Romain Bardet : « Se positionner dans la durée »

Romain Bardet en sait maintenant un petit peu plus quant à ses espérances pour les années à venir. Plein d'envie et de fougue au moment d'aborder sa première saison professionnelle, le sociétaire de la formation AG2R-La Mondiale a profité à fond de chaque instant passé sur le vélo, en compétition, en cette saison 2012. Le néo-pro, qui fête ses 22 ans aujourd'hui-même, analyse sa première saison dans l'Elite du cyclisme mondial auprès de DirectVelo

« J’ai récemment fait l’analyse de mes statistiques 2012. C’est quelque chose que j’aime faire tous les ans. Cela me permet d’avoir un peu de recul, d’être plus objectif. Je peux voir là ou j’ai pêché cette saison. Et j’ai très vite vu que je n’avais pas assez de bons résultats. Quatre Top 10, c’est trop peu. Même si c’était ma première saison chez les pros. Je ne suis pas habitué à cela. D’un autre côté, ça me motive encore plus pour l’année prochaine car je sais où je dois clairement m’améliorer. Il me faut plus de résultats bruts, des belles places à l’arrivée même sur les World Tour. Et des victoires si possible. Faire parler de moi à travers des échappées c’est bien beau, mais ce n’est pas une fin en soi. Cette saison 2012, ce n’était qu’un premier pas, un premier repérage. Désormais, il faudra faire plus.

« Me comparer aux autres néo-pros »

Aujourd’hui, je tombe dans une période où le niveau des jeunes est très élevé. Il y a tellement de bons coureurs qui arrivent sur le devant de la scène que je ne peux pas me contenter de résultats tels que ceux enregistrés en 2012. Néo-pro ou non, ce n’est pas la question. J’aime comparer mes performances à celles des autres coureurs de mon âge. Un mec comme Moreno Moser (Liquigas-Cannondale) a été très bon dès sa première saison. Ce qui m’a le plus marqué, c’est le Tour de Pologne qu’il a remporté. J’étais pas mal aussi avec ma 12e place au général, mais il était quand même au-dessus. Idem sur le Grand Prix de Montréal, j’étais en deuxième rideau, assez bien placé mais lui va faire 2e de cette classique. Ce n’est pas normal. J’étais à son niveau chez les jeunes, je me dois de l’être également chez les pros. Cela dit je ne m’inquiète pas outre mesure, chacun franchit des paliers à son rythme. Certains sont plus précoces que d’autres, il faut savoir se positionner sur la durée. Et puis le fait de voir des gars comme Moreno Moser marcher aussi fort, ça me stimule et me donne de l’espoir pour l’avenir. Cela fait quand même du bien au cyclisme de voir cette jeune génération débarquer. Des mecs comme Moreno Moser donc, mais aussi Peter Sagan, Thibaut Pinot, Arnaud Démare ou encore Nacer Bouhanni, pour ne citer qu’eux. C’est vrai qu’un renouveau du cyclisme est annoncé depuis déjà pas mal de temps, mais honnêtement force est de constater qu’il y a des signes qui ne trompent pas. Les courses World Tour sont difficiles, évidemment, mais il y a quand même de la place pour faire des résultats même en tant que néo-pro. On est loin des années 2000 où il était impossible de jouer la gagne pour certains coureurs. Les choses changent. Il y a moins de complexes désormais. J’ai conscience de passer professionnel au meilleur moment. C’est une réelle chance. 

« Le Tour de l'Ain en référence »

J’ai souvent montré le maillot sur les Classiques cette année, mais je compte aborder ces courses d’un jour différemment l’an prochain. Je voudrais avoir l’occasion de jouer un Top 10 sur une Classique, et pour cela il faut se battre aux côtés des favoris, et ne pas partir dans de longues échappées vouées à l’échec. Et puis même si c’est bête à dire, ce sont ces fameuses places dans les 10 qui rapportent des points World Tour à l’équipe. C’est ce après quoi l’on doit courir, et c’est le système qui veut ça. Avec l’expérience accumulée cette saison sur les différentes Classiques, je vais pouvoir aborder ces courses d’une manière différente l’an prochain, avec un peu moins d’appréhension, d’incertitude. J’ai également beaucoup appris sur les courses par étapes. J’aime enchaîner les jours de course. Je suis relativement à l’aise sur les courses d’une semaine. Le Tour de l’Ain aura été une course de référence pour moi cette saison. C’était la troisième fois que j’avais la chance d’y participer. J’étais protégé dans l’équipe et j’avais vraiment carte blanche pour faire ma course. En termes de sensation, j’ai été très satisfait car j’ai senti que j’avais bien plus de force et de puissance que sur le Tour de l’Ain 2011. J’avais déjà pas mal marché l’an dernier mais là j’ai été beaucoup plus acteur, dynamiteur. Mentalement, c’est une course qui m’a fait du bien, m’a rassurée. J’ai pu réaliser qu’un palier avait été franchi. En revanche, de manière bien plus générale, il va vraiment falloir que je travaille le contre-la-montre si je veux espérer jouer le classement général sur ce type d’épreuves.

« Faire le Tour d'Espagne si tout se passe bien »

Je ne compte pas privilégier les Classiques ou les courses par étapes à l’avenir. J’aime faire des saisons pleines et je pense que les deux types d’épreuves sont compatibles. En 2013, je pense me focaliser sur les courses par étapes en début de saison. Paris-Nice, le Tour de Catalogne ou le Tour du Pays basque pourraient être des épreuves importantes de mon calendrier. Puis je compte enchaîner avec les classiques ardennaises. Après une coupure, je pourrais bien reprendre sur le Critérium du Dauphiné par exemple puis participer au Tour d’Espagne si tout se passe bien. Je suis impatient de voir ce que je peux faire sur une course de trois semaines. Au final, ça fait une saison très riche avec beaucoup de courses World Tour. Cet enchaînement ne me fait pas peur. Au contraire je suis impatient d’en découdre. Et puis à y regarder de plus près, j’ai déjà eu un sacré calendrier cette saison. J’ai disputé pas mal de courses par étapes World Tour, beaucoup de classiques, sans compter les sorties d’entraînement de 6h ou 6h30 la semaine précédent les Classiques. Ça fait un beau programme. Avec un peu de recul, mon problème physique du mois de mai, suite au Tour de Californie, aura surement été un mal pour un bien. Cela m’a permis de faire deux demi-saisons en quelques sortes car j’ai été contraint de couper quelques temps.

« Etre opportuniste »

J’ai quand même pu conserver une bonne condition physique en faisant notamment pas mal de natation, et cela s’est vu dès mon retour sur le Tour de Pologne où j’ai assez bien marché. Finalement je n’ai jamais eu de coup de moins bien sur l’ensemble du calendrier, c’est un signe très positif. Je vais donc privilégier les épreuves World Tour en 2013 ; j’espère briller sur les plus grandes courses. Cependant ça ne me fera pas de mal de retourner quelques fois sur des Classe 1 ou les victoires sont, disons le, plus abordables. Il va falloir être opportuniste. Il n’y aura sans doute pas énormément d’occasions de jouer la gagne, comme cette année d’ailleurs. Alors quand l’occasion se présentera, il faudra être capable de mettre au fond. »

Crédit Photo : Etienne Garnier - www.velofotopro.com
 

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