Sport Vlaanderen-Baloise : « On ratait aussi des coureurs avant »

Crédit photo José Been

Crédit photo José Been

Thomas De Gendt, Stijn Devolder, Oliver Naesen, Edward Theuns, Jelle Wallays, Sep Vanmarcke, ... En 25 ans, Sport Vlaanderen-Baloise a vu défiler des coureurs belges qui ont connu ensuite le succès au niveau WorldTour. C'est la mission principale de l'équipe créée en 1994. En 2014 et 2015, la formation de Walter Planckaert a remporté l'UCI Europe Tour, en engrangeant 21 succès dont le doublé mémorable de Jelle Wallays et d'Edward Theuns lors d'À Travers La Flandre 2015. Depuis cette période de gloire, les Flamands ont moins souvent levé les bras. Six fois en quatre ans. "C'est tout à fait normal. Ces deux saisons fantastiques étaient anormales. Avant 2014, nous ne gagnions pas si souvent non plus. Les gens oublient parfois notre logique de formation", rappelle, à DirectVelo, le manager général Christophe Sercu, qui se préoccupe surtout du classement UCI de son équipe. "Quand on regarde notre début de saison 2020 avant la pandémie, nous étions à la 6e place des équipes de division 2, cela montre que nous étions dans le coup. Après, les statistiques doivent toujours être relativisées car il suffit que vous ayez un ou deux sprinteurs capables de remporter des courses pour changer la donne". 

Succès de Sport Vlaanderen-Baloise depuis 2010 :

Nombre de Top 10 UCI depuis 2010 :

Toutefois, depuis 2016, un seul coureur a réussi à obtenir un transfert dans le WorldTour : Piet Allegaert cet hiver vers Cofidis. Par conséquent, le discours et les ambitions ont changé. Désormais, un passage dans une ProTeam de pointe (Total Direct Energie, Arkéa-Samsic) est considéré comme une réussite. En 2018, le manager de l'équipe Walter Planckaert dressait déjà le constat (lire ici). "C'était logique d'en subir le contre-coup, tôt ou tard. Cependant, (…) la qualité de notre travail n'a pas changé". 

Transferts sortants de l'équipe Sport Vlaanderen-Baloise depuis 2016 :

En moyenne, trois coureurs quittent l'équipe pour une autre Conti Pro ou une WorldTeam depuis 2017. 

2016 : Pieter Van Speybrouck (Wanty-Groupe Gobert), Tim Declercq (Quick Step-Floors), Gijs Van Hoecke, Floris De Tier (Team LottoNL-Jumbo), Otto Vergaede (Verandas Willems-Crelan).
2017 : Eliot Lietaer (WB-Veranclassic-Aqua Protect), Bert Van Lerberghe (Cofidis Solutions Crédits), Stijn Steels (Verandas Willems-Crelan).
2018 : Aimé De Gendt (Wanty-Groupe Gobert), Jonas Rickaert (Corendon-Circus).
2019 : Dries Van Gestel (Total Direct Energie), Benjamin Declercq, Christophe Noppe (Arkéa-Samsic) et Piet Allegaert (Cofidis Solutions Crédits).


DES COUREURS MOINS ATTIRÉS 

Alors que s'est-il passé pour ne pas avoir continué sur la lancée des saisons 2014 et 2015 ? Pour Hans De Clercq, le directeur sportif, aucun doute : la raison majeure est le recrutement. Sport Vlaanderen-Baloise vit la situation d'un couple où l'un des deux n'est plus désiré. L'équipe ne parvient plus à attirer ni à convaincre les meilleurs Espoirs belges. Toutefois, "ce phénomène n'est pas propre à ces dernières années. Il nous arrivait déjà de 'rater' des coureurs auparavant", souligne de son côté Christophe Sercu.

Rien que pour cette saison 2020, les profils de Jens Reynders, Jordi Meeus et Arne Marit - trois coureurs belges ayant réalisé de bons résultats en 2019 en Espoirs - correspondaient à la philosophie du projet Sport Vlaanderen-Baloise. Toutefois, aucun des trois n'a signé dans l'équipe. Ces trois cas illustrent la tendance des dernières années. Les coureurs avancent trois raisons pour expliquer ce désamour. La première, la perspective de rejoindre une WorldTour la saison d'après. La deuxième, parfaire son apprentissage une année de plus chez les Espoirs. Et la dernière, le manque d'intérêt envers l'équipe flamande. 

Dans le premier cas, Hans De Clercq pointe directement le rôle des agents. Selon le directeur sportif, ils inciteraient leurs poulains à attendre une offre en WorldTour plutôt que d'aller en deuxième division. "Auparavant, cela n'existait pas. Ils en profitent pour leur faire tourner la tête en leur disant d'attendre une année comme ça ils pourront aller dans le WorldTour. Un Jens Reynders par exemple aurait pu venir chez nous. Il n'a pas voulu. Et maintenant, il est chez Hagens Berman-Axeon car il rêve d'être en WorldTour par la suite. Aurait-il été mal chez nous ? Je ne pense pas". Selon lui, les coureurs font un mauvais calcul financier sur le long terme. “Si ces coureurs marchent bien chez nous, ils peuvent ensuite négocier plus facilement un bon contrat dans le WorldTour, tandis que là, ils acceptent généralement un salaire minimum". Si avoir l'ambition de rejoindre le WorldTour est compréhensible, Hans De Clercq n'en oublie pas les “nombreux échecs. Combien de coureurs ont réussi à faire le bond directement ? Les meilleurs de la catégorie Espoirs oui. Les grimpeurs s'en sortent bien généralement. Mais il y a aussi beaucoup de ratés. Cela devrait en inciter certains à bien réfléchir avant de prendre une décision”. 

« CE SONT DES FOUTAISES »

Vouloir rester un an de plus chez les Espoirs est parfaitement justifiable selon Hans De Clercq à condition que ce soit “réellement inscrit dans un processus d'apprentissage et de développment du moteur du coureur. De plus, certains préfèrent terminer leurs études avant de devenir professionnel. Ce qui est sage". Enfin, pour expliquer le manque d'envie de rejoindre Sport Vlaanderen-Baloise, les coureurs déplorent le manque de linéarité dans les stratégies de course. En d'autres termes, chacun peut faire ce qu'il veut. "Ce sont des foutaises, s'insurge-t-il. C'est vrai que nous laissons de temps en temps un coureur libre de jouer sa carte à côté du leader présumé. Il ne faut pas oublier que notre équipe a une logique de formation. Nous ne sommes pas, comme les autres, à la recherche de points UCI”.

S'ajoute à ces différentes raisons et pour compliquer encore davantage la tâche de la ProTeam, le jeunisme à la mode dans les équipes WorldTour, au point de voir des coureurs zapper la catégorie Espoirs. En 2020, Quinn Simmons (Trek-Segafredo) et Carlos Rodriguez (Team Ineos) ont imité l'exemple du Belge Remco Evenepoel. Il y a quelques jours, Marco Brenner (Team Sunweb) a fait de même pour la saison 2021 (lire ici). ''Cela n'arrange pas l'affaire, mais de toute façon, ce ne sont pas des coureurs à notre portée”. Walter Planckaert avait déjà tout compris en 2018 (lire ici). “Des équipes comme Lotto-Soudal et Deceuninck-Quick Step misent davantage sur notre modèle. Ils vont chercher les plus grands talents. Pour eux, c'est une affaire financière car ils sont bons marché alors que s'ils explosent dans notre équipe, ils seront deux fois plus chers”. Hans De Clercq se rassure :  “heureusement que ces équipes ne peuvent pas prendre tout le monde car cela deviendrait impossible pour nous". 

Afin de rendre l'équipe plus attractive auprès des coureurs, une augmentation du budget serait la bienvenue. "Notre budget est le même depuis cinq ans. Néanmoins, les dépenses ont augmenté comme avec le passeport biologique... Et donc, si on pouvait déjà obtenir une petite augmentation, on pourrait mettre des choses en place". Aujourd'hui, le budget de l'équipe tourne autour des 2,5 millions d'euros. 

« UN N
ÉO-PRO GRIMPEUR AURAIT SA CHANCHE CHEZ NOUS »

Hans De Clercq pense à deux choses. Premièrement, ajouter des courses pour grimpeurs au programme, même si ce point l'irrite particulièrement. "J'entends sans arrêt que nous n'avons pas de programme pour les grimpeurs. C'est de la mauvaise foi. C'est vrai que nous avons un calendrier à prédominance belge. Logique non, quand on s'appelle Sport Vlaanderen-Baloise ? Nous disputons quand même des épreuves comme le Challenge de Majorque, le Tour de la Communauté de Valence, le Tour d'Andalousie... Nous avons également les Classiques ardennaises. Cette année, nous devions ajouter le Tour d'Autriche au programme. Donc, un néo-pro grimpeur aurait sa chance chez nous. Pourtant, il préfère souvent aller dans une autre équipe. Nous devons également composer le programme avec les coureurs que nous avons. Avec un ou deux grimpeurs de plus dans l'équipe, on pourrait ajouter l'une ou l'autre épreuve à notre programme de façon à en avoir encore plus régulièrement durant la saison". 

Ensuite, Hans De Clercq verrait surtout d'un bon oeil, un stage au milieu du printemps. "C'est vrai que nous n'avons qu'un seul gros stage. Un second pourrait faire du bien au mois de mai pour recharger les batteries, faire le point et repartir sur des bonnes bases". Christophe Sercu tempère. "Le programme de courses en mai est déjà bien chargé. Je vois plutôt un stage comme celui que nous avons fait cette année, début mars, après le week-end d'ouverture en envoyant une dizaine de coureurs en stage au Portugal". 

Même si le succès est moins au rendez-vous ces dernières saisons, le projet n'est pas du tout en danger. “Les partenaires sont satisfaits. Aujourd'hui, un passage chez Arkéa-Samsic est considéré comme une réussite. Regardez leur effectif avec Nairo Quintana et Nacer Bouhanni. C'est digne du WorldTour. Cette équipe a un budget largement supérieur au nôtre", commente Hans De ClercqReste à déterminer les conséquences de la pandémie de coronavirus sur les finances de l'équipe belge, qui au contraire des autres formations ne se base pas exclusivement sur la visibilité des sponsors. En effet, l'équipe est financée en grande partie par le gouvernement flamand. À ce niveau-là, aucune inquiétude est à prévoir. Si le personnel est au chômage technique, les coureurs continuent d'être payés normalement. "Nous travaillons depuis des années avec des partenaires fidèles comme Sport Vlaanderen et Baloise, né de la fusion juridique de l'ancien partenaire Mercator avec deux autres sociétés. Il n'y a aucun signe négatif quant à la suite du soutien", termine Christophe Sercu.

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