Le Mont Ventoux se cherche une place

Crédit photo William Cannarella - DirectVelo

Crédit photo William Cannarella - DirectVelo

Ce lundi, Jesus Herrada a remporté la première édition du Mont Ventoux Dénivelé Challenge, en devançant au sommet du mythique col provençal le grand favori Romain Bardet (voir classement). Placée au lendemain de la fin du Critérium du Dauphiné, l’épreuve n’a pu compter sur la présence que de douze formations, pour un total de 80 coureurs. Comment expliquer cette situation ? Que faire pour changer la donne l’an prochain ? Que faut-il garder, que doit-on changer, ou faire évoluer ? DirectVelo fait le point avec Nicolas Garcera, l’organisateur de la nouvelle née.

DirectVelo : Quel bilan tires-tu de la 1ère édition de ton épreuve ?
Nicolas Garcera : Le bilan est bon. On n’en espérait pas autant, à vrai dire. Je suis ravi. Il y a eu un gros boulot de préparation évidemment, et nous étions prêts le Jour-J. Nous avons eu la chance d’avoir de superbes conditions météo, et un joli spectacle. Romain (Bardet) n’a pas gagné, mais quelque part, ça aurait presque paru fade qu’il l’emporte, tant il était cité comme archi-favori. Aucune équipe n’a écrasé la course et nous avons vu un grand Herrada. En terme d’engouement, je ne savais pas si le public allait être au rendez-vous, un lundi. Mais finalement, le village départ était bien animé, et même s’il n’y avait pas une énorme foule au sommet du Mont Ventoux, il y avait des gens tout au long du parcours, et ça m’a fait très plaisir. Les prestataires étaient également très bien coordonnés. Il n’y a pas eu d’accroc. Le fléchage était bon, la sécurité a été parfaitement assurée… J’ai été très heureux de la couverture télévisuelle également. On a vraiment voulu poser des bases solides avec une course de qualité. Je crois que c’est réussi.

Le point noir, d’un point de vue sportif, est sans nul doute ce maigre peloton de 80 coureurs au départ de Vaison-la-Romaine, avec seulement douze équipes engagées. Comment l’expliquer ?
J’ai vu et lu tout ce qu’il s’est dit ces derniers jours. Beaucoup de monde évoque le calendrier, mais il ne faut pas oublier que l’on parle d’une nouvelle épreuve du calendrier. On n’avait jamais organisé la moindre course auparavant. Certains ne comprennent pas qu’il n’y ait pas eu un plus grand nombre d’équipes WorldTour ? Mais ce ne sont pas aux équipes du WorldTour de prendre le risque de venir sur une course dont elles ne savent rien, alors qu'on pourrait faire de la merde. Je le comprends. J’aurais aimé avoir tous les plus grands champions dès cette année, mais il faut être réaliste. Et puis, regardez ce qu’il se passe sur les autres courses du calendrier. Combien y’a-t-il de formations WorldTour étrangères sur les épreuves de Classe 1 en France ? On ne pouvait pas s’attendre à en avoir dix. 

Tu devais tout de même espérer un peloton plus fourni ! 
A la base, nous devions avoir quatorze formations. Manzana Postobon devait être partie nous, mais on sait ce qu’il s’est passé pour eux (formation dissoute suite à plusieurs cas de dopage, NDLR). La Wanty-Gobert s’est retirée à la dernière minute… Quatorze équipes, ce n’était pas si mal. En terme de budget, je n’avais de toute façon pas envisagé de prendre plus de quinze équipes. Nous aurions pu avoir les Conti françaises (St-Michel-Auber 93 et Natura4Ever-Roubaix Lille Métropole, NDLR), mais elles ont préféré ne pas venir et s’orienter vers la Ronde de l’Oise. Cela a bien réussi et je suis d’ailleurs ravi pour notre voisin Anthony Maldonado (lauréat de l’épreuve, NDLR). Mais, dans l’absolu, peut-être que pour leurs sponsors, à l’avenir, ça peut être aussi bien de venir faire un résultat ou une longue échappée sur notre épreuve télévisée.

« NOUS NE POURRONS JAMAIS SATISFAIRE TOUT LE MONDE »

L’idée sera donc de partir à quinze formations l’an prochain ?
Quinze voire seize, ce devrait être bon. La grande priorité sera de trouver des partenaires pour l’année prochaine. Cette année, nous avons sorti une bonne partie de l’argent de notre poche. Pour lancer le projet, ça me semble normal, c’est un investissement. Désormais, pour pérenniser le projet, il va falloir que d’autres partenaires nous rejoignent. L’argent est le nerf de la guerre. 

Abordons maintenant l’épineuse question de la date de l’épreuve au calendrier : que comptes-tu faire pour l’édition 2020 ?
C’est une situation tellement complexe... Ce n'est pas une décision que nous prenons seuls. Le choix se fait en concertation avec les représentants des coureurs, avec la Ligue… On doit jongler avec les autres courses du calendrier, et il faut aussi penser à la télé. Si nous avions décidé de placer la course quelques jours plus tôt, nous aurions été en plein Roland-Garros, et ça n’allait pas. L’autre critère est météorologique. On ne peut pas disputer l’épreuve avant la mi-mai, car le col est fermé par la préfecture et le risque d’avoir de la neige en haut est trop important. Quelles sont nos possibilités ? Les deux derniers week-ends de mai ? Il y a le Tour de l’Ain et bien évidemment, on ne va pas se mettre en concurrence avec eux, c’est une question de respect et de toute façon, on ne peut pas le faire. Plus tard en juin ? Il y a la Route d’Occitanie, puis le Championnat de France… 

Et en fin de saison ? Au mois d’août par exemple, comme suggéré par certains coureurs ?
Nous ne pourrons jamais satisfaire tout le monde, même si nous avions le choix. Le calendrier est surchargé en août, c’est un truc de fou. Et puis, où en seront les grimpeurs entre le Tour et la Vuelta ? Il y a aussi tous les critériums d’après-Tour. Les mecs n’auront pas forcément envie d’aller grimper le Ventoux. Se pose aussi la question de la logistique. Avec le tourisme de masse en août, dans la région, ce n’est pas facile. Nous n’avons pas la puissance et la force de frappe du Tour de France, pour bloquer toutes les routes dans ces proportions. Il resterait le mois de septembre…

« ORGANISER UN DIMANCHE, MAIS ILS SONT TOUS PRIS »

Avant le Tour de Lombardie ?
Cela pourrait être une “préparation”, mais il y a déjà toutes les semi-classiques italiennes. Et puis, les représentants des coureurs m’ont fait comprendre qu’ils seraient peu nombreux à vouloir monter le Ventoux à cette période de la saison, après une Vuelta notamment. Je crois que le plus probable est que l’on reste sensiblement dans les mêmes dates que cette année, mi-juin. Peut-être que l’on pourrait passer le mardi ? Mais il ne faut pas que ceux qui sortent du Dauphiné soient déjà repartis en stage plus loin. Avant le Dauphiné, les coureurs n’auront peut-être pas non plus envie de piocher dans leurs réserves. Essayons peut-être d’être une virgule entre Dauphiné et Route d’Occitanie. 

L'équipe EF Education First explique être venue "sur la route de l'Occitanie"…
Oui, donc ça peut être une idée. Cette année, ce qui est sans doute trompeur, c’est que le Dauphiné s’est terminé en Suisse, très loin du Vaucluse. On n’a vraiment pas eu de cul (sourires). Ce ne sera pas comme ça tous les ans. En tout cas, je ne suis fermé à rien. Il faut réfléchir à toutes les possibilités. Je veux bien organiser un dimanche, mais ils sont déjà tous pris (rires).

Le départ sera-t-il donné une nouvelle fois de Vaison-la-Romaine en 2020 ?
Il n’y a rien de défini et d’arrêté à ce sujet. Il va falloir discuter avec les élus car le plus important, encore une fois, c’est de pouvoir financer la course. A partir de là, nous sommes ouverts à tout. Cela pourrait tourner, avec un départ à Vaison-la-Romaine une fois tous les trois ans par exemple. Mais à l’heure actuelle, on serait plutôt porté vers un parcours identique à celui de cette année. Le parcours a été très apprécié et nous nous en félicitons. On a posé de bonnes bases, les fondations sont solides. Ne reste plus qu’à continuer sur le même chemin, tout en essayant de grossir.

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