que tu n’es pas du genre à les laisser sur la table de chevet sans les feuilleter…
Bien sûr, tout va ensemble. Je regarde ça de près. C’est important de connaître les profils des GPM, la carte, l’orientation… Et le matin de la course, il faut faire attention à la météo, au vent… Il faut tout analyser. Si tu ne veux pas finir piégé par une bordure, notamment, c’est la base.

Vois-tu ces aspects évoqués précédemment comme des efforts, des contraintes voire des sacrifices, ou le fais-tu simplement par plaisir, étant donné que ça semble être dans ton tempérament au-delà même de ta pratique du sport cycliste ?
J’adore ça ! J’espère en faire mon métier plus tard donc ça ne me dérange pas de faire le travail à fond. Les mecs comprennent. Ils disent que je fais le métier à fond et que j’ai raison de le faire. Mes parents, ma copine avec qui je suis depuis cinq ans, me soutiennent aussi. Tout ça, c’est un équilibre de vie essentiel.

As-tu appris (et réalisé) l’importance de cette rigueur tout seul ?
Adrien Quinio m’a appris tout ça : comment bien me gérer, m’étirer, me masser, faire les bons exercices à la muscu… Tout ça permet de passer des caps.

Tout cela reste tout de même assez nouveau pour toi, puisque tu travaillais encore en tant que paysagiste jusqu’en février dernier !
J’ai passé un Bac Pro en Conduite et Gestion de l’Entreprise Agricole (CGEA), et j’ai aussi validé mon Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) de mécanicien de cycles. Puis j’ai bossé cet hiver. En sachant qu’avant, j’aidais beaucoup des amis à la ferme, également. Mais j’ai senti que j’avais les moyens d’aller voir plus loin sur le vélo. J’ai senti des capacités tout en sachant que je n’étais pas en train de les exploiter à fond. Je voulais donc essayer de ne faire que du vélo pendant un temps. Je pense que c’est obligatoire pour mieux récupérer et pour espérer passer pro à terme. Je me donne deux ans pour y parvenir car je ne compte pas passer ma vie chez les Amateurs, jusqu’à 30 ans. Si ça ne marche pas, j’irai travailler.

« JE N’AIME PAS QU’ON CHANGE MES TRUCS, MES HABITUDES »

Il faut préciser que tu n’es pas issu d’une famille de cyclistes et que tout cela est également nouveau pour tes proches, en premier lieu tes parents !
J’ai fait un peu de judo en étant tout petit mais je me suis mis au vélo dès mes 6 ans. Personne ne faisait de vélo dans ma famille. J’ai eu envie d’essayer en voyant un groupe de jeunes aller s’entraîner, une fois. C’est aussi simple que ça (sourire). Sur ma première course, j’avais directement terminé 5e, puis j’ai pas mal gagné par la suite (sourire). Dans mes plus jeunes années, j’étais assez costaud, j’avais de la force. J’étais presque gras. J’avais une petite avance morphologique sur d’autres à cette époque-là.

Comment tes parents vivent-ils ta passion pour le cyclisme ?
Ils m’aident et me soutiennent à fond. Si ça ne marchait pas trop, ils m’auraient sûrement dit d’aller chercher du travail mais pour le moment, ça ne marche pas trop mal alors ça va (rires). Sur le coup, il a fallu annoncer, cet hiver, que je comptais me consacrer uniquement au vélo pendant un moment. Forcément, c’est un choix qui peut sembler risqué sur le coup, mais ils ont parfaitement compris la situation et ils savent que ça se tente. Ils savent aussi que je ne compte pas m’éterniser chez les amateurs si ça ne marche pas, encore une fois. En tout cas, pour l’instant, ils y croient autant que moi. D’ailleurs, mon père va bientôt s’acheter un scooter et je pourrai faire des séances de derrière scooter avec lui, comme j’en fais déjà avec Erwan Cornillet. Mon père ne connaissait pas grand-chose au vélo, au début, mais il s’y est mis et ça l’intéresse. Il s’implique à 100% pour moi.

Chez les Juniors, tu avais évoqué des problèmes à bien finir les courses. Tu souffrais parfois de crampes. Ces problèmes sont-ils derrière toi ?
Pas totalement. En fait, ça dépend… Si je prends les deux plus longues courses que j’ai faites cette année, Châtillon-Dijon et le Championnat de France, on ne peut pas en faire le même bilan. Sur Châtillon-Dijon, j’ai fait un résultat (8e) et je sentais que j’étais encore bien physiquement dans le final. J’aurais même pu faire encore mieux, je pense, mais il m’avait manqué des coéquipiers dans le final. Je m’étais débrouillé dans les dix derniers kilomètres. Sur le Championnat de France, par contre, j’ai crampé à deux tours de l’arrivée, comme en Juniors. C’était peut-être à cause de la chaleur, ou parce que je ne me suis pas assez alimenté, notamment en salé. Je pense, et j’espère, que ça restera une exception sur cette saison, donc on ne peut plus vraiment comparer avec mes saisons chez les Juniors.

Outre le cyclisme, as-tu d’autres centres d’intérêts en particulier ?
J’aime bien tout ce qui touche à la nature, au jardin etc. Je marche beaucoup, aussi. Je vais souvent marcher une heure le long de la plage, comme j’habite à côté. En fait, j’y vais pratiquement tous les jours. Là encore, ça fait partie de mon train-train. Comme tout le reste, on y revient ! Je suis assez routinier, je n’aime pas qu’on change mes trucs, mes habitudes (sourire). C’est vrai dans le vélo comme dans mes autres centres d’intérêt.

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