Val di Sole : Bleus et blanc, l'alchimie a opéré

Crédit photo Billy Ceusters

Crédit photo Billy Ceusters

Les deux Français ont connu des fortunes diverses, mais Hélène Clauzel et Antoine Huby se souviendront de leur passage en Italie. Val di Sole accueillait la neuvième manche de Coupe du Monde, qui avait la particularité de se dérouler dans la neige, en altitude. La première citée s’est invitée dans le gratin mondial en prenant la 6e place (voir classement). "Je fais mon meilleur résultat depuis le début de saison en Coupe du Monde. La course est plutôt réussie pour moi, et dans la neige c'était particulier, tout le monde doit le dire. C'était une ambiance à part". Antoine Huby doit lui se contenter d’une 21e place (voir classement), mais l’essentiel est ailleurs. "Ça s'est bien passé dans l'ensemble, c'était un beau site, une très belle organisation. Leur but était de montrer qu'ils étaient capables de faire quelque chose de grand pour passer la discipline aux Jeux Olympiques, et je trouve qu'ils ont très bien réussi à le faire. Le public a joué le jeu aussi".

Pourtant, ce n’était pas la motivation principale des deux Français à l’origine. Alors que le coureur du Cross Team Legendre chassait les points UCI, après avoir été ralenti par un coude cassé en début de saison, l’athlète de l’A.S Bike Cross venait batailler pour entrer dans le Top 10 de la Coupe du Monde. "Mais c'était en Italie, c'était l'occasion de découvrir si jamais le cross devient olympique, ça me tenait vraiment à cœur d'être là-bas et représenter la France, surtout qu'on n'était que deux, donc on a pu montrer qu'on était là", reprend Hélène Clauzel, qui a apprécié l’ambiance de vacances. "C'est impressionnant, ça change. On n'a pas l'impression d'être sur une Coupe du Monde. On se croit en vacances, on ne voit que des gens avec des skis. Mais quand on voit le circuit, on se dit ça y est, on y est. C'est intimidant. Quand on est à la reco c'est différent, on est en mode Coupe du Monde".

« C’EST UNE AUTRE FAÇON DE PILOTER »

Antoine Huby a l’habitude de la neige, mais l’expérimenter sur le vélo, en course, était une première. "C'était plus excitant qu'impressionnant, on a envie d'essayer et de voir. On a pu rouler avec des basses pressions le samedi car c'était encore un peu gelé. Tu peux t'amuser techniquement, si tu tombes, tu tombes dans la poudreuse donc tu ne te fais pas mal. C'était amusant. On a déjà couru avec un peu de neige, mais complètement dans la neige c'était la première fois, comme pour beaucoup. L'organisation a bien fait les choses, en redamant entre les courses". Hélène Clauzel avait elle déjà expérimenté le manteau blanc, en Suisse l’année dernière. "Mais en Suisse c'était de la neige fraîche, là il n'avait pas reneigé. C'était crouté en surface. Ça roulait bien. On n'était pas à l'arrêt comme on pourrait l'être dans la neige fraîche. C'était plus facile. Ce n'est pas comparable à la boue ou le sable, c'est une autre technique".

L’importance pour Antoine Huby était de garder une concentration de tous les instants. "Les façons de faire sont différentes. Là on peut avoir des ornières mais il faut chercher du grip, rouler en basse pression. Dans les virages on ne vire pas pareil parce qu'on peut partir à la faute n'importe où. C'est du travail neuromusculaire aussi car il faut rester concentré toute la course. On reste beaucoup assis pour ne pas mettre le vélo en travers ou tomber. C'est une autre façon de piloter, mais je me suis amusé sur ce parcours". Hélène Clauzel a constaté le festival de chutes. "Tu peux rouler et d'un coup tu tombes, parce que tu t'es enfoncée. Des fois on tombait sans faire d'erreur. On n'avait pas non plus une très bonne vision. Dans les parties sans soleil on ne voyait pas où on roulait. Les micro-ornières nous faisaient complètement dévier. Parfois, dans les lignes droites, on perdait l'arrière sans rien prévoir et on tombait".

« MÊME LES MEILLEURS FAISAIENT DES FAUTES »

La course pouvait donner l’impression que les coureurs ne lâchaient pas les chevaux. Pour celle qui est aussi spécialiste de VTT, cette idée était déjà présente à la reconnaissance. "On voyait que tout le monde était un peu sur la retenue, personne ne savait comment faire. Même les filles très fortes techniquement étaient un peu perdues. Les premiers tours, je ne savais pas trop comment rouler, aborder les virages etc. Mais au fur et à mesure je me suis débloquée. J'étais de plus en plus à l'aise, c'était chouette. On se rendait compte que même les meilleures faisaient des fautes. Quand je me suis retrouvée avec Marianne Vos, elle perdait l'arrière, l'avant, mais dans la boue elle n'aurait pas fait ça. C'est très déstabilisant. Même chez les hommes, des Wout van Aert arrivent aussi à tomber. On ne va pas dire que c'est chouette à voir, mais on était sur le même pied d'égalité !", plaisante-t-elle.

Antoine Huby rejoint l’avis de sa compatriote. "Ce sont des circuits où tu ne peux pas te mettre à bloc physiquement car tu dois rester concentré sur chaque fait et geste, comme la pression pour freiner. Mais dès que tu prends un peu de vitesse, tu peux vite partir à la faute. Donc tu ne peux pas te mettre à fond. Contrairement à d'habitude on se concentre plus sur ce qu'on fait. Dans la boue on peut se permettre de récupérer en ligne droite ou descente, mais pas là". La matériel, lui, ne change pas beaucoup par rapport à d’habitude. "J'avais mis des boyaux boue. Après j'ai sous gonflé à 0,8/0,9 et j'avais mis des crans pour avoir de l'accroche dans les virages où on ne peut pas se mettre dans une ligne. Mais certaines ont roulé avec des boyaux secs, voire des pointes de diamant pour le sable", analyse Hélène Clauzel, alors qu’Antoine Huby a ajouté "de l'antigel sur la transmission pour que la neige ne fasse pas de bloc sur la chaîne et que ça saute. Mais sinon ça reste basique".

« ON MÉRITE D’ÊTRE AUX JEUX »

Comme il ne s’agissait que d’une manche dans toute la campagne de Coupe du Monde, les deux Français n’ont pas fait de travail spécifique. "L'année dernière, on a roulé dans la neige avec l'équipe qui a son service course en Alsace. Ce n'est qu'un week-end donc on ne perd pas trop de temps dessus. Mais c'est intéressant et ça change", admet Antoine Huby. "J'aurais pu m'entrainer si j'étais montée en altitude, mais je n'avais pas plus le temps que ça de préparer cette course. J'ai travaillé tout ce qui était ornière, freiner le moins possible. Ça ressemble au sable où on n'essaye de ne pas freiner, car il nous ralentit". Cette altitude, d’ailleurs, aurait pu jouer un rôle. Mais les 1261 mètres n’ont pas dérangé les Bleus. "D'habitude, à Val di Sole, en VTT, je sentais un peu l'effet. Mais là non, pas plus que ça. Donc tant mieux", ajoute Hélène Clauzel.

Grimpeur sur la route, Antoine Huby a l’habitude des cimes. "Je n'ai pas ressenti de différence ou de gêne là-dessus. Ni sur le froid. Ça peut faire peur, il faisait jusqu'à -8° C le matin. Mais ce sont des froids secs. Après en avoir discuté un peu, le froid n'a pas l'air d'avoir perturbé". Alors les ingrédients sont-ils réunis pour accueillir les Jeux. "C'est dans la tête de tout professionnel, tout le monde a l'objectif. Si notre discipline y est, je me battrai pour y aller, et il faudra savoir rouler dans la neige", projette le Breton. "C’est ma discipline, ça me ferait plaisir qu'on soit aux Jeux, on le mérite. On l'a vu ce week-end, il y a des rebondissements, il se passe plein de choses. Les circuits sont assez courts donc faciles à téléviser. La neige casse les codes et renouvelle le cross", conclut Hélène Clauzel. Elle comme Antoine Huby ont tous les deux été convaincus, et voudraient retourner dans la neige. Grâce à leur participation à la Coupe du Monde italienne, ils s’imposent en tout cas comme deux pionniers français en la matière.

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