Le risque paie pour les Super Stars du Japon
Ce samedi, c'est jour de keirin au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines. La première manche de la Coupe du Monde de cyclisme sur piste sonne aussi les trois coups de la qualification pour les Jeux olympiques de Tokyo 2020 pour les Japonais. Cela fait deux ans que Benoît Vêtu, leur entraineur s'est mis au travail pour préparer ce rendez-vous. "Je suis parti d'un vélodrome vide à Izu, sans coureur ni staff. Il a fallu trouver des compétences, du matériel et des coureurs", rappelle le Français à DirectVelo.
TROIS SUPER STARS
Pour rapprocher le monde du keirin au Japon et le cyclisme international, il a fallu l'organisation des Jeux olympiques à Tokyo. En 1964, pour les derniers Jeux organisés là-bas, le keirin était encore loin d'être au programme puisqu'il n'était pas déjà pas à celui des Championnats du Monde. "Le keirin s'autosuffit. Au Japon, coureur de keirin, c'est un métier comme un autre qui permet de gagner beaucoup d'argent. On peut être coureur de keirin sans être passioné par le vélo et un coureur moyen peut gagner beaucoup d'argent. Ils ne vont pas perdre leur temps à voyager. Si j'avais été Japonais, je ne sais pas si je m'y serais intéressé aussi", reconnaît l'ancien sprinter.
Benoît Vêtu a réuni huit coureurs, six gars et deux filles, dont trois des neuf "Super Stars" du keirin, la plus haute catégorie reconnaissable à ses cuissards rouges. "Ils ont pris le risque de perdre de l'argent pour se concentrer sur les Jeux olympiques. Ils ne font plus que six courses de keirin dans l'année contre une trentaine habituellement mais bizarrement, le fait d'avoir progressé physiquement leur a permis de stabiliser leurs revenus. Au début, ils ont perdu de l'argent mais c'est un investissement. Ils courent moins souvent mais quand ils courent, ils sont plus performants", analyse l'entraîneur.
Si la Japan Keirin Association finance le programme c'est aussi pour en recueillir les fruits. "Je suis aussi embauché pour modifier les méthodes d'entraînement des écoles de keirin pour atteindre un niveau plus élevé, plus homogène. C'est en train de changer et ça va encore changer". A son arrivée, Benoît Vêtu a trouvé des pistards qui ne savaient pas s'entraîner. "C'était du bricolage, sans l'intensité et la continuité nécessaire. Seul Yudai Nitta allait de temps en temps se préparer en Australie".
« IL DEVIENDRAIT UN DIEU »
A Saint-Quentin, l'équipe du Japon, qui doit gagner sa place comme les autres pour Tokyo, espère marquer des points en keirin et en vitesse individuelle. En revanche, elle était absente du tournoi de vitesse par équipes. "L'équipe de vitesse par équipes n'est pas très forte", reconnaît l'entraîneur. "A partir de Berlin (30 novembre-2 décembre) on va disputer la vitesse par équipes avec d'autres coureurs car ceux qui sont ici ne sont pas capables de faire un travail efficace, ils ont de grosses lacunes au départ. Le gros problème au Japon c'est le manque de techniques de base, le départ en fait partie et pour certains coureurs on n'arrivera jamais à les combler et je préfère les concentrer sur les épreuves individuelles".
Le travail de Benoît Vêtu commence à porter ses fruits. En mars dernier, au Championnat du Monde d'Apeldoorn, Tomoyuki Kawabata a rapporté au Japon sa première médaille -d'argent- en keirin depuis 1993. Depuis l'introduction de la discipline au programme arc-en-ciel, un seul Japonais est devenu Champion du Monde, en 1987. Et si, en août 2020 un Japonais devenait Champion olympique ? "Il deviendrait un Dieu, ça serait très gros. Il deviendrait très très populaire. Devenir champion olympique au Japon dans un sport qu'ils ont créé, ce serait très gros", répète l'entraîneur.