Paul Lapeira : « Je ne suis pas près d’oublier cette journée »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Comme dans un rêve, avec le sentiment après coup que c’était presque écrit. Cela faisait pourtant pas moins de 17 ans que Vincent Lavenu et ses hommes n’avaient plus décroché le titre national sur route, depuis le sacre de Christophe Moreau en 2007. Mais Decathlon AG2R La Mondiale marche sur l’eau en cette année 2024 et après le titre de Bruno Armirail lors du chrono, jeudi, la structure savoyarde s’était promis de réaliser le doublé lors du Championnat de France sur route, ce dimanche à Saint-Martin-de-Landelles (Manche). Avec un collectif soudé et dévoué pour ses trois leaders, Benoît Cosnefroy, Dorian Godon et Paul Lapeira, qui évoluait à dix kilomètres de Parigny, son village d’origine, le groupe a réalisé la course parfaite. Et au terme d’un Championnat parfaitement maîtrisé, c’est finalement l’enfant du pays qui l’a emporté avec sang-froid, du haut de ses 24 ans, en réglant ses deux derniers compagnons d’échappée (voir classement).

Une journée folle, où son fan club a fait du bruit tout au long de la course. Et même bien après. Dans la salle qui accueillait les conférences de presse, chaque ouverture de porte était un prétexte pour ses supporters de donner de la voix. En entendant les “allez Paul” alors que le médaillé d’argent, Julien Bernard, répondait aux questions, Paul Lapeira ne pouvait s’empêcher de sourire. “Ils sont fous”, lâche-t-il. Paul Lapeira les a retrouvés quelques minutes plus tard, pour quelques autographes et photos. Sur le chemin menant au contrôle antidopage, il a pu apercevoir inscrit sur la route un immense “PAUL, CHAMPION DE FRANCE”, rapidement peint pour l'occasion, en attendant que leur Champion en finisse avec la presse.

DirectVelo : Te voilà Champion de France !
Paul Lapeira : En 2021, j’avais fini 3e du Championnat de France Amateur. J’étais très déçu pour le CCF à l’époque. On avait fait une très belle course et on méritait le maillot. Au sprint, je n’avais pas eu les jambes ce jour-là. Aujourd’hui, je suis extrêmement fier de porter ce maillot et d’avoir fait le final contre les deux coureurs qui sont à côté de moi. Ce sont deux gars que j’ai appris à connaître cette année, pour qui j’ai beaucoup de respect. On voit Thomas (Gachignard) à l’avant sur toutes les courses dès que j’allume la TV. Il fait une grande saison. Quant à Julien (Bernard), il a un rôle qui est d’aider ses leaders, il le fait de manière exemplaire. Pour autant, il ne perd pas sa science de la course car ça fait deux fois qu’il joue la médaille sur un Championnat. Je pense que ce sera pareil la saison prochaine. Je suis aussi fier de la manière dont l’équipe a couru. On avait un plan hier soir qui a été respecté à la lettre. Chacun des gars a fait son boulot et a une part du maillot, ce soir sur les épaules. Je ne pense pas réaliser que je vais avoir ce maillot sur le dos pendant un an. 

« JE VOULAIS FAIRE LA COURSE À L'OPPOSÉ DES GRANDS NOMS »

Au bout de combien de temps vas-tu réaliser ?
Je vais commencer à m’en rendre compte quand je vais l’avoir dans la semaine avec écrit Decathlon AG2R La Mondiale dessus. On a déjà eu un exemplaire du maillot de Champion de France avec Noa Isidore en Espoir. C’est assez fou.

Le tout à la maison, comme dans un rêve !
Quand j’ai su que le Championnat de France était ici, j’étais super heureux. Cet hiver, je me disais que j’en profiterais. En étant à la maison, il allait y avoir beaucoup de monde, mais je me disais que mon niveau physique ne me permettrait pas de jouer un résultat. Finalement, il s’est passé beaucoup de choses entre le mois de janvier et aujourd’hui. J’ai gagné trois courses et j’ai accompli une bonne semaine d'Ardennaises. Les ambitions ont évolué. Je suis arrivé sur ce Championnat avec l’envie de gagner. Tout à l’heure, on m’a demandé si celui qui avait gagné était celui qui voulait le plus le maillot et c’était peut-être le cas aujourd’hui.

Benoît Cosnefroy a dit à l’arrivée à Julian Alaphilippe que c’était pour toi…
On était trois leaders avec Dorian (Godon) et Benoît. Il n’y avait pas de carte numéro 1. On avait dit qu’on jouerait celle de celui qui était devant. Dans ma tête, je voulais faire la course à l’opposé des grands noms. Je savais que je n’étais pas sûr de gagner au sprint contre un Julian Alaphilippe ou un Christophe Laporte. Je savais que derrière, j’allais avoir l’équipe pour casser le rythme et temporiser. La journée a été parfaite. 

« ÇA NE M’A PAS FAIT STRESSER »

Était-ce évident de garder ton sang froid dans le dernier tour avec tous ces supporters ?
J’ai attaqué à un tour de l’arrivée car je sentais que le groupe était derrière à 15 secondes. Honnêtement, je n’avais pas prévu d’attaquer à ce moment-là. Je voulais relancer le groupe et m’isoler avec les meilleurs coureurs. On s’est retrouvé à trois, chacun avait une place sur le podium, c’était le scénario parfait. On a su s’entendre jusqu’à un kilomètre de la ligne, c’était top. Je n’ai pas stressé de toute la course ni même les jours précédents. J’avais travaillé en amont avec mon préparateur mental. J’étais concentré sur ce que j’avais à faire. J’avais le plan dans ma tête. Il s’est déroulé mieux que je l’aurais espéré. 

Comment as-tu vécu les derniers jours ?
Je n’ai pas eu à évacuer de pression parce que je ne l’ai même pas ressentie. Je suis arrivé chez mes parents jeudi après-midi, on a passé la soirée en famille. Le lendemain pareil, j’étais à la maison de manière tout à fait normale. À la présentation vendredi soir, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de monde, mais ça ne m’a pas fait stresser, j’étais dans mon truc. 

As-tu réussi à profiter du moment pendant la course ?
Oui, bien sûr. Mon fan club avait préparé beaucoup de choses. Ils ont fait une fan zone, avec une bâche de 20 mètres sur 10 avec mon nom pour l’hélico. Je leur ai dit qu’ils étaient fous. Ce n’est pas quelque chose dont j’ai l’habitude, comme entendre mon nom toute la journée, je n’ai pas non plus une grande notoriété… On entendait autant de « Allez Paul » que de « Allez Julian ». Ça m’a poussé, je n’ai pas senti les jambes de la journée. Je ne suis pas près d’oublier cette journée.

« JE VAIS VIVRE DE NOUVELLES CHOSES »

L’équipe est dans une super dynamique depuis le début de la saison…
Le mot dynamique est ce qui définit le mieux ce qui nous arrive. Je me suis vraiment rendu compte de ce qu’une dynamique collective influe sur l’individu. Chaque coureur de l’équipe et membre du staff veut tirer le truc vers le haut. Jusqu’au mois de mars-avril, on prenait le classement des équipes en photo et on se disait que c’était fou. Il se trouve qu’on est encore 3e. C’est juste notre place cette année. Dans cette équipe, il y a des leaders mais en dehors du vélo, on est juste un groupe. On est beaucoup à être issus du centre de formation, on se connaît très bien. C’est une bande de copains qui rigole à table, il n’y a pas de ressenti que quelqu'un est au-dessus d’un autre. C’est juste un groupe qui vit et qui en plus gagne des courses, c’est assez cool. 

Ton statut va changer, une nouvelle fois…
Je ne pense pas me rendre compte de ça. Tout ce qui m’arrive depuis mars est de l’ordre du bonus. Mon objectif de l’année était de gagner une course. J’ai été capable de le faire en Coupe de France (à la Classic Loire-Atlantique et le lendemain à Cholet, NDLR). C’est allé très vite pour moi. Je vais vivre de nouvelles choses, mais on fait tous du vélo pour ça. Je vais savourer ce qu’il m’arrive. Porter les couleurs de mon pays pendant un an, c’est juste un rêve.

En six mois, tu es passé de l’objectif de gagner en Coupe de France au titre national ! 
Il y a deux semaines, je disais que si je devenais Champion de France à Saint-Martin-de-Landelles, je pouvais mourir en paix (sourire). Le plus tard sera le mieux. J’ai vécu le plus beau moment de ma carrière. 

Pour le dernier Championnat de France de Daniel Mangeas, qui t’a pris dans ses bras juste avant que tu ne montes sur le podium…
C’est une figure de la région et même du pays. Je me rappelle quand j’étais en Cadets, je l’avais rencontré lors d’un événement et il connaissait mon palmarès. Je me suis dit que c’était incroyable, il savait que j’avais fini 14e à telle course… Quand on arrive sur une course et qu’on entend sa voix, on sait que c’est lui. C’est un grand monsieur du vélo, je suis honoré que sa carrière en Championnat de France se termine comme ça. Je pense qu’il n’est pas près d’arrêter et qu’on l’entendra encore quelques années. Avec le titre à la maison, c’est génial ! 

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