Audrey Cordon-Ragot : « La fin d’une grande période de galères »
Sixième titre de Championne de France pour Audrey Cordon-Ragot. Comme l’an passé, la Bretonne a devancé Juliette Labous et Cédrine Kerbaol (voir classement) sur le circuit de Cholet (25.3 km), avec une avance équivalente à celle de 2021 sur sa première dauphine. Après ses quatre titres consécutifs de 2015 à 2018 puis celui acquis l’an dernier, la sociétaire de la Trek-Segafredo ajoute donc un sixième maillot bleu-blanc-rouge à sa collection. Un titre qui a, une fois encore, une importance toute particulière pour celle qui concède avoir vécu de gros moments de doutes lors d’une première partie de saison difficile et décevante. DirectVelo était présent à la conférence de presse de l’athlète de 32 ans après l’arrivée.
DirectVelo : Malgré un début de saison difficile, tu es parvenue à conserver ton titre national !
Audrey Cordon-Ragot : C’est encore un maillot de plus à ma collection. C’est ma discipline de prédilection. Ça représente la fin d’une longue galère. Le début de saison a été très compliqué pour moi mais à force de persévérance, et grâce au soutien de mes proches, j’ai enfin réussi à connaître une belle journée sur le vélo. J’avais quand même le doute jusque sur la ligne de départ. Lors de l’échauffement, je me sentais bien. Je voyais Juliette (Labous) sur ma gauche et je me disais que c’est elle qu’il faudrait battre aujourd’hui (vendredi). J’ai douté jusqu’au premier point intermédiaire et ensuite, j’ai déroulé.
« C’EST UN GROS SOULAGEMENT »
Étais-tu informée des différents temps intermédiaires ?
J’aime bien avoir les écarts et les infos. Au premier intermédiaire, on m’a dit que j’avais quelques secondes d’avance sans savoir combien exactement. J’ai changé ma façon d’aborder le chrono, en découpant l’épreuve en plusieurs sections, en me basant sur des watts à tenir. J’ai bossé ça avec la Fédé. Ce n’est pas mon style car à la base, je travaille plutôt aux sensations. Mais il faut essayer de vivre avec son temps. Cette nouvelle approche a bien marché. Je suis restée concentrée sur mon truc jusqu’au bout. Je suis très fière car Juliette n’est qu’au début de sa carrière et elle a un énorme potentiel. Je ne suis pas encore trop vieille mais j’ai quand même dix ans de plus que Juliette (sourire). Sans oublier Cédrine (Kerbaol), Evita (Muzic) etc. Ces filles-là me poussent à donner le meilleur de moi-même au quotidien.
As-tu le sentiment de pouvoir continuer d’apprendre malgré ta, déjà, grande expérience ?
Je pense qu’on ne cesse de s’améliorer et d’apprendre que quand on est mort. La preuve, c’est la première fois que je travaille sur les watts. Je cherche comment continuer de gagner des secondes sur les chronos. Le but de la Fédé est que l’on puisse rivaliser avec les meilleures mondiales.
On t’a entendu pousser un grand cri de joie après l’arrivée !
Car c’est un gros soulagement. Mon début de saison a été très compliqué. J’ai chopé la Covid et j’ai eu beaucoup de mal à m’en remettre. J’ai beaucoup douté. Ce matin encore, je doutais de moi. Des gens autour de moi m’ont mise en confiance. Une fois partie, j’étais inarrêtable. Jusqu’ici, c’était plus des bas que des hauts. Je n’ai quasiment connu que des bas depuis le mois de mars. Si mes proches n’étaient pas là, j’aurais peut-être arrêté le vélo. Aujourd’hui, c’est la fin d’une grande période de galères. Ça fait beaucoup de bien car j’ai connu des moments compliqués, des moments où je n’avançais à rien et où je pleurais sur le vélo, en stage. Je ne pouvais pas faire les exos demandés. J’ai connu des moments où j’étais suivi par des télé, par France 3, alors que je n’avançais pas… Je me demandais ce que je foutais là, si j’avais ma place sur le Tour, si j’avais encore ma place dans le peloton. Alors aujourd’hui (vendredi), sur la ligne, c’était un cri de soulagement et le début d’une nouvelle saison pour moi. Lors du Women’s Tour (le Tour de Grande-Bretagne), j’ai senti que ça allait mieux. Mais jusque-là, c’était tellement de galères… Je n’arrivais même pas à suivre sur le plat. Pfff… Je pense que personne ne pouvait se mettre à ma place à ce moment-là mais aujourd’hui, je suis fière d’être passée au-dessus de tout ça.
« JE SUIS TRÈS FIÈRE DE N’AVOIR RIEN LÂCHÉ »
Tu traînais donc ta misère depuis un long moment…
Oui, l’année dernière déjà, en fin de saison, je n’étais pas extraordinaire sur la fin de saison, notamment lors des Championnats du Monde. La Covid est vraiment une saloperie. Je pense qu’il n’y a pas assez de recherche sur les conséquences du Covid sur les athlètes de haut-niveau. On ne se rend peut-être pas assez compte des conséquences que ça peut avoir. Pour ma part, en tout cas, je n’étais pas prête à ça. Je n’ai pas été accompagnée du tout. Je n’avais pas assez d’infos, de recul… C’est un peu dommage. Mais encore une fois, je suis très fière de n’avoir rien lâché et d’avoir fait tout ce qui était en ma possession pour revenir à ce niveau-là.
Te verra-t-on au départ du Tour de France fin juillet ?
A priori, je serai au départ du Tour de France, en tant que seule Française de l’équipe. Je vais partir en stage dans les Alpes dès lundi, jusqu’au Tour de Belgique. Puis j’enchaînerai avec le Tour de France. Ce sera une approche différente de la plupart des filles qui iront d’abord au Giro. Je pense que je serai très stressante au départ de Paris. Les premières étapes ne seront pas faciles à gérer mais en tant que Française, je serai très fière d’y être et de pouvoir disputer un Tour de France.
Dans quel état d’esprit aborderas-tu ce Tour de France ?
Depuis l’annonce du Tour, les athlètes françaises ont été extrêmement sollicitées. Je pense qu’on m’en a parlé tous les jours depuis l’annonce du Tour. J’imagine que c’est la même chose pour des filles comme Juliette. De mon côté, j’irai entre guillemets en tant que “chouchou des Français” mais pas vraiment en tant que favorite ou potentielle gagnante comme Juliette peut l’être. J’ai moins de pression car je serai là pour faire le job pour mes coéquipières. Je n’ai pas la pression du classement général comme une Juliette ou des Romain Bardet ou Thibaut Pinot chez les hommes.