David Lappartient : « Quand on a une responsabilité, on l’assume »

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Crédit photo Xavier Pereyron / DirectVelo

Il s’est présenté à la presse en milieu de matinée, au Palais des Congrès de Zurich. Président de l’UCI, David Lappartient a tenu à faire part de son émotion après l’annonce de la mort de Muriel Furrer, qui a perdu la vie au lendemain de sa violente chute sur l’épreuve Juniors Femmes sur route, dans des circonstances encore très floues - et qui le resteront peut-être indéfiniment -. Bien que d’autres sujets, comme celui de l’avenir de la catégorie Espoirs Hommes (lire ici) et l’évolution du peloton féminin (lire ici) aient été brièvement évoqués, c’est bien sûr en grande partie de sécurité qu’il a été question durant ces 40 minutes d’échange avec les médias. DirectVelo était présent à cette conférence de presse, lors de laquelle David Lappartient a d’abord tenu, en introduction, à préciser à quel point ce drame “affecte tout le monde. La famille, Swiss Cycling, toutes les Fédérations, les journalistes, les fans, le comité d’organisation… Ce Mondial devait être une grande fête et nous sommes tous touchés par cet accident, cette tragédie. On se sent très mal”. Entretien. 

DirectVelo : Avez-vous hésité à mettre un terme à ce Championnat du Monde ?
David Lappartient : Nous ne sommes pas les seuls décisionnaires. Il y a un comité d’organisation, des autorités, la police… Une telle décision se prend tous ensemble. Mais je considère à titre personnel que tout arrêter n’aurait pas nécessairement été la meilleure façon d’honorer sa mémoire. On a discuté avec les représentants de Swiss Cycling, ils ont également eu une réunion interne hier (vendredi) soir. Ils ont envisagé plusieurs façons de célébrer la mémoire de Muriel. On va continuer jusqu’au bout mais bien sûr, en étant minimalistes. Il n’y aura pas de musique, pas de festival, pas de gala.

Comment comptez-vous soutenir la famille de Muriel Furrer ?
On leur présente toutes nos condoléances, bien évidemment. Avec mon directeur général, on a aussi proposé, s’ils le souhaitent, de les rencontrer. Ça se fera, ou non, en fonction du bien vouloir de la famille. Peut-être qu’ils ne préfèrent pas, ou peut-être plus tard. Mais on se doit d’apporter tout notre soutien.

« NE PAS TIRER DE CONCLUSIONS HÂTIVES »

Jeudi, l’UCI a attendu la fin d’après-midi pour annoncer cette chute et la gravité de la situation. Quel a été le processus interne durant ce laps de temps ?
J’ai été informé très vite via mon directeur général. J’ai ensuite, bien sûr, suivi la situation. Dans ces cas-là, la façon de communiquer se pose toujours. Quel timing ? Quelles informations ? Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que la priorité est de s’assurer que nous informions nous-mêmes la famille de l’évolution de la situation. On ne veut pas qu’ils apprennent des choses à travers la presse.

Certains coureurs rappellent que sans radio, il est impossible de prévenir les directeurs sportifs, à l’arrière, qu’un coureur est allé au sol au milieu de nulle part…
Déjà, on ne sait pas exactement ce qu’il s’est passé dans ce cas précis. C’est à la police d’établir quelle était la situation et où ça s’est passé exactement. Je ne veux pas tirer de conclusions hâtives. Différents scénarios sont possibles. Je ne veux pas que cet accident soit utilisé pour le sujet des radios en course. On pourrait aussi dire que certains coureurs tombent à cause des radios. Le sujet est complexe. Attention donc de ne pas tirer de conclusions générales sur un cas, ce n’est pas si simple et on le sait tous.   

« LE QUESTION DE LA SÉCURITÉ SE POSE D'ABORD À L'ENTRAINEMENT »

Les chutes violentes, aux conséquences importantes voire dramatiques, semblent de plus en plus nombreuses. Quel discours tenir à des parents qui ont peur d’inscrire leurs enfants dans une école de vélo ?
Il faut admettre que c’est une bonne question, bien sûr. On n’est pas dans un stade de foot, où les risques sont limités. La plupart des accidents sont à l’entraînement et non en course, avec des athlètes renversés. Bien sûr, quand ça arrive en course, l’impact est généralement plus important car c’est filmé. Mais pour moi, la question de la sécurité se pose d’abord à l’entraînement, notamment dans les grandes villes. Je ne vais pas donner tous les noms de ceux qui ont perdu la vie à l’entraînement mais la liste est longue. Et à chaque accident, on se demande ce que l’on peut faire. En tant que parents, on a peur de voir nos enfants sur la route, je le comprends. Dans beaucoup de pays, il y a eu de gros investissements, ça s’améliore. Mais il y a encore du travail. Le sujet est très délicat et compliqué. L’an passé, lors de la mort de Gino Mäder, je me suis rendu sur place le lendemain. On ne comprenait pas. Il est tombé dans une courbe large, sans obstacle spécifique. Ce n’est pas si facile de définir tous les dangers même s’il y a des choses à améliorer. Ce qui est sûr, c’est qu’il y a de plus en plus d’obstacles sur la route. C’est bien pour les véhicules au quotidien, mais les dos d’ânes etc, compliquent la tâche des organisateurs de courses cyclistes. On peut modifier les circuits mais ce n’est pas toujours évident. La question de la sécurité est très vaste et complexe.

Est-ce à dire que vous considérez que l’UCI n’a aucune responsabilité dans la mort de cette jeune femme, bien que ce terrible accident soit intervenu lors d’un événement phare de votre entité ?
Lorsque j’ai posté mon message de condoléances sur les réseaux sociaux, le premier commentaire que j’ai reçu en réponse, c’était : “Your fault” (= c’est de votre faute, NDLR). Je comprends que la responsabilité de l’UCI, et celle de ma personne en particulier, puisse être engagée. Mais je trouve tout de même que c’est une conclusion assez facile. Dans quelles circonstances est-elle tombée ? On n’en sait rien pour le moment. Quand on a une responsabilité, on l’assume. C’est normal, c’est ce que l’on attend de nous. Mais est-on certain d’avoir une responsabilité dans ce cas précis ? Quand il y a une chute, on veut toujours trouver un coupable. Et l’UCI est le coupable idéal. On doit améliorer notre système, mais attention à ne pas tout confondre. On essaie de trouver des solutions. Je donne un exemple : l’interdiction du Tramadol. C’est un produit interdit lorsque l’on est au volant. Et pourtant, les coureurs en prenaient. On est bien là, entre autres, sur une question sécuritaire. Envoyer un SMS au volant est interdit mais on trouve normal que les coureurs tapotent sur leur Garmin en course. Il y a des discussions de fond à avoir. On a écarté ou relégué des courses où la sécurité était jugée insuffisante. Des experts de la sécurité se réunissent chaque semaine. On travaille, mais on ne pourra jamais éviter toutes les chutes. Deux coureurs peuvent frotter, se toucher et tomber sur n’importe quelle route de n’importe quelle course. Selon moi, le problème principal, c’est l’accentuation constante du nombre d’obstacles sur la chaussée. C’est un problème pour tous les comités d’organisation.

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