Quentin Grolleau : « J’avais perdu la passion »
Discrètement, Quentin Grolleau s’est éclipsé. Le Provençal, résident d’Allauch, au nord de Marseille, n’a plus disputé la moindre course depuis le Tour de Côte d’Or, et on ne le verra plus en compétition. L’athlète de 23 ans, membre de l’AVC Aix-en-Provence depuis 2018, a en effet décidé de se retirer du monde du cyclisme en cours de saison, afin de se consacrer à ses études. Parce qu’il avait fait le tour de la question, et que la flamme s’était peu à peu éteinte. Entretien.
DirectVelo : Quand as-tu décidé de mettre un terme à ta carrière cycliste ?
Quentin Grolleau : Ça fait un bon petit moment, pratiquement depuis l’après-Championnat de France. Et finalement, j’ai tout arrêté après le Tour de Côte d’Or. Ce n’était pas anticipé depuis longtemps mais j’ai simplement eu une opportunité au niveau des mes études. J’espérais pouvoir me lancer dans un Master entraînement et optimisation de performance, en STAPS, mais il y avait treize places pour 500 candidatures. Je ne me faisais pas trop de films, sauf que j’ai été pris (rires). Je pense que mon parcours de cycliste, à un haut niveau, m’a aidé. Me voilà donc entre Marseille et Toulon car j’ai cours dans deux écoles différentes.
Tu n’as même pas été au terme de la saison 2021...
J’aurais pu continuer jusqu’à fin août mais ça n’aurait pas changé grand-chose. Je sentais qu’il était temps de tourner la page et de passer à autre-chose. Alors avant de reprendre les études, je voulais profiter de l’été et entrer dans une nouvelle dynamique.
On a le sentiment que tu n’étais plus épanoui dans le monde du cyclisme !
C’est bizarre, en fait. Cette année, je n’ai fait que ça et je n’étais pas convaincu que ça me correspondait. Je ne me suis pas toujours senti très bien… Je crois que j’avais perdu la passion du vélo. Je suis arrivé à un moment de ma vie où j’ai envie de plein d’autres choses, à côté du vélo. C’était le moment de changer. Je n’ai pas de regrets. J’ai vécu ma passion à fond pendant six ans, au plus haut niveau amateur. C’était une belle expérience. Mais je n’étais sans doute pas fait pour ce milieu. Je ne cours plus depuis près de deux mois et je sens que c’était le bon choix car ça ne me manque pas du tout. J’étais arrivé au bout d’un cycle et j’en avais sans doute marre de vivre dans une certaine routine.
« MENTALEMENT, CE N'ÉTAIT PAS ÇA »
Parce que tu ne voyais pas où ça allait te mener ?
Depuis J1, je m’étais investi à fond, mais sans jamais me projeter dans la peau d’un futur champion ou d’un vainqueur du Tour de France. J’aurais peut-être eu les capacités d’être un petit pro, en Conti voire en ProTeam. Cette année, j’ai senti que j’étais dans le jeu sur les épreuves de Classe 2 alors que je ne m’entrainais plus autant qu’avant. Mais pour le plus haut niveau, en WorldTour, ça aurait été impossible. Il n’y a pas un étage d’écart, mais vingt… Dans notre génération de sudistes, il y avait pas mal de talents prometteurs mais aujourd’hui, il ne reste pratiquement plus personne hormis Clément Champoussin. De mon côté, je pense que j’avais les capacités physiques pour me débrouiller mais mentalement, ce n’était pas ça.
C’est-à-dire ?
Je n’avais pas la mentalité qu’il faut pour réussir sur le vélo. J’étais sans doute trop gentil. Sur le vélo, je me battais contre moi-même, pour le plaisir de me surpasser, mais jamais vraiment contre les autres. Pour gagner sur une Élite, il faut avoir envie de bouffer les autres, il faut les crocs. Je pense que je ne les avais pas. Je n’étais pas assez motivé par le fait de battre les autres.
Le “petit monde du vélo” lasse parfois certains coureurs, également…
C’est mon cas. Enfin… Disons que je ne m’en rendais pas vraiment compte tant que j’avais le nez dans le guidon mais maintenant que je suis sorti de tout ça, je me dis que c’est quand même, parfois, un peu triste, ce mode de vie… Je vois des copains qui m’envoient certaines photos… Quand tu vois les logements dans lesquels on dort parfois, les conditions sur certaines courses, où tu manges par terre, à la va-vite… Il faut avoir envie, ou espérer passer pro derrière. Sauf que moi, j’ai toujours fait du vélo par amusement. Et au bon d’un moment, tu calcules le ratio sacrifices/amusement et tu te rends compte que ça ne vaut plus vraiment le coup.
« CE N’EST PAS CE QUI ME MOTIVE »
Tu es resté fidèle à l’AVC Aix-en-Provence, où tu avais tes habitudes, pendant quatre saisons…
J’étais bien ici. J’aurais éventuellement aimé pouvoir vivre une saison à faire tout le calendrier breton, pour découvrir d’autres courses car je sais que pas mal de courses me convenaient là-bas, en circuit… Mais il n’y avait pas à se plaindre à l’AVCA. On avait l’un des plus beaux calendriers de Classe 2 de toutes les formations françaises réunies.
Tu as décroché plusieurs médailles au Championnat de France, sur route comme sur la piste. Que retiendras-tu de tes années sur le vélo ?
Plus que n’importe quel bon résultat, je veux me souvenir avant tout des rencontres que j’ai faites pendant ma petite carrière. C’est le plus important. Je garderai de très bons souvenirs de fous rires, de stages de pré-saison à Tenerife ou ailleurs, avec les copains… Certains, très peu, sont devenus des amis proches. Un classement, c’est éphémère. Par contre, le partage d’émotions, de rires, d’échanges autour d’une table, entre bières et saucissons, c’est ce qui compte et ce que j’aime.
Et maintenant ?
Je vais donc me consacrer à mes deux années de Masters, puis on verra. Je compte bien continuer le sport également, notamment le trail. J’ai envie de me retrouver dans des aventures personnelles, des défis, plus que dans une recherche de résultat brut… Ce n’est pas ce qui me motive. Mon bonheur, ce serait de partager des défis avec des copains, filer en camping-car à travers les montagnes, explorer de nouveaux coins… Il y a beaucoup à faire, je ne manque pas d’idées ni d’envies.