Tour de France Femmes : Partout, « les places sont chères »
Pour les formations de niveau Continental qui rêvent de participer au prochain Tour de France Femmes, l’attente s’annonce longue et stressante (lire ici notre article sur la situation des Conti françaises). Pour quatorze autres structures professionnelles, celles du WorldTour, la situation est autrement plus confortable. Assurées de participer à ce qui sera désormais le plus grand événement du cyclisme sur route féminin, ces dernières peuvent déjà se projeter sur le mois de juillet en tout quiétude, sans dépendre de la bonne volonté d’ASO de souhaiter les inviter, ou non. Mais pas question pour autant de voir trop loin. De nombreux objectifs ont déjà été cochés sur les différents calendriers de février à juin prochain. “La seule vraie différence par rapport aux autres années, c’est dans les discours. Forcément, on parle du Tour et on va continuer d’en parler. Médiatiquement, en matière de communication etc, ça va être très costaud. Mais il ne faut pas s’arrêter au Tour”, prévient pour DirectVelo Flavien Soenen, désormais directeur sportif à la FDJ-Nouvelle Aquitaine-Futuroscope. “Le seul impact sportif, ce sera la préparation, avec les stages de reconnaissance les semaines qui vont précéder. C’est tout. Le piège serait de ne penser qu’au Tour de France, même si ce sera le point central de la saison. On va d’abord viser les Strade Bianche, le Tour des Flandres, la Flèche Wallonne... Ce sont des épreuves très importantes pour nous. On ne peut pas squizzer le Giro non plus”. Autrement dit, il sera bien temps de penser au Tour de France plus tard sans avilir nullement l’importance du reste du calendrier.
Du côté des différentes athlètes françaises des WorldTeam étrangères, on ne compte pas mettre la charrue avant les bœufs non plus, bien que l’excitation risque de monter au fil des semaines. “On en parle déjà car ce mois de juillet sera spécial. Je crois qu’on ne se rend même pas compte de l’impact médiatique qu’il risque d’y avoir. L’équipe mise beaucoup dessus mais un Tour de France raté ne signifierait pas une saison foirée pour autant”, synthétise Aude Biannic. “J’ai l’impression qu’on prend les choses petit à petit. Le Tour, ça reste loin. On n’est pas en ébullition dès maintenant. Il faut d’abord se concentrer sur les Classiques de la première partie de saison. On a de très belles courses à aller chercher avant le Tour”, tempère également Audrey Cordon-Ragot.
Toutes et tous s’accordent pour dire que si le Tour de France sera bien entendu LE gros événement de l’année pour tous les acteurs de ce sport, il n’en reste pas moins essentiel d’avancer sereinement vers le mois de juillet en se focalisant en premier lieu sur les événements majeurs et désormais habituels de la première partie de saison. “Il ne faut pas tomber dans le piège du : 2022 = Tour de France. On a besoin d’avoir des moments forts et de gros objectifs tout au long de la saison. On ne peut pas tout miser sur le Tour, sachant qu’en plus, il y aura un niveau extrêmement élevé et que tout le monde ne pourra pas y performer”, insiste ainsi Flavien Soenen.
AUDE BIANNIC, AUDREY CORDON-RAGOT ET ROXANE FOURNIER DÉJÀ FIXÉES
Reste tout de même un enjeu colossal dans chacune des formations conviées au prochain Tour de France, et pas des moindres : qui participera à cette Grande Boucle féminine, sachant qu’il n’y a que six places par formation pour cette édition 2022 et que la quasi-totalité des athlètes font preuve d’un appétit pantagruélique à l’idée d’être de la partie. Dans la plupart des équipes, deux, trois ou même quatre places (plus rarement) semblent d’ores-et-déjà attribuées avant même le début de la saison. Chez Movistar, Aude Biannic est assurée de sa présence. “C’est une chance, j’aborde la saison plus sereinement”. Même chose pour Audrey Cordon-Ragot avec Trek-Segafredo. “J’y serai et mon programme sera axé sur le Tour à partir du mois de mai”.
Roxane Fournier, elle aussi, est fixée. Mais d’une façon différente. “Je sais déjà que je ne le ferai pas, comme Elena Cecchini, qui sera concentrée sur le Giro. Il y a forcément des déçues mais les places sont chères. Au fond de moi, j’espérais y être mais je me doutais que dans une telle équipe, il allait être compliqué de me faire une place”, admet la sociétaire du Team SD Worx. “C’est un très gros objectif pour l’équipe, qui veut gagner le général. Il faudra surtout des grimpeuses. Le staff a été franc avec moi. Et j’étais aussi lucide. Je préfère le savoir maintenant. Au moins, je passe tout de suite à autre chose et je me concentre sur d’autres compétitions”.
Pour sa part, Léa Curinier fait partie des nombreuses athlètes qui sont dans l’espoir d’une sélection. Après son transfert de l’équipe Arkéa au Team DSM à l’intersaison, l’Ardéchoise sait que la concurrence sera rude. “J’espère avoir ma chance ! J’aimerais vraiment y participer. Être dans une grande équipe est très positif, que je sois sur le Tour ou non. Le fait d’être française peut aider un tout petit peu mais évidemment, ça va d’abord se jouer sur l’aspect sportif et je vais tout donner pour gagner ma place”.
IL RESTE TROIS PLACES À LA FDJ-NOUVELLE AQUITAINE-FUTUROSCOPE
Dans toutes les équipes, la première moitié de saison va permettre de peaufiner la sélection finale. “La bagarre va être rude. On a la chance d’avoir le Giro deux semaines avant, ce qui va permettre de diviser les forces même si certaines doubleront. Tout le monde aura sa part du gâteau à un moment donné. Pour le Tour, le choix se fera naturellement. Par exemple, on emmènera sûrement qu’une sprinteuse sur le Tour comme, je pense, la plupart des équipes”, explique Audrey Cordon-Ragot. “Les places sont chères. Six places pour quatorze, ce n’est pas beaucoup, ça ne fait même pas la moitié du groupe…”, constate et répète aussi Aude Biannic, qui devrait doubler le Giro et le Tour avec sa leader Annemiek van Vleuten, laquelle rêve du triplé Giro-Tour-Vuelta cette saison. Rien que ça.
Quoi qu’il en soit, et malgré les rêves de chacune, il est évident qu’il n’y aura pas de place pour tout le monde sur ce Tour de France. Et une fois la compétition lancée, les occasions de briller ne seront pas si nombreuses. D’où la nécessité de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, comme le rappelle encore Flavien Soenen. “On peut s’attendre à ce que ce soit énorme, surtout pour une première pour nous. J’imagine que porter le maillot jaune une journée serait bien supérieur à tout ce qui peut se faire le reste de la saison. Mais il faut aussi prendre du recul. Si tu gagnes le Tour des Flandres et que tu loupes ton Tour de France, je crois que ça va (rires). Il n’y a que huit étapes donc maximum huit vainqueurs potentiels, sachant que certaines équipes ont de vraies chances de gagner plusieurs fois. Il y aura forcément des déçus”. Au sein de la WorldTeam française, plusieurs filles ont déjà leur ticket, à commencer par la Danoise Cecilie Uttrup Ludwig. “On a la moitié de l’équipe. Pour les dernières places, il faudra trouver le meilleur équilibre possible. Le but n’est pas de prendre forcément les six plus fortes. La sixième fille peut être quelqu’un qui est prêt à se sacrifier à 200% pour le groupe, à faire le travail de l’ombre”.
Pour les expérimentées Aude Biannic et Audrey Cordon-Ragot, qui ont vu leur cyclisme féminin évoluer saison après saison, avoir la chance de disputer le Tour de France est un bonheur immense. “Je fais partie de celles qui auront pu connaître toute cette évolution. Celles qui arrivent maintenant ont directement connu des infrastructures solides et un calendrier quasi similaire à celui des hommes. Des moyens supplémentaires sont mis chaque année, ça va super vite. Paris-Roubaix, le Tour… On savoure !”, s'enthousiasme Aude Biannic. Rejointe dans ses propos par Audrey Cordon-Ragot, tout à son bonheur à l’idée de disputer (enfin) le Tour de France dans six mois. “Je pense que je ne réalise pas du tout. J’ai déjà pu y goûter un tout petit peu lors de la présentation du Tour et c’était déjà énorme. Ça fait rêver !, se réjouit la Bretonne. C’est quelque chose que je n’aurais jamais imaginé il y a un an ou un peu plus. J’ai hâte d’y être et de montrer qu’on mérite d’avoir ce Tour de France. On va essayer de l’honorer”.