On a retrouvé : Thomas Rostollan
Il s’est retiré des pelotons fin 2017, en même temps que sa dernière formation, l’Armée de Terre. Professionnel pendant quatre saisons, Champion de France Amateurs du contre-la-montre entre ses deux expériences au niveau Continental, vainqueur d’étape sur le Tour de Bretagne (2.2) - voir photo ci-dessous -, Thomas Rostollan est depuis resté dans le monde du cyclisme. Devenu commercial, d’abord chez Dagg Distribution et désormais chez Scott, le Marseillais - qui réside désormais à Aix-en-Provence - donne de ses nouvelles à DirectVelo et revient sur les moments marquants de sa carrière.
DirectVelo : Lorsque l’on t’a croisé sur les routes de Paris-Nice en mars dernier - voir photo ci-dessus -, tu venais de rejoindre l’entreprise Scott en tant que commercial. Comment vas-tu depuis ?
Thomas Rostollan : Très bien, mais c’est le rush (sourire). Le coronavirus a modifié beaucoup de choses et notamment la consommation des pratiquants. Sur le coup, en mars dernier, de nombreux gérants de magasins étaient inquiets de la situation et avaient peur de perdre beaucoup d’argent. D’autant qu’en mars, c’est le moment où il y a le plus de vélos en magasins et le plus de trésorerie dehors. Finalement, c’est reparti à la hausse et c’est le moins que l’on puisse dire. Le secteur est en pleine effervescence. On constate même des records de vente pour beaucoup de magasins. On s’est même rendu compte que certains acheteurs sont arrivés en magasin avec un plus grand budget que lorsqu’ils comptaient initialement acheter en mars ou avril. Ils ont eu l’occasion de mettre de l’argent de côté pendant le confinement et ça nous est profitable actuellement.
« JE L’AI PRIS COMME UN SIGNE DU DESTIN »
En quoi consiste précisément ta fonction actuelle ?
Je suis commercial chez Scott depuis janvier. Je gère la partie Bike/Accessoires pour toute la région sud-est, avec environ 70 clients, de Carcassonne/Perpignan à Nice/Menton, et jusqu’à la région de Lyon/Saint-Étienne. Avant d’arriver chez Scott, j’ai travaillé chez Dagg Distribution, de Guillaume Girout, déjà en tant que commercial. Juste après la fin de ma carrière cycliste, ça m’avait permis de vite rebondir.
Car cet arrêt, fin 2017, n’était pas prévu. Il est dû à la disparition de l’équipe de l’Armée de Terre…
Lorsque j’ai appris que l’équipe s’arrêtait, je me doutais de ce que ça signifiait pour la suite de ma carrière (lire ici). Au fond de moi, je l’ai pris comme un signe du destin. J’avais fait le tour de la question, en quelque sorte. J’allais avoir 32 ans, j’avais été Champion de France Amateurs du contre-la-montre, ce qui était un rêve… J’avais été pro dans deux équipes différentes et j’ai vu quel était mon niveau. J’étais un bon équipier mais je n’étais pas capable d’espérer faire une grande carrière au plus haut niveau mondial. Sans oublier que je ne m’étais jamais totalement remis de ma grosse chute au Portugal (lire ici). J’étais resté allongé pendant un mois et psychologiquement, un truc s’était cassé. Ensuite, ça n’a plus jamais été la même chose en peloton. J’étais plus craintif et moins spontané. Mais ça m’a aussi permis de mieux connaître mon cœur, d’apprendre à l’écouter. Après ça, j’avais décidé de me focaliser une nouvelle fois sur le chrono pour faire quelque chose au Championnat de France. Et j’avais terminé 7e, à une vingtaine de secondes d’Anthony Roux et donc du podium (voir classement). Une 7e place peut sembler anecdotique mais franchement, j’étais content de moi, d’avoir pu être dans le coup sur un effort de pratiquement 1h10.
Avant d’apprendre l’arrêt de l’équipe de David Lima Da Costa, t’imaginais-tu encore dans le milieu à moyen voire à long terme ?
Depuis toujours, c’est la passion qui m’animait. Je ne m’étais pas trop projeté mais je devais continuer dans l’équipe en 2018 puis voir ce qui allait se passer ensuite. Il ne faut pas oublier qu’il y avait ce projet de Conti Pro et à ce moment-là, ça me faisait rêver. J’espérais pouvoir découvrir de plus grandes courses et faire une fin de carrière un peu à la Stéphane Rossetto. Quand je vois qu’il a découvert le Tour de France sur le tard, qu’il a collectionné les échappées… C’est un truc qui m’aurait fait rêver. Mais certains coureurs restent en Conti, comme un Julien Antomarchi, qui est un mec en or et un gros travailleur. Il n’est sans doute pas reconnu à sa juste valeur.
« ME METTRE AU SERVICE D’UN GRAND LEADER, J’AURAIS TROUVÉ ÇA GÉNIAL »
Car être coureur de Conti, dans ton cas d’abord à La Pomme Marseille puis à l’Armée de Terre, c’est différent ?
C’est sûr qu’à la Pomme, on devait tourner à 80-90 jours de course par an, du 1er février au 15 novembre, en reprenant au GP La Marseillaise pour finir avec un mois et demi en Chine. Au milieu de tout ça, parfois, il m’arrivait de ne plus savoir où j’en étais. Quand tu devais enchaîner les manches de Coupe de France en Bretagne ou en Normandie, ça faisait long.
Espérais-tu avoir ta chance dans une WorldTour ou une Conti Pro pour jouer l’équipier qui tire de longs bouts droits ?
C’était mon rêve ! J’avais très vite compris que même si j’avais été un très bon amateur lorsque j’étais en grande condition, j’étais limité chez les pros. Je n’avais aucune spécialité mais j’aurais pu me mettre au service d’un grand leader, j’aurais trouvé ça génial. J’avais eu quelques contacts avec la Cofidis, qui m’avait abordé, mais il n’y avait jamais eu d’échanges concrets. Je n’ai jamais pu vivre une expérience comme celle-là mais inversément, je ne veux pas me plaindre car j’ai quand même eu la chance de passer pro deux fois. Je me suis éclaté, j’ai passé une décennie dans les pelotons à haut-niveau après avoir commencé le vélo en J1, seulement. Et j’ai toujours été en progression.
Tu n’as jamais fait partie de ceux que l’on considère comme les “jeunes prometteurs”, les talents de demain…
J’ai vu des gars comme Maxime Bouet, Jérôme Coppel ou Pierre Rolland être rapidement surveillés par les grosses équipes. Ils ont pu franchir les étapes une à une avec un plan de carrière bien établi. Je n’ai pas connu ça puisque je me suis révélé à 24 ans. Avant ça, je n’étais pas encore un gagneur, un “tueur” sur le vélo. Mais Fred Rostaing m’a donné ma chance à La Pomme et le fait d’avoir l’étiquette de Marseillais m’a aidé. Sinon, je ne serais peut-être jamais passé pro. Alors c’est déjà ça ! Puis je suis redescendu et il y a eu cette nouvelle aventure pro avec l’Armée. On avait un bon groupe, soudé. Ce sont de bons souvenirs.
« JE SAVAIS CE QUE JE VALAIS »
Tu as toujours donné l’image d’un mec “cool” et détaché, descendant souvent le premier du bus au départ des courses pour discuter avec des proches, des spectateurs, des journalistes… Ou pour aller boire un café au village départ…
Le vélo, pour moi, est toujours resté un plaisir. Je voulais profiter de tout ça. Je ne regardais pas dans l’assiette du voisin pour savoir s’il avait plus ou moins que moi. Je vivais mes courses, mon aventure, et c’est tout. Encore une fois, je n’avais pas de plan de carrière dès mes 20 ans avec le but de gagner une étape du Tour de France, où de gagner le Tour tout court (sourire). Je savais ce que je valais et je connaissais mes limites. Donc, à partir de là, pourquoi se prendre la tête ? C’était inutile.
Est-ce que à dire que tu ne ressentais jamais de pression ?
Si quand même. La pression, on se la met toujours un peu… Je voulais être performant et je m’en donnais les moyens. J’avais conscience des enjeux. Parfois, sur une bonne échappée, une bonne journée, tout peut basculer. Une victoire peut faire basculer une carrière et je le savais. Mais il ne fallait pas se torturer l’esprit pour autant.
Outre ton sacre national contre-la-montre à Chantonnay, quels sont tes meilleurs souvenirs en carrière ?
J’ai beaucoup aimé les courses par étapes comme le Tour d’Irlande, le Tour du Portugal, le Tour d’Hainan… À chaque fois, c’était une belle aventure sportive et humaine même si en Chine, il ne fallait pas y aller pour le côté touristique (rires). Mais le Tour d’Hainan 2014, c’était quelque chose ! On l’avait gagné avec Julien Antomarchi, justement ! On avait l’impression d’être un groupe de taulards en débarquant là-bas (sourire). Les déplacements entre chaque étape, les hôtels où l’on restait entre français, au milieu des équipes chinoises… C’était particulier. J’avais l’impression d’être coupé du monde mais sportivement, on avait fait un gros truc alors qu’il y avait Astana et la Lampre. Sachant qu’à l’époque, le groupe de La Pomme qui était là-bas était celui des “punis” et des mecs qui allaient dégager de l’équipe l’hiver suivant… Et au final, on avait gagné ! C’était un sacré moment. J’ai vécu sensiblement le même genre d’émotions au Tour du Portugal avec l’Armée de Terre, quelques années plus tard. Il y avait un sacré groupe avec Stéphane Poulhiès, Damien Gaudin et d’autres. On avait vécu une belle aventure pendant quinze jours. En quelque sorte, c’était mon Grand Tour à moi.