Stéphane Bauchaud : « Pas le droit d'abandonner »

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

Crédit photo Zoé Soullard - DirectVelo

A l'issue de la dernière étape de la Boucle de l'Artois, dimanche après-midi, Stéphane Bauchaud n'a pas souhaité répondre aux questions de DirectVelo. Au milieu du parking des équipes, le directeur sportif de l'Océane Top 16 est abattu alors que sa formation vient de terminer à la 19e place de la Coupe de France DN1, synonyme de relégation en DN2 (voir le classement). "Sur le moment, je n'étais vraiment pas capable de répondre à une interview", s'excuse-t-il dès le lendemain matin. L’entraîneur charentais ne cache pas en avoir pleuré. "Peut-être jusqu'à Tours", sourit-il. Alors qu'il espère encore un maintien administratif tout en préparant une saison en DN2, il s'est longuement confié sur cette année très difficile auprès de DirectVelo

DirectVelo : Trois jours après la relégation en DN2 de l'Océane Top 16, dans quel état d'esprit es-tu ?
Stéphane Bauchaud : J'étais effondré dimanche soir. Ça ne va pas forcément bien mieux depuis. La nuit dernière, j'ai même rêvé qu'une équipe ne pouvait pas rester en DN1 et que nous étions du coup sauvés. Je ne dors pas très bien mais je remonte la pente, notamment grâce aux quelques messages reçus de collègues de DN1. Ils ne sont pas une majorité mais certains regrettent la situation, pas pour le club mais pour moi. J'ai eu des messages d'anciens coureurs de l'équipe. Ça montre qu'on n'a pas fait que de la merde depuis la naissance de la structure. Il y a eu du bon boulot de fait. Ces messages me permettent de prendre un peu de recul. Bref, ça fait du bien ! 

UN COURRIER A L'ACCDN

Dans quelle division évoluera l'Océane Top 16 en 2019 ?
En DN2, à 99%. J'ai écrit un courrier à l'ACCDN (l'Association des Clubs Cyclistes de Divisions Nationales, NDLR). Il faut que la fédération française réagisse. Une chose est sûre, on repartira, même en DN2, en respectant le cahier des charges de la DN1. Nous aurons nos 100 jours de course. Je persiste et signe pour dire que ce n'est pas normal que sept ou huit jours de course, soit moins de 10% du calendrier d'une DN1, ont une telle influence sur l'avenir d'un club. Les DN sont en péril. On peut casser une DN qui fonctionne en se basant uniquement sur la Coupe de France. Je ne crois pas que le cyclisme soit si riche pour se permettre ça. Il faut réagir. Il y a de moins en moins de clubs, de moins en moins de coureurs... Il y a 25% des DN3 qui sont en négatif en terme de points car elles n'ont pas disputé toutes les manches. L'USSA Pavilly Barentin, pourtant 6e de la DN2, repartira en DN3. On ne peut pas continuer comme ça. Il faut se poser les bonnes questions. 

Que préconises-tu ?
Ça changerait quoi aujourd'hui d'avoir 22 équipes au lieu de 20 en DN1 ? Certaines courses sont passées de 200 à 140 engagés en trois ans. Si on est en DN2, on n'aura pas la possibilité très longtemps de doubler les courses. A un moment, tu dois réduire la voilure. Il y aura donc encore moins de coureurs au départ des épreuves. Les organisateurs n'auront plus d'aides si tu as 60 "pinpins" engagés. On perd des courses chaque année et on dit que ça va car il y en a trois nouvelles, dont deux en Bretagne. L'ex-Limousin est de plus en plus sinistré mais tout va bien ! 

« UN DES DEUX CAS DE FIGURE M'ARRANGE  »

Ironie du sort, la dernière manche de la Coupe de France DN2 est organisée par l'UA Rochefoucauld, un club associé l'Océane Top 16... Tu seras supporter de Dinan ce jour-là ?
(sourires) Je suis « fan » de Dinan car je respecte leur très bon travail. Ils sont en DN2 et gagnent beaucoup de courses Elites. Ils ont terminé meilleure équipe des 3 jours de Cherbourg devant dix DN1. Je serai au Tour du Gévaudan (1.2) ce week-end là car nous avons la chance d'être au départ de belles courses. Je ne serai pas supporter de Dinan mais il est certain qu'entre Dinan et Peltrax, un des deux cas de figure m'arrange (Dinan, actuellement 3e, ne souhaite pas monter en DN1 en 2019 contrairement au Team Peltrax, 2e à ce jour, NDLR)

A quoi va ressembler l'équipe l'an prochain ?
Je n'ai pas été lâché par ceux qui soutiennent la structure. Nous allons garder un noyau de coureurs désireux d'aider le club. Nous aurons seize coureurs dont dix Espoirs. Aujourd'hui, quand je vois les propositions de certains clubs à mes coureurs, c'est un peu n'importe quoi. En foot, avec le fair-play financier, le PSG ne peut pas acheter deux fois Kylian Mbappé. Nous sommes dans la surenchère. On souhaite en tout cas maintenir une bonne équipe, et trouver des pistes pour améliorer ce qui n'allait pas. On a forcément raté des choses.

« L'IMPRESSION DE NE PLUS AVOIR LA MAIN »

Qu'est ce qui n'a pas fonctionné ?
Une part m'incombe. J'ai perdu la confiance du vestiaire. J'ai proposé ma démission en mai. J'ai dit aux coureurs après le Grand Prix de Vougy que nous étions en danger. Leur implication n'était pas conforme à ce qu'on pouvait attendre. J'ai vu des coureurs du CC Villeneuve Saint-Germain (18e de la Coupe de France, NDLR) faire la course. Nous, nous étions dans un système de sénateurs. Comme l'a dit l'Occitane CF (lire ici), il y a une différence entre être en DN1 et avoir le niveau de DN1. Nous avons eu des excellents résultats qui ont créé des tensions, comme le doublé sur l'Essor Basque (Clément Saint-Martin devant Jérémy Bellicaud, NDLR). Il y a eu des problèmes d'égos. Je n'ai jamais trouvé la solution pour les faire disparaître. 

Tu en veux à tes coureurs ?
Oui, énormément à certains qui étaient plus préoccupés par des intérêts personnels que collectifs. Est-ce normal qu'un coureur débarque sur une course sans combinaison de chrono car il n'avait pas regardé le parcours et vu la présence d'un contre-la-montre ? Il y a eu un manque d'implication. Certains coureurs... Si je ne les appelle pas, je n'ai pas de nouvelles d'eux pendant quinze jours ! J'entraîne Yoann Paillot depuis quatorze ans. Dès qu'il faut modifier son programme, il m'appelle. Il est impliqué au quotidien. Nous sommes près de l'Océan. On se doute que certains dans l'équipe ont passé plus de temps sur les plages cet été que sur le vélo. J'ai eu aussi l'impression parfois de ne plus avoir la main.

C'est à dire ?
Je faisais un briefing et des coureurs disaient : « non, de toute façon, ça va arriver au sprint ». C'est arrivé à Saint-Brieuc Agglo Tour. Je dis aux coureurs « ça va bouger entre les deux premiers GPM ». On me répond que ça va se terminer au sprint. Résultat, 27 coureurs partent sans aucun de l'équipe. Ce n'est pas sérieux. Il y a eu le bordel aussi à Paris-Mantes. Quand un coureur fait une connerie, il doit assumer derrière. J'ai eu l'impression que mes coureurs étaient plus fonctionnaires que moi... 

« ON VA SE BATTRE »

Tu as justement un travail à côté du vélo... Il ne serait pas plus simple de quitter ton poste ?
J'ai eu envie de tout arrêter. Ma cellule familiale est liée à cette équipe, que ce soit mon père (Michel), ma femme et mon fils (Arthur) qui pointe le bout de son nez. C'est paradoxal mais depuis dimanche, des mots et des comportements me motivent. On remontera. Ça prendra le temps qu'il faudra. On va se battre. Des coureurs auraient pu partir et ont choisi de rester. Je suis investi depuis 18 ans. Je n'ai pas le droit d'abandonner. C'est ma passion mais cette année, je n'ai pas réussi à la transmettre. On sait qu'une passion peut devenir une connerie si tu t'investis trop. Tous les membres du staff n'ont pas tiré dans le même sens. On l'a donc changé pour 2019.

Tu penses déjà à 2019 ?
Nous avons fait des réunions jusqu'à minuit depuis lundi pour parler de l'avenir. On va rebâtir quelque chose de sympa. Plus de la moitié de l'équipe sera sur Angoulême. Il faut une nouvelle dynamique. Je veux des gars qui vont s'échauffer avant le départ quand je dis de le faire. Il faut des coureurs qui tirent le groupe vers le haut. Je suis proche de Denis Repérant (SCO Dijon). Pour lui, c'est plus facile de bosser avec Souton et Louvet quand tu as un Guillonnet qui tire les autres vers le haut.

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