Julien Thollet : « Paul a été très insistant »

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Crédit photo Patrick Pichon - FFC

Il n’y avait pas foule ce lundi midi au pied du podium protocolaire du Championnat du Monde Juniors du contre-la-montre. Parmi les présents, le staff de l’équipe de France désireux de profiter du titre de Paul Seixas, le premier de l’histoire des tricolores, en chrono, sur un Championnat du Monde (voir classement). Après la photo de famille, le sélectionneur national des Juniors et manager des équipes de France Julien Thollet avait beaucoup de choses à dire sur le futur coureur de la WorldTeam Decathlon AG2R La Mondiale. Entretien.

DirectVelo : Paul Seixas obtient le premier titre mondial, chez les Juniors Hommes, en contre-la-montre !
Julien Thollet : Et pour le clin d'œil, les derniers médaillés (Etienne Pierret et Tony Gallopin, NDLR), c’était en 2006 et Paul est né en 2006. Le chrono, c’est toujours particulier pour nous. J’accompagne l’équipe de France Juniors depuis onze ans et sur les chronos, c’est vrai qu’on a tendance à se faire taper sur le casque même quand on sentait qu’il y avait du potentiel chez nous. Bravo à Paul qui a très bien préparé son affaire. Il faut souligner l'accompagnement qu’il a de son équipe. Decathlon AG2R La Mondiale fait un excellent travail. Il s’était vraiment bien préparé, avec notamment un travail d'optimisation aéro.

Était-ce une évidence pour toi de le sélectionner pour ce chrono ?
Au début de l’été, j’avais déjà positionné chacun des coureurs car il y avait cet enchaînement Europe-Monde. On voulait qu’ils puissent planifier leur entraînement. J’avais trois coureurs potentiels pour le chrono, à savoir Paul, Louis (Chaleil) et Eliott (Boulet). L’option que j’avais envisagée, c’était de dire à Paul qu’il devait rester focus sur la course en ligne comme il pouvait la gagner. Pendant l’été, on a échangé avec les trois garçons, on a aussi vu l’évolution des performances. Je ne cache rien, Paul a été très insistant. Il a poussé, poussé… Il m’a dit “je veux faire le Mondial chrono, il faut que j’y sois”. Il était légitime en tant que Champion de France. L’état de forme de chacun ces dernières semaines a fait qu’il a été sélectionné. Et il fait une très grosse performance aujourd’hui…

« TOUT ÉTAIT POSSIBLE »

Imaginais-tu un tél résultat ?
On se disait que les coureurs à qui il rendait dix kilos sur la balance allaient faire mal. Paul a déjà la maturité pour ne pas focaliser son attention sur le résultat. Il savait qu’il s’était bien préparé. Sur les autres chronos pendant la saison, il y a eu des coureurs plus rapides que lui mais sur un contre-la-montre aussi long, on n’avait pas trop de référence et tout était donc possible. C’est juste top qu’il gagne. 

Tout semble lui réussir, comment gérer pour ne pas brûler les étapes ?
Justement, c’était ça la discussion en juin. Je lui avais dit que le parcours pour la course en ligne était fait pour lui. C’était aussi quelque part pour le préserver, ne pas chasser plusieurs lièvres à la fois. La course en ligne, c'est déjà jeudi. C’est tout l’enjeu, il faut le préserver et malgré tout l’accompagner car il y a un potentiel énorme. Il faut mettre le curseur au bon endroit, notamment avec les entraîneurs des coureurs.

As-tu déjà vu un tel potentiel en équipe de France Juniors ?
C’est toujours compliqué à dire. On a coup sur coup Léo Bisiaux, qui est un peu de la même trempe, et Paul. Il y a eu des coureurs très costauds par le passé. Il faut aussi regarder l’adversité chez les Juniors car il y a des effets de génération. Mais là c’est sûr que nous avons affaire à un coureur costaud (sourire). 

« IL Y A DU TRAVAIL »

Il rejoindra une WorldTeam dès l’an prochain. Qu’en pense l’éducateur que tu es ?
Ma vision évolue. Il y a quelques années on a protégé l’ensemble du peloton. On disait à un coureur qu’il avait le temps de progresser. L’erreur qu’on faisait, moi le premier, c’était pour certains à très fort potentiel de leur dire qu’il fallait y aller tranquillement. Paul a sans doute été très demandé. Lui, on peut supposer qu’il est prêt et armé mais ce n’est pas le cas de tous les coureurs. En Juniors, ils ne courent qu’entre eux. Il va passer de courses de 120-130 à 200 kilomètres. Le WorldTour, c’est un autre monde. Il a du travail et devra s’adapter mais il pourra faire l'aller-retour avec la réserve et faire des courses d’un moindre niveau. Il a un bel avenir devant lui.

Est-il prêt mentalement à prendre des baffes, à ne plus gagner ?
On sent une vraie forme de maturité. Tout l’enjeu sera de renforcer la carapace car il va prendre des coups. Quand je disais que certains n’étaient peut-être pas prêts, c’était plutôt pour ça. Paul va connaître tout ça en version accélérée. C’est sûr que dans les mois qui viennent, il se fera taper un peu dessus mais ça a marché pour certains même si on ne va pas le comparer à Remco (Evenepoel) qui gagnait des courses WorldTour à 19 ans…

Malgré ce titre, ça ne sera pas une course bonus pour lui jeudi…
Tout l’enjeu va être de le remettre dedans mais il a la maturité pour ça. Les quatre qui l’accompagneront sur la course en ligne arrivent cet après-midi. Ils auront totalement confiance en lui jeudi. Clairement, ça ne sera pas du bonus… Il a le statut de favori, il faut qu’il assume. Il sera encore plus surveillé après ce titre, surtout sur son terrain de jeu. On va préparer ça en lui rappelant qu’il sera l’homme à battre. On va courir en fonction de ça. 

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