Serge Pauwels : « Kigali et l'Ardèche, un puzzle à assembler »

Crédit photo A.S.O / Charly Lopez

Crédit photo A.S.O / Charly Lopez

Cette saison, Serge Pauwels va succéder à Sven Vanthourenhout en tant que sélectionneur national belge. À l'occasion du salon Velofollies, DirectVelo s’est entretenu avec l’ancien coureur. Le vainqueur d’une étape du Tour d’Italie 2009, 41 ans aujourd’hui, revient sur sa nomination, explique ses méthodes et annonce les objectifs de la sélection nationale pour 2025.

DirectVelo : Après avoir été l'assistant de Sven Vanthourenhout et le sélectionneur des Juniors, te voilà sélectionneur des Élites. Est-ce un aboutissement ?
Serge Pauwels : En 2020, j’avais noté dans un carnet personnel : “où veux-tu être dans cinq ans ?” et j’y avais inscrit : “en 2025, devenir entraîneur principal pour les Élites”. Je voyais ça comme l’aboutissement de mon parcours au sein de la fédération, en effet. Cela dit, cette nomination arrive plus tôt que prévu, car je pensais que Sven continuerait encore quelques années.

Comment s'est déroulé le processus de candidature ?
Quelques jours après l'annonce du départ de Sven, j’en ai discuté pour la première fois avec le directeur technique Frederik Broché, le président Tom Van Damme et la directrice Nathalie Clauwaert. J’ai immédiatement exprimé mon ambition. Ils en ont pris note. Ensuite, tout cela a pris du temps parce qu'il y a eu le Championnat du Monde à Zurich. Tom Van Damme a dû participer à un Congrès de l'UCI en Chine. Si quelqu'un d'autre avait été pris, je me serais posé des questions sur mon avenir à la fédération. Après trois années en tant que development coach, un an comme sélectionneur des Juniors, adjoint des U23 et des Élites, cette nomination est une étape logique pour moi. J’ai participé à presque tous les Mondiaux et Championnats d’Europe, ainsi qu’à chaque réunion importante. Sven prenait la parole, mais j’observais attentivement tout ce qui concernait la cohésion d’équipe, la logistique et les tactiques sportives. J’ai également travaillé avec de nombreux jeunes coureurs qui brillent maintenant chez les professionnels, comme De Lie, Nys, Van Eetvelt, et Uijtdebroeks avec qui j’ai gagné le Tour de l’Avenir en 2022.

Philippe Gilbert était également candidat. Aurais-tu pu faire un duo avec lui ?
Je n'y ai pas pensé. Ça n'aurait peut-être pas été pratique. Quand il faut donner des consignes et des tactiques, ce n'est pas bon d'écouter plusieurs personnes. C'est mieux d'avoir un point de référence, une ligne de conduite. Ça aurait pu marcher, ou pas… 

« IMPOSSIBLE DE COMBINER COURSE EN LIGNE À KIGALI ET LE CHRONO EN ARDÈCHE »

Qu’est-ce qui fait, selon toi, un bon sélectionneur ?
Avant, le sélectionneur était juste celui qui faisait les sélections. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus large. Il faut dialoguer avec les coureurs, comprendre leurs objectifs, et établir un plan clair. Mais, en fin de compte, il faut aussi être capable de prendre des décisions difficiles. Je veux surtout avoir une excellente communication avec tout le monde et que la répartition des rôles soit limpide.

Comment vas-tu gérer l’enchaînement très rapide entre le Mondial rwandais et le Championnat d’Europe ardéchois ?
C’est comme un puzzle à assembler. Les courses en sont les dernières pièces. Le travail commence dès le début de l’année. Je commence donc par rencontrer chaque coureur pour discuter de leurs ambitions et de leurs objectifs. La première chose à déterminer est quels sont les coureurs motivés pour participer à ces événements. C'est pourquoi j'ai été en Espagne durant l'hiver où il est très facile de voir beaucoup de coureurs en peu de temps. Après leurs entraînements, ils s'installent simplement à l'hôtel de l'équipe, dans une ambiance très décontractée. C'est certainement plus facile que de parcourir toute la Belgique en voiture. J'ai eu des rendez-vous avec les responsables sportifs de Lotto, Soudal Quick-Step, Lidl-Trek et Visma-Lease a Bike et j'ai ensuite eu des conversations informelles avec les coureurs.

Est-il possible pour un coureur de participer aux deux compétitions ?
Si nous parlons des deux courses en ligne pour les Élites, oui. Par contre, il ne sera pas possible de combiner l'épreuve en ligne du Championnat du Monde prévue le dimanche et le contre-la-montre du Championnat d'Europe le mercredi suivant. Le retour du Rwanda se fait le lundi soir, avec une arrivée à Bruxelles mardi matin, ce qui rend la logistique complexe. Mercredi, il faut déjà prendre le TGV pour Valence. Nous aurons d'ailleurs deux équipes au niveau du staff, une pour Kigali et une autre pour l'Ardèche.

« TOUT LE MONDE DEVRA ÊTRE VACCINÉ »

Que penses-tu des parcours de ces deux grands Championnats ?
Ce sont deux parcours exigeants. Celui du Rwanda favorise les grimpeurs, avec l’altitude et de longues ascensions. Celui de l’Ardèche est peut-être adapté aux coureurs spécialistes des Ardennaises. Je vais personnellement me rendre sur place le mois prochain, au Rwanda, et en mars en Ardèche afin de mieux évaluer les parcours. Guillaume Bonnafond, un ancien collègue habitant en Ardèche, m'a confié que c'était vraiment très dur. Ça va aussi faciliter les choix car nous n'avons pas 20 grimpeurs en Belgique, susceptibles d'intégrer la sélection. Il y aura un certain nombre de coureurs qui participeront aux deux Championnats, mais il se peut aussi que certains coureurs se concentrent uniquement sur le Championnat d'Europe. Tout cela est encore ouvert pour le moment. Maxim Van Gils, par exemple, qui passe une grande partie de l'année à Grenoble avec sa compagne, a déjà indiqué que les Championnats d'Europe sont une belle course pour lui. Et s’il poursuit la tendance de 2024, il pourra certainement y obtenir un résultat.

Quels sont les challenges auxquels les coureurs feront face pour ce Championnat du Monde en Afrique ?
Le Rwanda comporte trois grandes sources de stress : l’altitude (tout est au-dessus de 1400 mètres, NDLR), la chaleur, et la distance. En plus de cela, la question des vaccins a été discutée. Heureusement, après des conversations avec les coureurs, ce n’est pas un problème pour eux. En revanche, nous voulons nous assurer que chaque coureur est médicalement suivi pour éviter les complications.

Comment la Fédération va-t-elle gérer cette histoire de vaccins ?
Notre point de vue est que tout le monde devra être vacciné contre la fièvre jaune. Nous ne voulons pas voir un coureur ou un membre du personnel non vacciné se retrouver à l'hôpital là-bas. Ce qu'il faut surtout éviter, c'est qu'il y ait des coureurs qui doivent encore le faire en septembre. Ils devront prendre certaines décisions eux-mêmes, car ce n’est pas parce que quelqu’un a déjà été vacciné que je peux garantir une sélection. Pour beaucoup, il serait préférable de le faire pendant une période de repos, par exemple après les Classiques. C'est pourquoi il est également important que nous continuions à bien communiquer. En partie grâce à ces vaccinations, je souhaite qu'une présélection pour le Championnat du Monde soit prête en juin. Ce ne sera pas encore définitif, mais ce ne sera sans doute pas une sélection de vingt coureurs.

« APRÈS MA RECO AU RWANDA, JE BRIEFERAI WOUT VAN AERT »

Remco Evenepoel apparaît comme le leader naturel de l'équipe pour Kigali. Qu'en est-il pour Wout van Aert ?
Chez Visma-Lease a Bike, il est parfois coéquipier, mais avec l'équipe nationale, Wout doit toujours aspirer au leadership ou au co-leadership. Il devra choisir lui-même s’il souhaite participer au Championnat du Monde. Après ma reconnaissance au Rwanda, je brieferai Wout et ensuite, ce sera à lui de décider. Pour être honnête, je pense qu’il n’y a pratiquement aucun parcours que Wout ne puisse pas aborder avec ambition. Quand on voit que (Mathieu) Van der Poel est monté sur le podium sur un parcours difficile à Zurich, Wout aurait pu le faire aussi. Cependant, aujourd’hui, vous avez encore un autre facteur : (Tadej) Pogacar. Comment pouvons-nous lui rendre la tâche aussi difficile que possible ? C'est une question qui me préoccupe plus que celle du tracé. C'est une chose à laquelle tout le monde doit penser.

Et Thibau Nys dans cette histoire ?
Théoriquement, ça reste envisageable, notamment s'il parvient à s'imposer lors d'épreuves telles que la Flèche Wallonne. Il a fait d’énormes progrès. Il pourrait aussi se concentrer sur le Championnat d'Europe. Tout commence par ce que veut le coureur. Après la saison sur route, il fera du cross. Il devra faire des choix dans tous les cas.

Comment comptes-tu gérer les égos ?
J’ai couru avec la plupart d’entre eux, y compris Remco. J’ai une bonne relation avec eux . Je pense que c'est plus une bénédiction qu'une malédiction. Il est en effet important de les mettre sur la même longueur d’onde. Remco Evenepoel et Wout Van Aert se rendent également compte qu'ils peuvent fonctionner de manière complémentaire. Grâce à la présence de Remco, Wout peut courir depuis une position plus défensive. Toute la pression ne tombe pas sur une seule personne. Mais bien sûr, on ne peut pas disputer une course avec cinq leaders, car ça rend très difficile l'élaboration d'une tactique.

« IL NE SERT À RIEN D'ENVOYER DES COUREURS POUR Y FAIRE DE LA FIGURATION »

Chez les Espoirs, Jarno Widar est également le leader tout indiqué, et déjà le grand favori annoncé !
Il veut faire le Mondial et le Championnat d’Europe. La combinaison est possible. Ça peut être un avantage, car tu peux viser un pic de forme pour une période puisque les deux courses se suivent. Le Championnat d'Europe peut être aussi une belle séance de rattrapage pour les coureurs.

Iras-tu avec une sélection complète ?
C'est l'idée de base. Pour les Élites et les Espoirs, il n'y a pas lieu de se priver d'un coureur. Dans les autres catégories d'âge, la question sera débattue car il ne sert à rien d'envoyer des coureurs pour y faire de la figuration.

Quels sont les autres Espoirs belges que tu attends en 2025 ?
J'espère qu'on verra un bon Milan Donie. Niels Driesen a été malchanceux en 2024 et Viktor Soenens a fait une belle saison chez Soudal-Quick Step U23. Aldo Taillieu, que je connais bien des Juniors et qui fait ses débuts en U23, peut aussi envisager entrer dans mes petits papiers pour le chrono.

Prévois-tu de les suivre directement sur le terrain ?
Dès que possible, notamment à Liège-Bastogne-Liège Espoirs et au Tour du Val d'Aoste. 

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