Le kilomètre 0 n'est pas atteint sur la longue ligne droite à la sortie de Ploërmel que la radio grésille : "Côtes d'Armor au peloton". Mickaël Leveau, le directeur sportif, déboite de la file et remonte dare dare à la hauteur du président du jury. Ludo, le mécano, n'aura pas besoin de sortir pour une fois. C'est Owen James qui veut se débarasser de sa "bâche". Le Gallois va rouler au sec. Mais ce n'est pas la dernière émotion  qu'il va procurer à son équipe de la journée.

La voiture bleue de Côtes d'Armor-Marie Morin-Véranda Rideau est une des plus remarquée par le public. "C'est parce que le nom Côtes d'Armor est en premier", explique le directeur sportif. "L'amiraglia" comme disent les Italiens, avec le numéro 23, est loin dans la file. Son compteur affiche 53 km/h de moyenne dans les premiers kilomètres, avant que le peloton ne laisse partir Johan Jacobs, Alan Jousseaume puis Florentin Lecamus-Lambert.

Il faut attendre que Damien Poisson descende à la voiture médecin pour aller prendre des nouvelles. Le vainqueur du Circuit du Mené souffre du ventre. "J'étais dans le premier coup dangereux de quinze coureurs", fait-il savoir à son DS. D'autres confrères viennent demander des nouvelles d'Aurélien Le Lay victime d'une lourde chute la veille et qui a retrouvé ses équipiers au départ de Ploërmel, pansé de partout.

LES VACHES FONT RIDEAU

Les SEG du maillot vert à écharpe blanche Alberto Dainese ne laissent pas la bride sur le cou des échappés.  Tout est à refaire à 70 kilomètres de l'arrivée. En rebattant les cartes, l'équipe hollandaise remet dans le jeu les Côtes d'Armor-Marie Morin-Véranda Rideau, surtout quand Owen James attaque en compagnie de Tom Dernies. Vite rejoints par Maxime Daniel en grande forme depuis le début du Tour de Bretagne.

A ce moment-là de la course, le retour du peloton est l'issue la plus probable, surtout avec un Maxime Daniel bien placé au général. "C'est une échappée intéressante pour lui, en 40 bornes d'effort, il peut prendre 6" de bonif", calcule-t-il.

Avec l'écart au dessus de la minute, la voiture remonte au peloton pour tenter de doubler. Au même moment, un troupeau de vaches casse le fil de clôture et provoque une cassure dans le peloton des DS, juste derrière la voiture bleue de Côtes d'Armor, "ça a fait rideau!". Vu l'étroitesse de la route empruntée, Mickaël Leveau préfère renoncer. "Je vais me garer sur le circuit pour les attendre".

Rendu à Châteaubriant, il laisse donc passer un tour pour voir et parler à son coureur pour la seule et unique fois de la course. "Laisse la bonification au dossard 22 [Maxime Daniel NDLR], il va peut-être se relever après", demande-t-il à Owen James. Le retour du peloton à 30" oblige le directeur sportif à reprendre sa place dans la queue de la file des DS.

« ALLEZ, ÇA SE LANCE DE LOIN ! »

C'est de là, l'oreille grande ouverte vers Radio-Tour que l'espoir va grimper crescendo. D'abord l'arrivée de la pluie sur ce circuit sinueux ne désavantage par un groupe d'échappée. Ensuite l'écart ne descend plus sous les 20". Les chutes dans le peloton qui n'aident pas à l'organisation.

Et puis la radio annonce la crevaison de Maxime Daniel. Mickaël Leveau a d'abord une pensée pour le coureur d'Arkéa-Samsic. "Il a vraiment pas de bol!". Ensuite, l'ancien coureur retrouve ses réflexes et essaie de transmettre par la pensée à Owen James la tactique à adopter. "Allez, ça se lance de loin". Et c'est justement ce que fait le Gallois à la sortie du dernier virage (lire ici).

La radio annonce "le 3 seul en tête". C'est le dossard du coureur de Côtes d'Armor. Avant de donner la phrase libératrice : "victoire du 3". Explosion de joie dans la voiture, grosse poignée de main entre Micka et Ludo, et grosse émotion. Le téléphone ne tarde pas à sonner. Le premier à appeler est Sébastien Cottier, l'autre DS de l'équipe de DN1. "J'ai suivi l'arrivée, c'était chaud avec le retour du peloton !". Mickaël Leveau va devoir encore attendre avant de revoir son coureur. Il est même rendu avant le vainqueur du jour au podium protocolaire mais ils en repartiront ensemble.