Thomas Voeckler : « Conforme à l'état d'esprit que je voulais »
Sous les ordres de Thomas Voeckler, l'équipe de France a connu des meilleurs Championnats que le Mondial de Zurich, achevé ce dimanche avec une place dans le Top 10 pour Romain Bardet (voir classement). Mais avec l'abandon de Julian Alaphilippe sur chute, pièce maitresse des Bleus, les tricolores ont su s'adapter et participer à la course dominée par Tadej Pogacar, parti dans un raid solitaire. Pavel Sivakov a d'ailleurs été le dernier à voir le maillot vert du nouveau Champion du Monde. Au micro de DirectVelo, Thomas Voeckler s'est malgré tout montré positif compte tenu de la réaction et l'état d'esprit dont ses protégés ont fait preuve.
DirectVelo : Quel sentiment prédomine à l’arrivée de ce Championnat du monde ?
Thomas Voeckler : Tout d’abord, le coup dur de Julian (Alaphilippe). Ça fait partie du vélo mais ce n’était pas prévu qu’on le perde si tôt dans la course, d’un point de vue sportif pour le leadership qu’il peut représenter mais aussi d’un point de vue humain, ce qu’il est dans le groupe. Il fallait digérer d'avoir perdu la carte maîtresse de l’équipe, pour moi mais aussi pour les sept autres coureurs. Il n’y a pas de déception. L’idée était d’avoir un de nos coureurs dans un coup avant que les plus forts ne passent à l’offensive. C’est ce qu’il s’est passé et on n’a pas réussi. On a eu des garçons admirables pour le collectif, peut-être que je ne suis pas très objectif car je vois ça de mon côté. Je suis fier de mes coureurs avec une pensée pour Julian qui est de retour à l’hôtel. Je l’ai eu au téléphone quand il était en direction de l’hôpital. J’étais tout près de lui quand c’est arrivé, c’était difficile d’arriver quinze secondes après et de voir son épaule déboîtée. Ça change la course, c'est sûr, mais elle continue. Il faut relativiser.
L'équipe a su se remobiliser quand même...
L’équipe de France a fait une belle course, c’était conforme à l’état d’esprit que je voulais. Romain (Bardet) termine 10e, j’ai envie de dire que c’est anecdotique mais pas tant que ça vu la difficulté de la course avec le début des hostilités entre costauds à 100 kilomètres de l’arrivée. Et nous étions dans les coups forts. Je suis fier d’eux et j’espère que les Français et Françaises le sont aussi. Il faut voir les visages des coureurs à l’arrivée, la course a été menée à un rythme de folie. Il y a un bilan à chaud à faire, il sera également fait à froid. Les huit garçons présents aujourd’hui méritaient de porter le maillot, et doivent être fiers d’eux.
« JE ME SUIS DIT POURQUOI PAS »
Qu'est-ce que tu t'es dit quand tu as vu Pavel Sivakov dans la roue de Tadej Pogacar ?
Si il y en avait un à choisir, vu son endurance et son équipe de marque tout au long de l’année, c’était peut-être pas mal que ce soit lui. Est-ce qu’on avait cette idée derrière la tête ? Peut-être aussi. Il a collaboré à l’avant car je lui ai dit “aide Tadej”. Car même s’ils sont dans la même équipe, il faut quand même donner un coup de main. Un coureur qui ne passe pas avec un autre deux fois plus forts n’avantageait personne. Pavel aurait peut-être craqué un tour après ou au même moment, car Tadej l’avait déjà attendu un peu plus tôt. Il n’y a pas de regrets, ça aurait pu mais on fait avec nos armes.
As-tu cru à une médaille d'argent, pour Pavel Sivakov notamment ?
Quand j’ai vu le Slovène partir, je me suis dit que s'il y en avait un qui pouvait faire cadeau d’un peu d’aide à Tadej, c’était bien lui. Ce serait prétentieux de dire que Tadej ne voulait pas lâcher Pavel pour éviter que la France roule, car je pense qu’il ne s’en occupe pas, mais j’y ai cru. Quand il part à 100 kilomètres de l’arrivée, qu’il revient en reprenant 2’ et qu’il part tout seul avec Pavel, je me suis dit pourquoi pas. Quand il est lâché, on passe à autre chose mais c’était une journée intense en prises de décision. Il y a des moments où vous avez beau avoir du personnel sur les côtés, on ne peut que les encourager. Je sais ce qu’ils vivent dans ces moments-là. Il y a eu cette malchance de Julian, et des coureurs plus forts.
« LES JAMBES DE FEU » DE JULIAN ALAPHILIPPE
Mais la course n'était pas terminée derrière...
Le reste de l’équipe savait que Pavel était avec Tadej, mais il avait le réservoir vide et derrière chacun a fait son travail. C’est clair que je ne peux pas minimiser la perte de Julian dès le début de la course. Quand j’ai aidé les médecins à le mettre sur le brancard, il m’a dit “j’avais les jambes de feu”, j’étais dégouté. Ça fait partie du vélo mais il faut savoir relativiser quand on voit les évènements dramatiques des derniers jours. Bien sûr qu’il a l’épaule touchée mais ça reste du sport, il faut savoir relativiser certains coups durs.
Quel était le plan initial avec Julian ?
Il était réservé pour les deux derniers tours, en ayant du monde devant pour neutraliser les offensives des meilleurs. Mais c'était plus sur des coups de punch, que sur des efforts longs. Quand on regarde la course, ça revient à ce que je disais pendant la conférence de presse, il faut savoir s’adapter. On se serait adapté si Julian avait été là car ça s'est déclenché tôt, à 100 bornes de l’arrivée, avec un mec seul (rires).
Romain Bardet est lui toujours au rendez-vous des Championnats !
Il n’était pas là pour une dernière danse, pas pour une dernière sélection. Il a été admirable, chapeau. Quand on sait qu’il arrête sa carrière l’an prochain après le Critérium du Dauphiné, qu’il termine premier Français même si on s’en fiche complètement... Au vu du niveau qu’il est capable d’avoir, d’arriver à porter haut les couleurs de l’équipe de France, c’est un régal.