C'est une victoire qui valait bien une petite douche à la bière. À la sortie du contrôle antidopage, Henri-François Haquin a eu le droit à un arrosage de la part de son directeur sportif, Melvin Rullière. Après un succès de marque sur la Ronde de l'Isard, par l'intermédiaire d'Edvin Lovidius, le CC Etupes a encore tapé du poing sur la table, cette fois sur le Tour Alsace, grâce à un grand final d'Henri-François Haquin, qui après avoir pris la bonne échappée, a été capable de revenir sur l'attaque de Tom Donnenwirth, puis celle de Robert Donaldson, avant de battre le Britannique à la pointe de vitesse (voir classement). Une récompense pour le stagiaire de St-Michel-Mavic-Auber 93, qui a enchainé plusieurs coups durs durant la saison, mais qui décroche pourtant son troisième succès de l'année, alors que l'arrivée à Valentigney était jugée à moins de dix kilomètres du siège du club. Pour DirectVelo, Melvin Rullière est revenu sur cette journée de rêve qui avait tout d'un film, lui qui effectue ses derniers mois en N1 avec l'équipe franc-comtoise, avec l'espoir de rejoindre le staff d'une structure professionnelle.

DirectVelo : La victoire est particulière, proche du siège du club !
Melvin Rullière : En effet, et surtout c'est la plus grosse course qu'on peut faire durant notre année. C'est la plus belle organisation Classe 2 en France, avec l'Alpes Isère Tour peut-être et le Bretagne. Gagner, c'était notre objectif en venant ici. Je leur ai fait un mail pour leur dire que les objectifs étaient d'être dans le Top 15 du général et de gagner une étape. On était 11e ce matin, là on a dû reculer car on ne pouvait plus tout faire (Bjorn Koerdt est désormais 14e, NDLR).

Quel était le plan ?
Le coup que Joris (Delbove) fait aujourd'hui, c'était une option pour Bjorn (Koerdt), notamment de le suivre et d'être avec Henri pour faire comme Van Niekerk et Delbove. Mais ça ne s'est pas goupillé comme ça. À partir du moment où on était devant j'ai vite compris qu'il y avait une énorme chance. Je me suis arrêté, j'ai donné le vélo de rechange à Tudor et je me suis dit "maintenant, je reste devant parce qu'on va jouer la gagne". Quand c'est revenu à 45/50 secondes, je suis même allé dire aux commissaires qu'il fallait nous laisser là car j'étais certain que ça allait reprendre du temps. Ils étaient montés très fort et il n'allait plus y avoir personne pour relayer sur le haut. C'est ce qu'il s'est passé, ça a re-creusé.

« C'EST UN GAMIN QUI A TELLEMENT DE HARGNE »

Que lui as-tu dit dans ce groupe de tête ?
J'ai dit de rouler avec Joris car on l'apprécie, je suis content si St-Michel gagne, surtout qu'Henri est stagiaire là-bas. Joris lui a dit qu'il l'aiderait si ça allait au bout. Ça l'a rassuré. On est arrivé dans les 5 derniers kilomètres et l'attaque du gars de Quick-Step m'a mis en rogne dans la voiture. Henri était derrière, il ne regardait pas. Il ne se concentrait pas comme un mec qui est à 5 kilomètres de l'arrivée. J'ai klaxonné à mort, on a de la chance que Trinity était à deux et du coup un des deux s'est sacrifié.

Puis il y a eu ce final mouvementé...
Il y avait la petite bosse et Donnenwirth a attaqué, je m'en doutais. Je lui avais dit de se mettre dans sa roue. Il y est allé à contretemps et j'ai eu très peur dans le final. Il a montré qu'il était incroyable, il a sorti Donaldson de la roue sur un relais, c'est exceptionnel. Il est rentré, il a soufflé, il est resté calme. Donaldson est revenu et a attaqué et il arrive à reprendre sa roue puis le battre au sprint. C'est un gamin qui a tellement de hargne... Si ça arrive pour la gagne à dix-douze, il ne peut pas se louper.

Surtout vu ses qualités, tu as dû croire très fort à la victoire !
Il fait 1800 watts de puissance max, donc j'y croyais (sourire) ! Il est venu me voir à la voiture pour me demander qui était le plus rapide du groupe. Je lui ai dit "c'est qui le plus rapide ? C'est toi, on s'en fiche des autres !". Il a insisté et je lui ai redit "c'est toi". Je ne voulais pas qu'il imagine une seconde qu'il y ait un mec plus rapide. Alors que je pense qu'il y avait des mecs rapides comme Donaldson ou Basset, jeune et punchy, Colby Simmons qui a beaucoup collaboré. Et finalement... On ne les côtoie pas beaucoup et eux non plus ne nous connaissent pas. On a utilisé cet avantage. Je suis hyper content pour lui qui vient de signer un contrat de stagiaire et qui n'a rien de fait pour l'année prochaine. Ça montre que sa place est maintenant ailleurs.

« JE NE REGRETTE PAS DE LUI METTRE DES PETITES CLAQUES DERRIÈRE LA TÊTE »

Lorsqu'il n'a pas d'incident, il est assez régulier toute l'année...
Il a eu beaucoup de galères. Il est prêt avec une marge de progression, en gros. Parmi les parties où il était moins prêt, il y avait des moments de déconcentration sur lesquels on a beaucoup travaillé. Quand il fait des boulettes... Par exemple, il est venu sur la compétition sans cuissard dans la valise, ni une combinaison, il n'avait rien. Il m'a demandé d'aller chercher une combi au club. Je lui ai dit non, il est allé demander un cuissard à Auber et on a trouvé un maillot qui trainait dans le camion. Il faut toujours le transcender et le piquer au vif pour qu'il sorte le meilleur de lui-même, c'est comme ça qu'il fonctionne. Et quand il gagne, je ne regrette pas de lui mettre des petites claques derrière la tête. Il est prêt pour aller chez les pros. De par ses qualités, il ressemble à un Wout van Aert. Il peut être très bon en chrono, il a une bonne pointe de vitesse mais peut-être pas en massif. Il passe les bosses. L'équipe qui va lui faire confiance fera une bonne affaire.

Pour toi aussi c'est particulier, car tu vis tes dernières émotions à Etupes !
C'est clair, c'est sûr que je ne continuerai pas à Etupes mais je finis l'année à 200%. Je suis motivé comme au premier jour. Pour moi personnellement, j'espère que ça va montrer aussi qu'en tant que DS je sais manager mon équipe. On a réussi à gagner une étape à l'Isard, on gagne en Classe 2 ici avec un niveau assez fort. On a uniquement des Espoirs, on a trois mecs stagiaires. Je pense qu'on fait nos preuves. Et j'espère aussi que ça va m'ouvrir des portes, c'est clair.