Sur piste, le braquet « reste une question centrale »

Crédit photo DirectVelo

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Longtemps considéré comme le temple de la vélocité, les vélodromes ont vu les plateaux prendre des dents ces dernières années. Des grandes dents pour croquer les chronos. Cette évolution des braquets est un des thèmes abordés par le "Memento piste", un ouvrage de vulgarisation du savoir des entraîneurs nationaux de la FFC destiné aux éducateurs. Et lors des présentations de l'ouvrage, les questions sur les braquets reviennent fréquemment. Steven Henry, un des auteurs, revient avec DirectVelo sur ce sujet qui reste primordial dans un sport sans dérailleur.

DirectVelo : Sans dérailleur, le braquet est-il plus important ?
Steven Henry : Le choix du braquet reste toujours LA question, ou une question centrale. À chaque entraînement, à chaque compétition. Si on s'est planté, on ne peut pas changer en cours de route.

Est-ce qu'il y a une grosse demande de conseils au sujet des braquets ?
Il y a des demandes par rapport aux temps à atteindre mais il faut surtout partir du coureur. Il ne faut pas mettre gros pour mettre gros. C'est le bon sens qui doit guider les éducateurs. Je serais favorable à faire sauter les limites de braquet sur la piste, comme sur la route. Entre le travail de vélocité et de force à l'entraînement, tout est une question d'harmonisation.

« NOUS MANQUONS D'ÉPREUVES DE RÉFÉRENCE »

Et en compétition ?
Le memento peut répondre à une demande mais ne remplace pas la pratique. Le problème c'est qu'il y a très peu d'épreuves sur piste pour que les coureurs puissent essayer ces braquets, voir les élites courir. Nous manquons d'épreuves de référence, comme la Journée de l'Américaine, la manche piste de la Coupe de France Juniors.

Comment décider du braquet ?
Le choix du braquet fait partie du profilage de l'athlète. L'objectif c'est de produire de la puissance soit par la force, soit par la vélocité. On est sur des cadences de pédalage supérieures à celle de la route. Avant on tournait à 125 tr/min, maintenant la fréquence diminue avec les braquets. On se rapproche des cadences sur lesquelles ils produisent leur puissance sur la route, ça permet peut-être un transfert plus facile entre la piste et la route.

La crainte de mettre trop gros existe-t-elle ?
Dans le vélo, il y a aussi les vieilles croyances qui disent "si on met gros, on va s'écraser". Or ce n'est pas vrai, les coureurs qui mettent gros s'écrasent moins que ceux qui jouent la vélocité.

« MÊME PAS LES BRAQUETS D'ÉCHAUFFEMENT D'AUJOURD'HUI »

Depuis quand constates-tu l'évolution des braquets sur la piste ?
Quand j'étais CTR de Normandie, il y a 15 ans, on mettait ce que les "grands" mettaient, 52 ou 53x15 en poursuite par équipes alors qu'aujourd'hui ce ne sont même pas les braquets d'échauffement. L'augmentation des braquets a vraiment accéléré pendant l'olympiade de Tokyo, notamment entre 2017 et 2018. Les braquets et l'amélioration de l'aérodynamisme ont permis l'augmentation des performances. Ça va plus vite partout. Ça fait partie de l'évolution de la discipline, on joue plus sur la force que la vélocité, comme sur la route.

La musculation est-elle indispensable pour se préparer à tirer plus gros ?
Avant la musculation, il y a déjà le renforcement des muscles profonds et le gainage. Ça permet de ne pas balancer des watts à droite et à gauche. Le travail de départ passe par une meilleure posture qui permet une meilleure transmission de puissance. Il y a des étapes à mettre en place chez les jeunes avant la musculation, sans investir dans du matériel.

« ON FONCTIONNE SUR LA CADENCE DE PÉDALAGE »

Combien de temps faut-il pour digérer le braquet quand on arrive en équipe de France ?
On fonctionne sur la cadence de pédalage, la vitesse optimum pour produire de la puissance. Dès qu'ils arrivent avec nous, on essaie de coller ce qu'on fait avec les élites, ça permet de réduire le temps d'adaptation entre les jeunes et les élites. Par exemple, Eddy Le Huitouze s'est bien adapté, même si son braquet est un peu plus petit que les autres.

Et avec l'augmentation des braquets, y a-t-il encore de la place pour des coups tactiques ?
Oui. Par exemple, quand Donavan Grondin est Champion du Monde de scratch à Roubaix, nous avons fait le choix tactique d'un gros braquet pour jouer le sprint à la fin. Pour que ça marche, il ne fallait pas être enfermé et il a tenu 2,75 tours en tête. Le choix tactique du braquet existe encore.

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