Johan Le Bon : « Je sortais souvent déçu du Tour de Bretagne »
Moins d’un an après sa victoire d’étape au Kreiz Breizh Elites, Johan Le Bon montre qu’il est toujours capable de s’imposer en Classe 2. Cette fois, c’est sur son Tour, qu’on peut presque qualifier de national, qu’il a levé les bras. Le coureur de Dinan Sport Cycling s’est adjugé la deuxième étape du Tour de Bretagne, après plusieurs coups d’accélérateur dans le final. D’abord pour s’extirper du peloton, piégé par un groupe d’une quinzaine de coureurs, puis dans les derniers hectomètres pour fausser compagnie à tout le monde et s’échapper en solitaire (voir classement). Le Breton de 31 ans est revenu avec DirectVelo sur ce final haletant, et sa relation avec le Tour de Bretagne qui ressemble à "je t’aime moi non plus".
DirectVelo : Tu étais un temps piégé, et pourtant !
Johan Le Bon : Le groupe s'est fait dans les bosses et c'est là qu'on s'est fait avoir. Je pensais que ça serait une étape un peu plus cool, avec les sprinteurs. Mais beaucoup d'équipes étaient représentées, certaines se sont fait piéger et se sont mises à rouler en arrivant sur le circuit. J'ai bien vu que ça se désorganisait à deux tours, donc j'ai mis une attaque et je suis rentré avec un Swiss Racing (Alex Baudin, NDLR). On a fait l'effort, on est rentré au bon moment. En haut je voyais que ça se regardait, personne ne voulait rouler, je me suis dit, je tente. J'ai géré dans la descente comme je savais que les 400 derniers mètres étaient difficiles. Je suis super content, c'est formidable de gagner au Tour de Bretagne.
À quoi as-tu pensé lorsque tu as vu le groupe de quinze coureurs partir sans toi, puis dans les derniers hectomètres en ressortant seul ?
Je n'y croyais pas trop, ils étaient beaucoup devant, avec beaucoup d'équipes représentées. J'ai vu que les équipes piégées se désorganisaient dans la bosse, j'ai dit j'essaye, sans complexes. Dans la dernière difficulté, je voyais qu'il n'y avait aucun coureur au-dessus du lot, personne ne cherchait à attaquer. Tout le monde était fatigué et moi aussi. Deux kilomètres, c'est long face à quinze mecs. Les sensations sont bonnes, quand on n'a pas de pression, on tente. Mickaël (Guichard) a voulu faire ça aussi hier, ça lui a souri. Quand je l'ai vu faire hier, j'ai dit aux Fybolia « vous l’avez gagnée celle-là ! ». Pour nous N1, c'est important et c'est réussi. Ça fait plaisir de gagner dès la deuxième étape.
« C’ÉTAIT UN PETIT OBJECTIF DE CARRIÈRE »
Gagner sur le Tour de Bretagne doit être particulier pour toi…
Le Tour de Bretagne, c'est notre Tour de France pour les Bretons, on veut réussir. C’est une fierté, un grand plaisir. C'est une chose qui ne m'a jamais trop réussi, ça ne me souriait pas. Alors gagner une étape, je suis heureux, c’est déjà course gagnée, le reste c'est du bonus. C'était un petit objectif de carrière, j'avais dit que je voulais gagner le Tro Bro Leon et au Tour de Bretagne avec quelques autres courses. Maintenant je peux être tranquille par rapport au Tour de Bretagne.
As-tu changé quelque chose cette année dans ton approche de l’épreuve ?
Je sortais souvent déçu du Tour de Bretagne, cette fois j'ai dit que la Terre continuerait de tourner même si je finis à 10 minutes, ce n'est pas grave. Je crois que c'est la meilleure façon de prendre le Tour de Bretagne et les courses, c'est comme ça que ça sourit. Ça doit être mon quatrième ou cinquième Tour de Bretagne, à chaque fois je voulais jouer le général, ça ne m'a jamais trop souri. Donc cette année j'ai dit à l'équipe que je venais là en plaisir, et prendre les choses comme ça vient, je ne voulais pas m'embêter avec le général. Je vais continuer à le faire, et puis demain si ça réussit, ça réussit, si ça arrive au sprint, ça arrive au sprint, et si je me fais avoir, je me fais avoir. Maintenant je ne me prends plus la tête. Pour nous, une N1, c'est course gagnée.
« JE NE VAIS PAS ME TIRER UNE BALLE DANS LE PIED »
Même si tu prônes le plaisir depuis ton retour chez les amateurs, voir que tu es capable de gagner sur des Classe 2 ne te donne pas des idées ?
Ça motive à gagner encore des courses, mais ma carrière est derrière moi. Avec des journées comme ça on se donne dix ans ! Et les journées où ça ne va pas, quelques jours seulement ! (Rires) Mais je n'y pense pas, j'ai envie de continuer à prendre du plaisir. C'est l'avantage quand on est amateur, on a un travail à côté, on n'a pas que ça, on se sent plus libre. C'est sympa de faire du vélo comme ça. On a une bonne équipe, tout le monde marche bien, si je peux faire gagner les autres je le ferai, et si je peux faire des échappées aussi. On va se donner un coup de pouce.
Comment imagines-tu la défense du maillot ?
Une seconde, ce n'est rien. Mathis (Le Berre) n'est pas n'importe qui, on se connait bien, on se tire souvent la bourre. Je suis content de prendre le maillot mais ce n'est pas un super cadeau sur une course d'une semaine (sourire). On va quand même essayer de le garder. Mais je ne peux pas contrôler 100 mecs avec un aussi gros plateau. Si je peux le garder c'est super, mais il reste cinq étapes, je ne vais pas me tirer une balle dans le pied, ni à moi, ni à mes copains. Je vais discuter avec eux sur ce qu'on peut faire et on verra ça demain.
L’arrivée finale est d’ailleurs jugée à Lannion…
Lannion c'est la maison (sourire), mais je ne veux pas me mettre la pression là-bas, même si je suis chez moi. Je serai peut-être déçu ce jour-là, mais j'ai gagné mon étape, j'ai eu le maillot. Peu importe que ça dure un, deux jours ou tout le long, j'aurai un maillot à mettre à la maison dans ma penderie. Le reste, c'est du bonus.