Steven Henry : « Ça renforce le titre de Benjamin »

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Benjamin Thomas a apporté à la FFC la dernière de ses quatre médailles d'or des Jeux de Paris 2024, grâce à sa victoire dans l'Omnium. Mais dans les autres épreuves du programme olympique, l'endurance a eu du mal à retrouver son niveau des dernières années dans les Championnats du Monde. Steven Henry, l'entraîneur national, revient pour DirectVelo sur cette semaine olympique qui arrivait après une première longue semaine de compétition.

DirectVelo : En poursuite par équipes chez les Hommes, est-ce que vous avez atteint la meilleure place possible ?
Steven Henry : Nous avons fait une bonne entrée en matière avec le 3'45"5, c'est ce que nous visions. Mais au 1er tour (qui décide des places en finale, NDLR), pour espérer atteindre la petite finale, il fallait faire une grosse poursuite pour espérer faire 3'43". On a tout tenté (ils ont fait 3'45"5, NDLR). Le lendemain, pour le match 5-6, il ne fallait pas se tromper d'objectif, pour Benjamin (Thomas), c'était l'Omnium. Il y avait aussi trop de temps entre le 1er tour et le match 5-6, d'habitude c'est dans la même journée. On n'a pas de regrets, j'avais dit entre 3 et 6 mais devant, ça allait trop vite. On n'avait pas dans les jambes les 3'42"5, au mieux, on valait 3'44".

« PERSONNE N'A DE MARGE »

La poursuite par équipes va tellement vite que la moindre erreur est fatale...
Personne n'a de marge. En qualification, on avait fini à quatre. Pour le premier tour, on espérait que des équipes explosent mais c'est arrivé en petite finale avec le Danemark.

Le résultat de la poursuite par équipes féminines est-il une déception ?
On savait qu'il y avait de la densité. Les USA avec leur composition (avec Chloé Dygert, Kristen Faulkner ou encore Jennifer Valente NDLR) allaient revenir dans le match pour le podium. La Grande-Bretagne, même sans Katie Archibald, étaient très costauds. Au 1er tour, le départ raté nous coûte peut-être la petite finale (4'08"2 contre 4'07"4 pour les Italiennes NDLR) mais le 4'04" (pour rentrer en finale, NDLR) était encore trop haut pour les filles. Nous valons au mieux en 4'05"5 et 4'06", avec le P24 qui est aérodynamique. Elles se sont bien remobilisées pour le match 5-6. Contrairement aux garçons, l'enchaînement après le 1er tour avait lieu le même jour.

« MIEUX TENIR COMPTE DE LA GESTION DES ÉMOTIONS »

Samuel Monnerais déclarait qu'il y avait un manque de puissance chez certaines filles. La préparation s'est-elle bien passée ?
Globalement oui. Elle a duré sur la longueur depuis début juin. C'était un peu long d'attendre encore après la première semaine des Jeux. C'était aussi la première fois qu'elles arrivaient aux Jeux avec des attentes de médailles. Au moment du bilan, il faudra peut-être mieux tenir compte de la gestion des émotions. On n'a pas assez bien travaillé cet aspect mental.

Après les résultats de la poursuite, est-ce que ça sera facile de convaincre les groupes sportifs de laisser à disposition les coureurs ?
On n'en est pas encore là. On attend déjà de l'UCI d'avoir une vue sur les modes de qualification pour les Jeux olympiques de 2028. Je remercie tous les groupes sportifs, chez les Hommes et chez les Femmes, qui ont libéré leurs coureurs depuis la fin mai. La poursuite par équipes est très énergivore, en moyens humains, financiers. Il faut que l'UCI se demande comment mettre en valeur les athlètes qui font de la double activité. Il manque aux équipes dont les coureurs font des résultats sur piste un retour sur les points UCI et même pour les coureurs. Les Pays-Bas ont arrêté il y a huit ans la poursuite par équipes pour se concentrer sur les courses en peloton. Il faut une réflexion globale sur l'activité de la piste.

« UN SENTIMENT DE PLÉNITUDE »

Benjamin Thomas a remporté l'Omnium, a-t-il réussi la course parfaite ?
Il marchait fort pendant la préparation. Il a été solide en poursuite par équipes. Le jour de la course, on a senti une atmosphère différente dès le matin. À l'arrivée au vélodrome, on sentait que c'était son jour. Il gagne le scratch, il est éliminé à l'élimination mais Fernando Gaviria fait une faute au même moment. Quand il tombe, c'est le vélo qui est cassé. De mon côté, aussi, j'avais un sentiment de plénitude en arrivant au vélodrome, je n'avais jamais ressenti ça. Ça faisait 24 ans qu'il n'y avait pas eu de Champion olympique sur piste pour la France. Avec le recul, ce sera la journée qui restera des JO pour la piste.

En revanche, dans l'Américaine, a-t-il subi le contrecoup de la chute ?
Benjamin n'est pas sorti de la compétition après sa médaille. Il n'est pas allé au Club France. On a testé son bras mais pas en mode Madison. Il avait tellement de bonnes jambes le jeudi qu'on n'a pas pensé au remplacement. Mais au début de la course, j'ai vu que les relais n'étaient pas bons, il y avait une perte d'énergie. C'est la plus mauvaise Madison depuis quatre ans. Mais sans cette chute, est-ce qu'on aurait joué le podium ? J'attendais mieux des Belges qui font 10e, les Allemands sont en milieu de tableau. C'est une course qui a déjoué tous les pronostics. Les Portugais ont fait une super course, Iuri Letao était le plus fort des JO sur les deux courses en peloton, ça renforce le titre de Benjamin.

« AU BOUT D'UNE PARTIE D'UN CYCLE »

C'était aussi la dernière pour Thomas Boudat...
Il y a forcément de la déception, ça finit en eau de boudin, ça ne remet pas en cause tout son professionnalisme, ça ne reflète pas sa carrière. Il n'était pas venu pour faire ça. Mais il va falloir revenir à la réalité et accompagner les athlètes pendant le mois de septembre. Le Mondial dans deux mois paraît lointain. C'est un peu une sensation de vide. Depuis 2016, on est dans la construction des collectifs. On arrive au bout d'une partie d'un cycle.

Comment expliquer la 6e place de l'Américaine féminine ?
6e, c'est une déception. Il n'y a pas de podium. Marion (Borras) n'était pas à 100% à cause d'une infection qu'on a peut-être sous-estimée, ça lui a provoqué beaucoup de stress. C'était bien parti pour Marion et Clara (Copponi) mais ensuite elles ont manqué de lucidité et elles sont sorties du schéma préparé par Samuel (Monnerais). Après les premiers sprints, elles devaient attendre pour aller doubler, comme l'ont fait les Pays-Bas. Au lieu de ça, elles ont fait de gros efforts pour marquer un point dans les sprints. On sait qu'une équipe qui double est à 100% sur le podium. C'est leur plus mauvaise course depuis plusieurs années. Elles sont arrivées avec un statut de favorite, c'est quelque chose qu'on n'a pas su prendre en compte, ça fera l'objet d'un bilan cet hiver.

« JE LES LAISSE TRANQUILLES »

Comment analyses-tu l'Omnium de Valentine Fortin (16e) ?
Son scratch reflète l'aspect mental. Comme elle n'était pas attendue, elle avait la volonté de surprendre. Elle attaque mais elle se retourne immédiatement. Après la course, elle a évoqué cette peur. Mais elle n'était pas à la ramasse physiquement, sinon elle n'aurait pas été capable de faire cette élimination (11e, NDLR) ni cette course aux points où elle court plutôt bien (elle a doublé une fois, NDLR). C'est plus une défaillance mentale mais c'est une lacune de l'ensemble du collectif, y compris la nôtre, le staff.

Quels seront les prochains rendez-vous de l'équipe d'endurance ?
Je les laisse tranquilles. Certains vont recourir rapidement sur route. Oscar (Nilsson-Julien) sera au Tour Poitou-Charentes. Je ferai le point au début du mois de septembre en vue du Championnat du Monde. On n'en a pas encore parlé avec les athlètes. Au Mondial, nous ne participerons pas à toutes les épreuves. Nous ne serons pas à l'élimination ni à la poursuite individuelle femmes car nous n'y avons pas participé en Coupe des Nations. Nous ferons quelques jours d'entraînement avant Copenhague. Les équipes auront la priorité, il y a des courses WorldTour en même temps en Chine (Tour de Guangxi et l'Ile de Chongming).

Oscar Nilsson-Julien était présent au vélodrome comme remplaçant. C'est important pour la suite ?
Ce n'était pas un rôle évident, celui de remplaçant. Il était tout le temps présent avec nous. Il a vu ce que c'étaient les Jeux, la grandeur, médiatique notamment. Ça lui a donné beaucoup d'envie de vivre ces émotions à l'avenir. Lui sera au Championnat du Monde.

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