Mondial : Macédoine d'avocat au car-wash

"Plusieurs des premiers seront les derniers, et plusieurs des derniers seront les premiers." L'adage biblique est souvent confirmé lors d'un contre-la-montre. Dumoulin, Wiggins et Martin, les trois derniers à s'élancer au Championnat du Monde sont aussi les trois premiers du classement. Il en va de même pour Gorgi Popstefanov -notre photo- et Veli Sadiki. Parti premier, Popstefanov est le dernier classé, 63e à 14'33'' de Sir Bradley Wiggins. Sadiki a lui fait 56 secondes de mieux, mais est tout de même 62e et avant-dernier. Leur point commun : ils sont tous les deux Macédoniens, mais ... ils vivent tous les deux à l'étranger. "La situation économique en Macédoine n'est pas facile, donc ma famille est partie vivre il y a assez longtemps aux Etats-Unis pour le travail", raconte Popstefanov à DirectVelo.com. "J'habite dans le New Jersey, à Garfield. Tu vois, comme le chat !"

MACEDONIEN DE COEUR

Le son de cloche est le même du côté de Sadiki. "Je suis arrivé en 2005 en Suisse pour travailler", révèle le Macédonien. "J'ai repris le vélo en 2010, quand j'ai lancé ma société de lavage de voitures avec mon frère." Repris, car a commencé le vélo en 1997 en Macédoine, à 13 ans. "Mais la situation au pays est assez compliquée, car c'est un sport qui coûte cher", ajoute l'entrepreneur.

"J'ai fini mes études d'avocat il y a un an et depuis, j'ai eu le temps pour faire beaucoup de vélo", relate de son côté Gorgi Popstefanov. "L'an prochain, soit je devrai travailler plus, soit je continuerai à rouler à vélo si je trouve un nouveau sponsor." Son sponsor actuel : son équipe, Metra/Cycles54 qui lui fournit vélo et matériel, et son père, pour qui il travaille à l'occasion. "Je vis depuis longtemps aux USA, mais la Macédoine reste dans mon coeur. Je représente mon pays mais aussi mes amis, ma famille, mes sponsors, ... Il y a tellement de personnes qui me soutiennent et sont fiers de moi", complète le coureur de 27 ans.

POUR LE MEILLEUR ET POUR LE PIRE

C'est sur le parking, loin des caméras et des bus des équipes professionnelles qu'on retrouve les deux Macédoniens, qui s'apprêtent pour leur contre-la-montre. Popstepanov aura la dure mission d'ouvrir la route, du moins pour quelques minutes. "Mon objectif est de pouvoir m'asseoir dans les sièges réservés aux trois premiers à l'arrivée", ambitionnait-il au départ. Objectif raté, même s'il y a longtemps cru. "On m'a dit qu'il y avait cinq sièges et pas trois", sourit le Macédonien.

"Je sentais le coureur qui s'était élancé quatrième revenir, donc j'ai tout donné pour résister jusqu'à l'arrivée. J'ai même roulé à fond après l'arrivée pour pouvoir m'installer sur le cinquième siège, juste quelques instants, mais on ne m'a pas laissé y aller car un autre coureur, plus rapide que moi, allait arriver. Je dois bien avouer que je suis déçu", désespérait-il quelques minutes après la fin de son contre-la-montre. "Je suis un peu déçu, mais je n'aurais rien pu faire de plus", modérait le citoyen de Garfield. "J'ai fait de mon mieux. Ca reste la meilleure, mais aussi ma pire expérience car mes jambes me tuent. Mais je voudrais encore y participer à nouveau l'an prochain, car c'est aux USA."

FEDERATION SANS MOYENS

Située entre Grèce, Albanie, Serbie et Bulgarie, la Macédoine et ses deux millions d'habitants restent très pauvres et ont peu le temps de se consacrer aux loisirs. "Il y a des gens qui font du sport, mais pas énormément", détaille Sadiki qui se rend encore régulièrement dans son pays natal. "A titre d'exemple, nous étions dix-huit au Championnat national contre-la-montre. Ce n'est pas mal pour notre petit pays." Et Stepanov d'acquiescer : "Il y a de très bons amateurs, mais ce serait mieux s'ils ne devaient pas se soucier tu travail, de l'argent,... de tout ! Ils devraient pouvoir penser à s'entraîner et faire des courses, pas se demander de quoi sera fait leur lendemain. Il faudrait trouver un sponsor pour faire une équipe continentale."

Pas pour rien donc que les Macédoniens présents ici vivent à l'étranger. "La fédération macédonienne n'a pas les moyens de payer le voyage. Seuls les coureurs qui vivent à l'étranger ont les moyens financiers de venir", relate Popstepanov. "J'ai payé tout mon voyage", expose de son côté le coureur de la Pédale des Eaux-Vives Genève. Bien que présents pour le chrono, ce seront trois autres coureurs qui disputeront la course en ligne. "Je ne dispute pas l'épreuve sur route, car je n'ai pas de points UCI, et c'est nécessaire. Je n'ai fait que deux courses UCI, donc ce n'est pas facile de prendre des points", termine l'Américain d'adoption.

Crédit photo : Maxime Segers - www.directvelo.com
 

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