Après 13 ans chez EFC-L&R-Van Mossel, Wim Feys a décidé dé touner la page. Le directeur sportif de 51 ans fait le bilan de cette période avec DirectVelo.

DirectVelo : Quel bilan tires-tu de ces 13 saisons passées chez EFC-L&R-Van Mossel ?
Wim Feys : J'ai pris beaucoup de plaisir. J'ai adoré la collaboration et l'amitié qui s'est liée avec le staff. Depuis mes débuts à Beveren 2000 en 2001, j'ai passé 23 ans chez les Espoirs. J'ai toujours gardé ma ligne de conduite. Je suis content de voir qu'un bon nombre de coureurs ont réussi à faire le bond chez les pros à travers toutes ces années. EFC a toujours été respecté en Belgique et surtout en France.

Comment évalues-tu l'évolution de l'équipe au fil des saisons ?
En tant qu'équipe satellite de la WorldTeam Quick-Step, le début était fantastique. Nous avions les mêmes maillots et le même matériel. Ce sont vraiment les années à succès avec des coureurs comme Yves Lampaert ou Florian Sénéchal. A l'époque, nous étions vraiment à la lutte avec Lotto pour être le meilleur club de Belgique. Ensuite, Patrick Lefevere s'est associé avec Etixx et a entamé une nouvelle structure avec Bakala. Du coup, pour nous, c'est devenu de plus en plus compliqué. Il y a eu le partenariat avec Trek-Segafredo. Ils nous ont donné du bon matériel. Plusieurs coureurs ont pu partir en stage. Luc Meersman, le père de Gianni et directeur sportif chez Trek, nous a beaucoup aidés à l'époque. Mais ce n'était plus la même chose. Chaque année, nous avons pu amener des coureurs à un niveau plus élevé, même si c'était de moins en moins évident.

« ÊTRE DEVANT WARREN BARGUIL, C'EST QUELQUE CHOSE »

Cette année, l'équipe marche bien et a remporté le classement interéquipes des U23 Road Series.
Nous avons changé notre approche au niveau du recrutement. Auparavant, nous scrutions les meilleurs Juniors et il y a quelques années, ils venaient encore chez nous. Ce n'est plus le cas. Il faut maintenant puiser parmi les coureurs se classant entre la 10e et la 20e place. Ce qui nous a donné parfois un effectif très jeune, avec environ la moitié d'Espoirs 1 ayant besoin de temps pour exprimer leur potentiel. Les résultats n'étaient pas au rendez-vous. Cette saison, nous avons davantage ciblé sur des Espoirs 3 ou 4 ayant l'ambition de devenir pro. Ben Squire, Victor Vercouillie, Floris Van Tricht ou encore Michiel Nuytten, ils ont montré tour à tour qu'ils avaient un bon niveau. Remporter le classement final des U23 Road Series est une belle récompense.

Quels sont les moments les plus heureux que tu as connu en 13 ans ?
Il y en a eu beaucoup, mais j'en citerai trois. Il y a d'abord le titre de Champion de Belgique de contre-la-montre d'Yves Lampaert en 2012 alors que le gars n'était quasiment jamais monté sur un vélo de chrono. L'année suivante, Jens Wallays devient Champion de Belgique Espoirs à Lommel, sur un tourniquet comme à Glasgow. Personne ne s'attendait à ce qu'il puisse battre des Maerten Craeghs et des Frederik Frison. C'était une belle surprise. La victoire de Louis Verhelst à la première étape de l'Essor Breton en 2012 est mémorable. Il a réussi à battre les trois coureurs du CC Etupes qui étaient avec lui. Etre devant Warren Barguil, c'est quelque chose. La victoire de Mauri Vansevenant au Tour du Val d'Aoste 2020 est également très spéciale. En tant que coureur, je détestais la montagne. Une grande perche comme moi de 80 kilos, c'était l'horreur, mais comme directeur sportif, j'ai toujours adoré aller dans les Vosges ou dans les Pyrénées. Grimper le Tourmalet en voiture, il y a pire comme paysage.

A contrario, quels sont les moments les plus pénibles que tu as traversés ?
Sans aucun doute le décès inopiné de Bjarne Vanacker. J'en ai encore la chair de poule. J'étais au travail. C'était lundi et puis, je reçois un message de Benny Engels, directeur sportif à l'époque, qui me communique la nouvelle. Ton monde s'arrête pour un instant. Je ne souhaite à personne de vivre ça. Lors de la fusion avec Deerlijk-Gaverzicht, la transition n'a pas été facile. Voir Benny Engels, Kenny Desaever et d'autres membres du staff partir après toutes ces années m'a fait mal à cœur. Ne plus travailler avec Michel Pollentier, la personne la plus correcte que je connaisse, c'est un crève-cœur. D'ailleurs, j'ai vraiment hésité à m'embarquer dans cette aventure.

« LA CATÉGORIE ESPOIRS SE PERD »

Depuis 2020, EFC-L&R-Van Mossel fait partie de la structure The Lead Out Academy, née de la fusion avec Deerlijk-Gaverzicht. C'était la bonne idée pour survivre ?
Avec l'émergence des Continentales de développement, le projet était et est intéressant. On a ainsi une structure qui va des Aspirants aux Espoirs. Au début, il a fallu que j'apprenne à connaître mes nouveaux collègues et réciproquement. J'ai vraiment commencé à y croire la saison dernière. Malheureusement, à mes yeux, la direction a pris la mauvaise décision dans la désignation de son nouveau président (Frank Glorieux qui n'est resté que dix mois, NDLR). En avril, après une longue réfléxion, j'ai décidé que l'année 2023 serait ma dernière. De plus, ça fait 23 ans que je suis dans cette catégorie Espoirs. Il est temps pour moi de changer d'air. J'espère trouver une équipe chez les pros ou en Continental. C'est un tout autre style que chez les Espoirs. Chez les pros, tu peux donner des consignes précises et chacun exécute le plan. En Espoirs où les coureurs espèrent passer pro, il faut adopter un autre style.

Tu es resté 23 ans chez les Espoirs. Comment juges l'état actuel de la catégorie ?
La catégorie se perd. Par exemple, au Flanders Tomorrow Tour, tu te retrouves avec des Conti de développement. Certains sont pros, comme chez Israel. Tu peux très bien disputer le Flanders Tomorrow Tour et participer à une ProSeries la semaine suivante. L'an dernier, le Champion du Monde Espoirs Fedorov sortait de la Vuelta. Cette année, le Champion du Monde Espoirs du chrono Lorenzo Milesi enchaine avec le Tour d'Espagne. De plus, il y a des Juniors qui zappent la catégorie. Les meilleurs Espoirs passeront toujours pros, mais j'espère que des structures comme EFC-L&R-Van Mossel, Basso Team Flanders ou Urbano-Vulsteke continueront leur mission pour les coureurs qui ont besoin de plus de temps.