En 2017, Koen Monu, l'organisateur du cyclo-cross de Boom dans le cadre du Superprestige, suggérait qu'on limite les primes de départ aux seuls Wout van Aert et Mathieu Van der Poel et que le reste du plateau se batte pour son travail avec un système de bonus aux résultats. Trois ans plus tard, la proposition de Golazo Sports et Flanders Classics (organisateur de la Coupe du Monde) d'aménager ces primes de départ va dans ce sens.

« INTENABLE POUR UN ORGANISATEUR »

Ce mercredi, le site Wielerflits annonçait ce grand changement dans les coutumes du monde des labourés. Ce n'est un secret pour personne que pour attirer les vedettes au départ (Mathieu Van der Poel, Wout van Aert, ...), les organisateurs doivent délier les cordons de la bourse. 10.000 euros pour un Wout van Aert, 12.000 pour Mathieu Van der Poel sont des montants récurrents pour avoir les deux stars de la discipline au départ. En tout, c'est souvent une somme de 50.000 euros (soit généralement un tiers du budget) qui doit être rassemblé pour payer l'ensemble du peloton. "Intenable pour un organisateur", témoigne Jef Van den Broek, organisateur du Krawatencross à Lille depuis 29 ans. Cette part du budget ne fait que grandir avec les années. A l'époque, un Sven Nys au top mondial demandait 6000 euros de prime de départ... Sans parler des coureurs de niveau inférieur qui ont profité de la conjoncture pour réclamer leur part du gâteau. "Mais on ne peut pas les laisser sur le carreau car sinon la taille du peloton va se réduire", avertit le sélectionneur national belge Sven Vanthourenhout. Ce système ne concerne pas la Coupe du Monde pour laquelle il n'y a aucune prime de départ, mais où le barème des prix y est plus élevé que dans les autres challenges de régularité.

La crise du coronavirus aura des répercussions sur la prochaine saison de cyclo-cross. Le nombre de spectateurs devrait être limité, tout comme les accès VIP.  "Je n'ai aucune garantie de pouvoir organiser mon épreuve en février. Par conséquent, des sponsors vont se retirer", assure Jef Van den Broek. Dès lors, les rentrées des organisateurs vont diminuer. Ils auront du mal à garder la tête hors de l'eau et n'auront ainsi pas le budget pour payer les coureurs comme la saison dernière. "Si un coureur a encore le moindre doute là-dessus, il se met le doigt dans l'oeil", avertit le directeur de Belgian Cycling Jos Smets. Pour rappel, un organisateur doit prendre à sa charge la location des tentes invités, le paiement de la licence nationale et internationale, la mise en place d'un plan de mobilité, le personnel de restauration, la sécurité, ...

LES GRANDS NOMS FONT AUSSI LES GRANDES RECETTES

Ces derniers mois, trois réunions ont eu lieu. Une première entre organisateurs, une deuxième entre équipes et une troisième avec les deux groupes d'acteurs. De ces entrevues, il a été convenu que les coureurs étaient enclins à accepter un effort financier cette saison. Toutefois, les deux principaux groupes organisateurs du cyclo-cross, Flanders Classics et Golazo (ainsi que d'autres organisations), veulent profiter de cette crise pour redéfinir, sur le long terme, un modèle financier moins onéreux pour eux, en supprimant les primes de départ et en prenant davantage en compte le mérite sportif par la revalorisation de la grille des prix. Le Top 15 du classement UCI pourra toujours recevoir une compensation financière minimale pour les frais, aussi bien chez les Hommes que chez les Dames. Un point sur lequel Sven Vanthourenhout s'interroge. "Prenons l'exemple actuel de Wout van Aert. Il est 34e au classement UCI. Ne rien lui donner est-il cohérent ? Il y a quelque chose qui ne va pas." De plus, chaque organisateur devrait dépenser une somme fixe pour ces coureurs mais largement réduite par rapport au passé. Wielerflits parle d'une diminution de 30% des coûts pour les organisateurs. A titre d'exemple : le cross de Gullegem octroyait des primes de départ pour un total de 23 200 euros alors que la grille des prix était de 1 525 euros.

Pour autant rien n'est encore définitif. La fédération belge a reçu une proposition mardi soir. "Nous n'avons pas pu regarder ça de près car effectivement, il y a des points sur lesquels nous aimerions débattre", ajoute le coordinateur du cyclo-cross chez Belgian Cycling Eddy Lissens qui est convaincu qu'un accord doit être trouvé avant le début de la saison. Toutefois, la fédération belge est la première à souhaiter un changement de ce système. "Je suis largement favorable à rééquilibrer les choses entre primes de départ et le barème de prix. C'est normal de vouloir récompenser les coureurs selon leurs mérites sportifs", assure Jos Smets qui n'est pas favorable à une suppression définitive des compensations financières pour attirer les grands noms. "Il ne faut pas oublier que ce sont ces grands noms qui font déplacer les foules et donc par conséquent qui permettent à l'organisateur d'augmenter ses recettes. C'est pourquoi je n'ai pas envie de voir des éléments dévoilés sans ce que nous ayons pu en parler en interne d'abord".

Et puis un autre problème se pose. "Si le gouvernement lève quelques interdictions en terme d'assistance, certains cross pourraient se retrouver lésés par la situation", estime Jos Smets qui veut que les décisions soient prises sur du long terme.