Steven Henry : « Le but c'est Tokyo 2020 »

Depuis le mois de septembre 2014, Steven Henry est l'entraîneur national des disciplines d'endurance sur piste. Il succède à Hervé Dagorne. Il arrive du comité de Normandie où il était CTR depuis 2006. Sous sa baguette, les "Léopards" normands ont conquis huit titres sur piste chez les Juniors. Ils ont aussi conquis deux titres de Champion de France de poursuite par équipes chez les Elites.
Steven Henry répond aux questions de DirectVelo sur sa vision de l'Equipe de France de poursuite par équipes et ses relations avec les équipes professionnelles.

DirecVelo : Êtes-vous le sauveur de la poursuite par équipes en France ?
Steven Henry : Non ! Je ne me permettrais pas de vouloir passer pour un sauveur. Je veux remobiliser les coureurs et renouer les contacts avec les équipes pros. Nous avons toujours des talents chez les Juniors mais il y a une difficulté pour pérenniser leur activité sur piste quand ils passent chez les pros. Je veux faire revenir des coureurs comme Damien Gaudin sur la  piste.

DES VELOS DE ROUTE A CALI

Quelles sont vos relations avec les groupes sportifs ?
Elles sont très bonnes avec les équipes à fort potentiel comme AG2R et Europcar. Ils libèrent les coureurs à partir du moment où c'est planifié et organisé.  A la Coupe du Monde de Cali [en janvier dernier NDLR], pour la première fois nous avons apporté les vélos de route. Les routiers pros qui étaient avec nous ont ainsi pu réaliser deux grosses sorties sur route.
La route et la piste sont complémentaires. Il ne faut pas opposer les deux.

D'où est venue l'envie de faire revenir Damien Gaudin sur piste, de lui ou de vous ?
Je suis d'abord allé voir AG2R pour parler des coureurs qui pouvaient m'intéresser comme Damien Gaudin, Alexis Gougeard, Maxime Daniel ou Christophe Riblon. Ensuite nous nous sommes contactés mutuellement Damien et moi. Je lui ai demandé de s'investir pour marquer des points UCI. C'est pour cela qu'il est allé courir à Gand et au Portugal.

ÊTRE TRES VITE SUR UN TOUR

Quel type de coureurs recherchez-vous ?
A terme, l'idéal sera d'avoir des coureurs avec une vitesse de base très rapide sur le tour. Le temps sur le tour lancé devient une donnée très intéressante. Il faut être capable de faire 14"7 [sur 250 m NDLR] pour tourner en 4'05". Sur le kilomètre, il faut descendre sous les 1'05".
La poursuite par équipes est un enchaînement d'efforts lactiques. Julien Morice, sur un tour en 15", developpe 630 W. Quand il est dans les roue, ça redescend  à 300 W. Il faut être vite sur un tour et récupérer ensuite. Il faut être très complet. Nous avons des coureurs comme Benjamin Thomas qui ont ces qualités mais qui n'ont pas encore assez de technique.

Quelle est cette technique?
Pour être efficaces, les coureurs dans les roues doivent être à 50% de la puissance des relais. Actuellement nous sommes à 60-70%. Ces 10-20 % de différence sont importants à la longue après  2 km. C'est cela qu'il faut travailler.


Vous avez entraîné l'Equipe de France Espoirs 2e du Championnat d'Europe 2013 (lire ici). Pourquoi cette équipe n'a pas eu de suite l'hiver suivant ?
J'ai seulement fait une pige cette année-là et ensuite c'est Hervé Dagorne qui a repris la main. C'est dommage qu'il n'y ait pas eu de suivi. Réaliser deux fois 4'07" au Championnat d'Europe, cela aurait dû mobiliser mais on n'a pas renclenché derrière. Les coureurs ont été un peu démobilisés l'hiver suivant mais l'activité de cet hiver les a relancés. Mais on a perdu du temps alors que les qualifications pour les JO de Rio ont commencé aux Championnats d'Europe Elites 2014.

RENDRE DES COUREURS FRAIS AUX EQUIPES

Combien de coureurs souhaitez-vous réunir dans votre groupe ?
L'objectif est d'avoir huit à dix coureurs pour les Coupes du Monde. Cela permet d'avoir une émulation et, pour les routiers, de couper. Grâce à cette coupure on peut concilier la route et la piste. Il faut rendre les coureurs frais aux équipes qui les paient.

Il y a eu de bons résultats chez les Juniors, notamment avec Julien Morice et Julien Duval et les Espoirs, pourquoi ne les retrouvent-on pas chez les Elites ?
Il y a eu un manque de continuité dans le travail. Les Britanniques sont toute l'année sur la piste. Pour Duval et Morice, il n'y a pas eu de continuité. Ils sont restés cinq six mois sans faire de piste. A chaque début d'hiver il faut retravailler les départs, les relais. Pendant ce temps-là les Anglais travaille tout le temps et l'hiver ils passent directement au travail physique.
Le pôle France endurance de Bourges fait partie de cette stratégie pour rétablir la continuité du travail. Le but c'est Tokyo 2020.

LES AUSTRALIENS ONT UNE DENT DE MIEUX

Pourquoi n'y a-t-il pas eu une équipe de poursuite envoyée à chaque manche de Coupe du Monde ces dernières années ?
Les résultats ont baissé en 2008. Les liens avec les équipes pros se sont perdus. L'entraîneur et les groupes sportifs se sont éloignés. Ce n'était plus une priorité de la DTN à l'époque. Emmener une équipe de poursuite est un investissement.

Comment peut-on expliquer l'évolution des temps au niveau mondial sous les 4 minutes ?
Il y a eu une énorme évolution du braquet en 20 ans. Et du matériel également. Les entraînements sont plus qualitatifs, mieux ciblés grâce au capteur de puissance, c'est un tout.

Quels sont les braquets des Australiens par exemple ?
Ils doivent avoir 52x13 ou 53x13 ou 55x14. L'Equipe de France avait 52x14 au Championnat d'Europe Espoirs en 2013. Cette année on s'oriente vers le 53 ou 54x14. Nous tournons les jambes à la même vitesse que les Australiens mais ils ont une dent de mieux !

LES FEMMES PARTENT DE LOIN

Quel est votre objectif pour le Championnat du Monde ?
Il est chronométrique. 4'06"-4'05" ce serait bien.

Et l'équipe féminine ?
Depuis la création de la poursuite par équipes chez les dames, il n'y a pas eu d'activité. Il y a dû avoir deux ou trois équipes en six ans, c'est tout. On repart de zéro. Techniquement, nous partons de très loin ce qui entraîne des erreurs en compétition. Mais le niveau mondial est moins dense chez les dames. Par exemple une équipe peut terminer dans les quatre meilleures sur une manche de Coupe du Monde et retomber 12-13e la manche suivante.

Retrouvez notre dossier poursuite par équipes :
Poursuite par équipes : Beau et dur à la fois
Le record de France doit prendre de l'altitude
Damien  Pommereau : «La culture perdue de l'endurance»
Julien Duval : « Si le temps est bon c'est grâce aux quatre »

Crédit photo :  uec.ch
 

Mots-clés