La Grande Interview : Lucas De Rossi
La Côte Bleue : les forêts de pins, le chant des cigales, une mer bleue turquoise, des températures agréables en toute saison… Voilà le cadre de vie de Lucas De Rossi. Né à Marseille, l’ex-vététiste, aujourd’hui sociétaire du VC La Pomme-Marseille, a grandi à Carry-le-Rouet (Bouches-du-Rhône) dans un décor de carte postale. Fier de son identité provençale comme de ses racines italiennes, le coureur de 21 ans passera professionnel au 1er janvier prochain chez Delko-Marseille Provence-KTM. “C’est comme signer à l’OM pour un joueur de foot”, s’amuse-t-il. Très souvent souriant, grand déconneur, Lucas De Rossi sait aussi rester sérieux avant les grands événements. “Le plus important, c’est de trouver le bon compromis entre la déconne et la concentration. Il y a des moments pour tout”. Cousin éloigné de l’illustre footballeur italien Daniele De Rossi, Lucas est prêt à prendre le flambeau. Dans une autre discipline, avec un autre drapeau, mais la même volonté de faire parler de la famille De Rossi au plus haut-niveau.
DirectVelo : Tu es né à Marseille et ton cousin éloigné est un grand footballeur professionnel… Sur le papier, tu étais condamné à taper dans le ballon ?
Lucas De Rossi : Je n’ai commencé ni par le foot ni par le cyclisme, mais par l’athlétisme ! J'étais très jeune et on faisait un peu de tout : 100m, saut de haies, saut en longueur, javelot... Puis j'ai fait un an de foot au FC Côte Bleue, quand même ! Mais ça ne m'avait pas trop plu. J'ai aussi fait un peu de moto-cross (comme son père avant lui, NDLR). Je me suis mis au vélo en Benjamin (son père, son grand-père et son arrière grand-père faisaient également du vélo). J'ai aussi fait du triathlon en parallèle après les Cadets car je voulais faire un peu de natation. Je n'ai fait qu'un ou deux triathlons pour me faire plaisir mais je manquais d'entraînement en course à pied. Et sur la partie natation... (il éclate de rires, NDLR), j'étais un poulpe ! Donc j'ai vite laissé tomber.
« LES COLLÈGUES ONT DU MAL À COMPRENDRE »
La plupart de tes amis, à l’école, sont des fous de football et de l’OM : comment vivent-ils ton parcours cycliste aujourd’hui ?
Pour eux, c’était le foot et rien d’autre. J’ai même un pote qui était au centre de formation à l’OM. A l’école, il n’y avait que ça qui comptait. Ils savaient tous que moi, c’était le vélo. Le plus drôle, c’était lorsque l’on arrivait à l’école le lundi : ils me demandaient, “alors tu as gagné ce week-end ?”. C’était difficile de leur expliquer que tu pouvais avoir fait une belle course sans avoir gagné. Il n’y a pas qu’un gagnant ou un perdant en vélo. Tu as 130 mecs sur la ligne de départ et si tu fais deuxième ou dixième, ça peut être bien aussi ! Les collègues ont du mal à comprendre cet aspect-là. Mais petit à petit, ils ont réussi à s’y mettre. Je leur fais partager mon univers.
Et toi, tu suis quand même le foot ?
Bien sûr ! Je suis un grand passionné même… Je ne peux pas le cacher ! Quand tu es Marseillais, tu es condamné à suivre l’OM. Depuis gamin, dans les cours de récréation, ça ne parle que de ça. T’es obligé d’être au courant des résultats. Je suis supporter de l’OM et l’hiver, quand j’en ai le temps, je vais voir quelques matches au Vélodrome avec des amis.
Et l’AS Roma alors ?
Ah là forcément ! Mon cousin éloigné Daniele De Rossi joue là-bas depuis très longtemps alors j’essaie de suivre ce qu’il fait aussi, même si je n’ai pas toujours le temps de regarder les matches. Daniele n’est malheureusement pas quelqu’un avec qui j’ai beaucoup de contacts. Mon grand-père avait six ou sept frères et soeurs et toute cette partie de ma famille est un peu éparpillée en Italie. Mais mon cousin est quelqu’un qui m’a fait rêver. Le fait qu’il vive de sa passion, j’ai trouvé ça génial. Je me suis dit “pourquoi pas moi”.Ca donne envie ! Il est arrivé au plus haut-niveau mondial au football.
« BERCÉ PAR LA MENTALITÉ ITALIENNE »
Pendant les France-Italie, ton coeur balance ?
Disons que c’est un peu délicat de choisir en effet (rires) !
Tes racines italiennes, c’est quelque chose d’important pour toi…
C’est important bien sûr ! J’aime l’Italie, j’ai beaucoup de contacts et de liens là-bas, plus particulièrement du côté de Vicence (en Vénétie, NDLR). Je vais régulièrement en Italie pour voir la famille. Mon grand-père italien était venu s’installer en France et j’ai toujours été bercé par la mentalité italienne, que ce soit au niveau de la nourriture, de la musique… C’est quelque chose qui m’a toujours accompagné.
Après avoir suivi la carrière footballistique de Daniele De Rossi, ça va être à ta famille italienne de suivre la carrière du cycliste français Lucas…
Oui ! Ils savent que je fais du vélo, ils essaient de regarder mes résultats et de se tenir au courant. Ils savent que je vais passer pro et ils m’ont toujours soutenu. Avec les réseaux sociaux, ils arrivent à voir tout ce que je fais. Même quand je n’ai pas le temps d’appeler, ils sont au courant de mes résultats.
« À CINQ MINUTES DE LA PLAGE »
Tu as pu appeler un maximum de monde pour annoncer que tu passais pro ?
C’est mon père qui l’a fait ! Il a pris le temps d’appeler la famille en Italie et c’est comme ça qu’ils ont appris la nouvelle. Moi, je ne parle pas assez bien l’Italien (sourires).
Tu parlais de tes racines italiennes, mais tu es également fier de ton petit accent marseillais…
Je suis d’abord Provençal ! Je suis fier de mon identité marseillaise, je n’ai pas à la renier. La Provence, c’est ma région et je l’aime ! Je me sens bien chez moi. On est tellement bien dans cette région ! L’été, il fait si beau, si chaud… Même l’hiver, il fait doux. Pendant la coupure, j’aime aller faire des balades sur la plage. C’est une chance.
Carry-le-Rouet, c’est un décor de carte postale ?
C’est un petit “village” en bord de mer, c’est très tranquille. J’habite à cinq minutes de la plage. Les maisons ne sont pas les unes sur les autres. On n’a pas à se plaindre. Il y a une qualité de vie qui est assez sympa. Bon, il y a plus de gens l’été avec le tourisme, mais on y est toujours très bien. Tout le monde se connaît ici.
« LE POISSON, C’EST MA SPÉCIALITÉ »
Pour aller rouler également, ça doit être le top ?
Il y a des super coins pour rouler ! Pour une sortie “cool-décontraction” après une course difficile, j’ai mon petit tour : je me fais deux heures en bord de mer, le long de la Côte Bleue, c’est tranquille. Il y a les cigales qui nous accompagnent sur la route, du coup, c’est parfait ! Pour des sorties un peu plus longues, j’aime bien partir dans l’arrière pays aixois avec des petites routes agréables, dans des petites portions de forêt sous des pins. Sinon, je passe aussi par l’Espigoulier du côté de Marseille. C’est notre grande ascension du coin !
Et en cuisine alors : plutôt à la provençale ou à l’italienne ?
(Rires). C’est marrant de me poser cette question car en fait, j’adore cuisiner ! Quand je rentre de l’entraînement, j’essaie de prendre le temps de faire à manger. Et quand je ne roule pas, pendant mes journées de repos, j’essaie d’y passer encore plus de temps. Je fais de tout, tant que c’est bon. J’évite simplement qu’il y ait trop de sauces… J’aime beaucoup le poisson, c’est ma spécialité ! Avec des petits légumes et des pommes de terre, c’est pas mal non ? Sinon, en un peu plus consistant, j’aime bien le magret de canard.
Revenons à ta pratique du cyclisme : avant de performer sur la route, tu t'es fait connaître en VTT ?
C'est la discipline sur laquelle je me suis révélé, en fait. J'ai commencé à bien marcher en Minimes 2. J'avais de très bons résultats dans la région puis en Cadets, j'ai confirmé en terminant troisième du général de la Coupe de France et médaillé de bronze sur le Championnat de France également. Je savais que j'étais à l'avant et que je pouvais espérer faire des résultats sympa en VTT y compris en Elites, mais j'avais envie de changer et de découvrir la route. Si la route ne m'avait pas plu, il n'aurait pas été trop tard pour revenir dans les chemins. Mais je me suis vite éclaté sur la route !
« J’AI COMPRIS QUE J’AVAIS DU POTENTIEL »
Ce sont deux disciplines très différentes ?
En VTT, ça part à bloc, ça arrive à bloc... On est toujours vigilant à tout ce qu'il se passe, dans les montées, dans les descentes... C'est un effort continu. L'effort sur la route est bien différent avec parfois des courses d'attente mais ça ne m’a pas dérangé. J'ai trouvé ça top. J'ai vite compris que ça allait pouvoir convenir à mes qualités également.
Tu te souviens de tes grands débuts sur route ?
J'avais commencé sur la Ruota d'Oro, fin 2015, en Italie. J'étais parti avec l'entente régionale. C'était une course difficile. Je n'avais pas l'entraînement pour la route mais j'ai vite compris que j'allais m'éclater à faire ça. Il y avait du monde sur le bord de la route et une bonne ambiance. J'ai bien accroché et je me suis dit que c’était ce que je voulais faire.
Début 2016, tu n’avais encore jamais participé à une Élite Nationale. 18 mois plus tard, te voilà sur le point de passer professionnel…
Tout a été très vite ! Dès les premières courses, je me suis senti à l’aise au VC La Pomme Marseille. Je sentais que l’équipe me ressemblait et que je pouvais bien marcher. Je me souviens des Boucles du Haut-Var en début de saison : j’étais pratiquement tout le temps dans les échappées. Ca m’a beaucoup motivé, puis tout s’est enchaîné. J’ai compris que j’avais du potentiel et qu’en travaillant dur, ça allait être intéressant.
« UNE CONFIANCE AVEUGLE EN MATHIEU (DELAROZIERE) »
Tu sembles capable de marcher sur différents types de courses ?
Que ce soit plat, vallonné, montagneux, je suis toujours content ! Je ne me dis jamais que ce n’est pas un profil pour moi. Je pense être un puncheur-grimpeur, même rouleur… Un peu passe-partout finalement. Je ne sais pas s’il faudra se spécialiser chez les pros. Je fais 1m82 pour 72 kilos en poids de forme, donc on ne peut pas dire que je sois un pur grimpeur ! Mais sur certaines courses, j’arrive à basculer au sommet des cols avec les meilleurs. Et j’ai aussi de la force sur le plat quand ça roule fort ! C’est peut-être un bon compromis.
Tu es entraîné par Mathieu Delarozière depuis ton arrivée au VC La Pomme. Que t’apporte-t-il au quotidien ?
J’étais content de savoir qu’il allait m’entraîner, dès le début, car je savais qui il était et ce qu’il avait fait. Il est très important pour moi. C’est quelqu’un en qui j’ai une grande confiance. Il est plus loin maintenant (il réside en Espagne, NDLR) mais on échange très souvent par message ou par téléphone. Je suis vraiment à la lettre tout ce qu’il me dit. C’est un gars du coin, qui a eu un parcours dans la région. Il a couru à La Pomme… Bref, c’est une confiance aveugle. Dès que ça ne va pas, je lui dis. Quand je suis fatigué aussi… Et on s’adapte ! On se dit tout et je pense que ça marche très bien comme ça.
Dans la région, on parle à la fois de toi comme quelqu’un de très déconneur et de perfectionniste : ça veut donc dire que les deux sont compatibles ?
J’ai toujours le sourire ! J’aime rigoler, tout le temps… Que ce soit en course, en déplacement, à la maison. Même quand je suis fatigué, je me marre. Je n’aime pas me prendre la tête. Je suis content d’être là et de faire ce que je fais. Quand ça ne va pas, je me dis que demain sera un autre jour. C’est toujours “tranquille, tranquille”. Cela dit, j’aime bien faire les choses comme il faut aussi. Si je m’engage sur un objectif, à l’entraînement, en course, j’essaie vraiment de m’y tenir. En course, quand il faut être sérieux, le Jour-J, la concentration n’est plus la même. Mais ça n’empêchera pas de se décontracter et de rigoler après la course, à nouveau. La bonne ambiance, être relax, c’est important dans un groupe.
Que représente cette signature au Team Delko-Marseille Provence-KTM pour un Provençal comme toi ?
C’est quelque chose qui ne s’explique pas. Un Marseillais qui signe dans une équipe marseillaise… C’est comme signer à l’OM pour un joueur de foot. Il se passe quelque chose de plus. Je vais représenter ma ville et ma région dans toute la France et dans le Monde. Ce sera du bonheur et beaucoup de fierté.